L'acte 44 du hirak à Montréal s'est focalisé sur l'absence de légitimité du nouveau président de la République et la nécessité de poursuivre le combat pacifique. Des centaines de manifestants ont pris part au rassemblement dominical à la place du Canada, au centre-ville de Montréal. Dès 11h, le décor est planté avec sonorisation, emblème national, étendard amazigh, pancartes, etc. Les slogans habituels de la révolution du sourire sont scandés à tue-tête. "Tebboune ne nous représente pas, il n'est pas notre président", vocifère un manifestant au speaker corner, une sorte d'agora citoyenne, où des propositions sont formulées par les intervenants sur les perspectives du mouvement pacifique. Cette position s'explique par l'absence de légitimité populaire du chef de l'Etat, le scrutin présidentiel étant boudé par la majorité de la population. "C'est un président imposé contre la volonté populaire", dénonce-t-on. "Le peuple n'a pas demandé de remplacer Bouteflika par Tebboune", affirme une manifestante pour qui le peuple, qui manifeste chaque semaine, revendique une rupture systémique. À vrai dire, les manifestants s'en tiennent à la revendication historique du hirak : Yetnahaw gaâ ! (Qu'ils dégagent tous), le système et ses hommes. Parce que pour eux, l'instauration d'un véritable Etat de droit passe nécessairement par le démantèlement du système, exigée par la rue depuis le 22 février. C'est la démocratie qui réhabilitera la souveraineté populaire, aujourd'hui spoliée, ajoute un autre intervenant. L'intronisation du nouveau président de la République ne semble pas amener les contestataires à cesser le combat. Plusieurs manifestants ont porté un bandeau sur l'œil, manière pour eux de manifester leur solidarité agissante avec les éborgnés parmi les militants du hirak. À ce propos, la solidarité avec les blessés ne s'est pas limitée à ce geste symbolique que le pouvoir, dans sa nature violente, n'est pas capable de saisir le sens et la portée. Une militante pro-hirak a lancé une collecte de fonds pour venir en aide aux blessés qui ont besoin de soins lourds. En l'espace de trois jours, l'objectif de 35 000 dollars a été atteint. Autre préoccupation de la diaspora : la situation des détenus politiques "injustement incarcérés". Leurs portraits trônaient dans le ciel de Montréal et semblaient donner des raisons supplémentaires pour poursuivre le hirak, né d'une lame de fond historique. Outre la pétition adressée au Parlement canadien, des proches de détenus d'opinion interpellent désormais Ottawa. C'est le cas de Sihem Chouicha, fille du militant des droits de la personne Kaddour Chouicha. Cette étudiante résidant à Ottawa demande à la communauté internationale de réagir devant l'arbitraire qui s'abat sur les militants politiques engagés dans le hirak.