Il a eu droit à des comités d'accueil bien particuliers. Des jeunes opposés à la présidentielle lui ont signifié qu'ils n'ont pas l'intention de le laisser faire sa campagne et qu'ils n'iront surtout pas voter. Le candidat islamiste à l'élection présidentielle prévue le 12 décembre prochain, Abdelkader Bengrina, a été pratiquement chassé, hier, par les citoyens de la commune de Lakhdaria (ouest de Bouira), où il devait effectuer, dans le cadre de sa campagne électorale, une sortie de proximité. En effet, celui qui a déclaré sur les plateaux de télévision privée que les manifestants qui exigent le départ du système sont "tout au plus 300 000 à travers le pays" a été "accueilli" par plusieurs dizaines de citoyens scandant "Bengrina dégage", "Bengrina, Lakhdaria ne veut pas de toi" et le célèbre slogan "Ulac l'vot ulac!" (Il n'y aura pas de vote). M. Bengrina agacé — car ne s'attendant pas à être pris à partie par les citoyens — s'est alors lancé dans un monologue que les télévisions enregistraient sous les huées des manifestants. Un citoyen a interpellé le candidat Bengrina sur ses propos méprisants sur le mouvement populaire lui signifiant que "tout un peuple rejette l'élection présidentielle, et vous nous dites, toute honte bue, que nous sommes quelques milliers. Honte à vous monsieur !". Plutôt que de répondre au manifestant qui l'interpellait, Bengrina a préféré se tourner encore une fois vers les caméras en affichant un sourire des plus gênés. Le candidat Bengrina est resté dans le périmètre de sécurité limité par les éléments des services de sécurité et ne s'est nullement aventuré au-delà. Face à une telle colère populaire, il a été contraint de quitter les lieux dans la précipitation et sous une forte escorte policière. À Bordj Bou-Arréridj, Bengrina, qui a évité le chef-lieu de wilaya pour animer une rencontre de proximité au bureau de sa permanence de Bordj Ghedir, a estimé que le citoyen algérien a le droit de choisir entre une transition politique ou le vote, mais qu'il n'a pas le droit de jouer avec la sécurité du pays. Le candidat a précisé qu'il est le candidat de ce peuple. Avant son arrivée, des habitants de cette ville, connus pour leurs positions justes et leur franc-parler, se sont préparés à sa rencontre devant cette permanence. "Que vient-il faire ici ?", dira un des habitants de la ville. "Il vient pour provoquer les gens. C'est un inconnu pour nous. Même si nous devions voter, ce ne serait pas pour lui", a répliqué un vieil homme. Le candidat est arrivé avant l'heure après avoir été chassé de Lakhdaria. Il a été accueilli par son directeur de bureau de Bordj Bou-Arréridj, un ancien député du MSP et par quelques partisans sous bonne escorte. Malgré ce cordon de sécurité, quelques éléments du hirak sont parvenus jusqu'au bureau pour le chahuter en criant : "Bengina dégage", "À Bordj Ghedir, il n'y aura pas de vote". Pour les jeunes qui ont perturbé sa sortie, le candidat n'écoute pas, mais il provoque avec son audace déplacée. "Il ne sait pas compter ou il a besoin de lunettes", a ironisé un jeune qui ajoute : "Comment dire que les millions, qui sortent chaque vendredi, ne sont qu'un million, et ses partisans, qui sont venus aujourd'hui pour lui, sont des milliers ?" Sous les cris de "Dégage Bengrina", le candidat a quitté Bordj Ghedir pour se rendre à Barhoum dans la wilaya de M'sila.