Le nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, aura la lourde charge de faire face au mouvement populaire qui se poursuit et qui se renforce malgré l'organisation du scrutin. Abdelmadjid Tebboune, qui se présente comme l'homme du "changement" réclamé par les Algériens, doit faire face à un premier handicap : son absence de légitimité populaire. Une position inconfortable pour un homme qui souhaite pourtant "unir" les Algériens et "mener les réformes" nécessaires pour le pays. Des efforts sont indispensables pour tenter de convaincre la majorité des Algériens qui n'ont pas voté pour lui ou choisi carrément de boycotter le scrutin présidentiel. Outre l'absence de légitimité populaire, Abdelmadjid Tebboune devra faire face à une situation inédite : après sa victoire électorale, le nouveau chef de l'Etat a été accueilli par des manifestations immenses qui le contestent. Outre les manifestations organisées le jour de l'élection pour s'opposer au scrutin, des dizaines de milliers d'Algériens sont sortis hier dans les rues des grandes villes du pays pour contester la légitimité du nouveau président. Pour beaucoup d'entre eux, la contestation de cette élection n'est qu'une étape de plus dans la lutte des Algériens pour le changement du système politique. Les promesses de l'heureux élu de "concrétiser" les revendications populaires ne semblent pas avoir trouvé un écho favorable auprès des manifestants qui le classent parmi les figures de l'ancien système. Preuve en est que dans son programme électoral, il ne porte pas l'une des revendications les plus importantes des manifestants. Pour convaincre les Algériens d'aller voter, le pouvoir a dû redoubler d'ingéniosité : s'inventer des ennemis intérieurs et extérieurs, précipiter l'organisation du procès des anciens Premiers ministres et sortir à nouveau l'épouvantail de la menace extérieure. C'est pour cela, entre autres, que beaucoup pensent, en effet, que "l'élection est une étape pour faire sortir le système de la crise, mais pas une solution à la crise du pays", comme l'a écrit le politologue Hasni Abidi. C'est "la saison deux" du mouvement populaire, disent certains manifestants. En plus de la contestation populaire et d'une abstention record, Abdelmadjid Tebboune et le pouvoir devront désormais compter avec une nouvelle donne. Une région complète du pays, la Kabylie, n'a pas voté. Il est vrai que la région a habitué les Algériens à un faible taux de participation lors des scrutins précédents. Mais en dehors des élections législatives de 2002, organisées dans un climat insurrectionnel, jamais le taux de participation n'a été aussi bas. C'est une première dans les annales politiques algériennes. L'homme, qui a déjà évité, au même titre que ses concurrents, de se rendre dans cette région, devra trouver les arguments qui feront de lui "le président de tous les Algériens". Pour pouvoir faire passer son scrutin, le pouvoir a muselé la majorité des médias nationaux et interdit aux journalistes étrangers accrédités de quitter les frontières de la capitale. La pratique est courante chez les autorités algériennes, qui confirment ainsi que l'élection d'Abdelmadjid Tebboune ne diffère pas vraiment des scrutins précédents. Ni dans les méthodes ni dans les visages.