Jusque tard hier, la situation demeurait extrêmement tendue dans cette localité. Sept manifestants, dont l'activiste et blogueur Brahim Laâlami (originaire de la région et déjà sous contrôle judiciaire pour des faits en relation avec le hirak), ont été arrêtés, hier à Djaâfra, à une quarantaine de kilomètres au nord du chef-lieu de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, juste pour avoir décidé de manifester pacifiquement. Chez les habitants de la région de Djaâfra, c'est la consternation. Ils dénoncent l'action des services de sécurité, présents en nombre impressionnant au chef-lieu de la daïra, contre des manifestants pacifistes. La nouvelle de l'arrestation des jeunes de la région a attiré tous les jeunes des villages et des communes avoisinants. La foule grossit d'heure en heure, et même le P/APC de la commune d'El-Main a rejoint la manifestation pour réclamer la libération des jeunes hirakistes. "Libérez nos enfants", "Libérez Laâlami", "On ne quittera pas les lieux avant la libération de nos enfants", scandaient les manifestants, tout en gardant le caractère pacifique de la protestation. Selon nos informations, les responsables auraient proposé aux citoyens, qui assiégeaient le commissariat de police, de quitter les lieux et de libérer 6 hirakistes en retour, mais en gardant Brahim Laâlami. La population a rejeté cette proposition et a réclamé la libération de tous les manifestants arrêtés sans distinction. "Libérez nos enfants", criaient les manifestants. Cette intervention des forces de l'ordre a été opérée après que les jeunes, qui avaient organisé une marche dans la ville, ont muré la porte de la daïra de Djaâfra. La marche a démarré vers 10h, depuis l'entrée de la commune, pour parvenir au siège de l'APC de Djaâfra, lieu du rassemblement. Tout au long de leur procession, les manifestants drapés dans l'emblème national et le drapeau amazigh ont scandé des slogans hostiles au pouvoir : "Pouvoir assassin", "Dégagez tous", "Le peuple veut la chute de ce régime". Les manifestants sont entrés à l'APC où ils ont, comme chaque mardi, condamné le bureau de vote à l'aide de planches, puis ont collé des pancartes où il était écrit : "Pas de vote avec le gang", "Djaâfra contre l'élection" et "Ulach l'vote ulach", "Pas de vote Ya s'hab el casse-croûte". Ensuite, la foule s'est dirigée vers le siège de la daïra où les manifestants ont rencontré le chef de daïra à qui ils ont reproché d'avoir désigné des membres des commissions chargés de l'élection du 12 décembre. "Nous manifesterons, chaque mardi, jusqu'au départ de ce système", "Ils l'ont vendu les traîtres", criaient les jeunes. Les jeunes ont continué leur manifestation en apportant leur soutien aux blessés de Tichy. "C'est une honte d'empêcher les hommes libres de manifester", "H'na ouled Amirouche, marche arrière ma nwellouche, talbine talbine el hourria", "Nous sommes les fils d'Amirouche, nous ne faisons jamais marche arrière, nous allons obtenir la liberté, la roue tourne, on va les évincer Inch Allah", "Vous nous avez toujours menti, nous n'irons pas voter", "Celui qui ira voter est un traître national", ont lancé les manifestants d'une seule voix. Les manifestants ont demandé la libération de tous les détenus d'opinion : "Libérez Bouregâa", "Libérez Tabbou"... Les manifestants, venus des quatre communes de la daïra, ont repris aussi les traditionnels slogans et chants des marches populaires du vendredi et des étudiants le mardi. Déterminés, les contestataires ont réussi à murer l'entrée du siège de la daïra en rééditant les slogans hostiles à l'élection, avant d'être éloignés violemment de la bâtisse par les forces de l'ordre. "Etat civil et non militaire", "Emmenez-nous tous en prison", "Silmiya, Silmiya", criaient les manifestants. En fin de journée, des affrontements ont été signalés entre les jeunes et les forces anti-émeutes. Selon des témoins oculaires, les forces de l'ordre ont finalement engagé l'assaut contre des manifestants qui ne voulaient pas quitter les lieux avant la libération des 7 détenus. Une trentaine de blessés ont été enregistrés, selon la même source.