On ignore si ces reports procèdent de quelques calculs politiciens, puisqu'intervenant à la veille de la prestation de serment du nouveau président, dont certains attendent des gestes d'apaisement à même de lui permettre d'asseoir son pouvoir écorné par l'absence de légitimité. Encore une semaine supplémentaire pour Karim Tabbou. La chambre d'accusation près la Cour d'Alger a décidé hier de reporter sa décision quant à la demande de libération provisoire introduite par ses avocats à mercredi prochain. Ce report, que rien a priori ne justifie dans la mesure où l'examen du dossier porte sur une affaire dont la qualification est délictuelle — il s'agit de l'affaire dans laquelle Karim Tabbou a comparu devant le tribunal de Sidi M'hamed pour "atteinte à l'unité nationale et incitation à la violence via ses publications sur les réseaux sociaux" —, laisse à penser que les autorités judiciaires ne sont pas près d'expédier le dossier de sitôt. Aussi, lorsqu'on observe que la chambre d'accusation près la Cour de Tipasa a annulé, fin septembre, la décision du juge d'instruction en ordonnant sa mise en liberté provisoire pour une affaire dont la qualification est "criminelle" (participation à l'entreprise de démoralisation de l'armée), il est pour le moins curieux que la chambre d'accusation près la Cour d'Alger ne tranche pas dans la seconde affaire. Passons sur le fait que le mis en cause soit une personnalité publique et que la détention provisoire demeure une mesure exceptionnelle. On ignore, cependant, si le report charrie quelques calculs politiciens, puisqu'intervenant à la veille de la prestation de serment du nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, dont certains attendent des gestes d'apaisement à même de lui permettre d'asseoir son pouvoir écorné par l'absence de légitimité, d'une part, et de créer les conditions d'un début de rétablissement de confiance, d'autre part. Il est donc probable, compte tenu du fonctionnement de l'appareil judiciaire et des pratiques du système de façon générale, que le renvoi soit inspiré afin de mettre entre les mains du "nouveau pouvoir" une carte politique à des fins de redéploiement. D'aucuns s'attendaient à ce que Karim Tabbou, homme politique en vue et figure emblématique du hirak, soit remis en liberté pour jauger les intentions réelles des autorités, d'autant que lors de sa première conférence de presse Abdelmadjid Tebboune, sans se prononcer franchement sur la question des détenus d'opinion, n'a pas manqué de s'engager à prendre des mesures d'apaisement. Mais ce report, au-delà du fait qu'il traduise la persistance de certaines pratiques, suggère que le traitement de ces "affaires" n'interviendra que lorsque les autorités auront jugé le moment opportun pour tirer quelques dividendes politiques. Ce qui pourrait expliquer le renvoi également de l'audition de Fodil Boumala, autre figure du hirak, prévue pour hier, mais reportée au 22 décembre prochain, au tribunal de Dar El-Beïda. C'est aussi le cas de Samir Belarbi, dont la décision quant à la demande de liberté provisoire a été reportée au 25 du même mois. Autrement dit, tout dépendra de l'évolution du rapport de force entre la "rue" et le "pouvoir" et de l'avancée de l'idée du dialogue lancé par Tebboune, véritable serpent de mer. Car, parallèlement au traitement des cas d'affaires en suspens, les arrestations et les condamnations se poursuivent à un rythme soutenu.