Cela pourrait se décliner comme un premier indice sur les réelles intentions du nouveau "pouvoir" qu'incarne Abdelmadjid Tebboune : la chambre d'accusation près la Cour d'Alger examine aujourd'hui la demande de liberté provisoire de Karim Tabbou, coordinateur de l'Union démocratique et sociale (UDS) et figure emblématique du hirak. Arrêté le 11 septembre devant son domicile, sur les hauteurs d'Alger, Karim Tabbou est placé le lendemain, sur ordonnance du juge d'instruction, sous mandat de dépôt à la prison de Koléa pour le chef d'inculpation de "participation à l'entreprise de démoralisation de l'armée". On reprocherait à Karim Tabbou des propos proférés sur l'institution militaire lors d'un meeting populaire organisé en mai dernier dans la ville de Kherrata (est de Béjaïa). Coup de théâtre quinze jours plus tard : la chambre d'accusation près la Cour de Tipasa annule la décision du juge d'instruction de le placer en détention provisoire et ordonne sa libération provisoire. Mais c'était pour une courte durée, puisque, dès le lendemain, il sera arrêté de nouveau. Présenté trois jours plus tard devant le juge d'instruction du tribunal de Sidi M'hamed, il sera placé de nouveau en détention provisoire. Et, selon ses avocats, il est poursuivi pour "atteinte à l'unité nationale et incitation à la violence via ses publications sur les réseaux sociaux". "Ce type d'agissement est une provocation prononcée et ne peut être que de connotation politique. Une décision qui n'honore point notre pays qui milite pour la liberté, l'Etat de droit et la démocratie", avait commenté alors, dépité, un des avocats, Me Mustapha Bouchachi. Depuis, des informations relayées par ses avocats font état de son placement en situation d'"isolement". S'il faut sans doute se garder d'anticiper sur l'issue de l'examen de son dossier, il reste que son éventuelle libération ou son maintien lèvera un peu le voile sur les réelles intentions d'Abdelmadjid Tebboune. Il est vrai que pour l'heure, n'ayant pas encore prêté serment, il n'est pas encore investi de tous les pouvoirs que lui confère la Constitution. Mais une éventuelle libération pourrait être perçue comme un premier geste d'apaisement, d'autant que le "client" est un homme politique qui jouit d'une certaine aura auprès du hirak et que les "chefs d'inculpation" sont assez vagues du point de vue de la jurisprudence, selon nombre d'avocats. Bien plus, lors de sa première conférence de presse, à l'issue de l'annonce des résultats de l'élection, Abdelmadjid Tebboune s'était engagé à tendre la main au hirak. "Je m'adresse directement au hirak, que j'ai à maintes reprises qualifié de béni, pour lui tendre la main, afin d'amorcer un dialogue sérieux au service de l'Algérie et seulement l'Algérie", avait-il assuré. Une profession de foi qui ne peut espérer connaître de prolongement sans de sérieux gestes d'apaisement. À commencer par la libération des détenus d'opinion dont Karim Tabbou, entre autres. Seule ombre au tableau : de nombreuses demandes de remise en liberté similaires ont déjà été rejetées, alors que le nouveau "président" a toujours esquivé la question relative aux détenus d'opinion. Autant lors de sa campagne électorale que durant sa conférence de presse. K. K.