"Investiture ou pas, la mobilisation du hirak doit continuer", tranche avec conviction la diaspora algérienne au Canada. Samedi, lors de la manifestation devant le consulat général d'Algérie à Montréal, les Algériens hirakistes ont insisté sur la nécessité de poursuivre le combat pacifique jusqu'au départ du système. "Hada el-hirak wadjib watani" (Ce mouvement populaire est un devoir national), scandent à tue-tête les manifestants. Malgré le froid polaire avec des températures atteignant jusqu'à moins 20 degrés Celsius, les Algériens du Canada ne veulent pas lâcher prise. L'investiture du nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, constitue un détail, devant la volonté inébranlable des Algériens de se réapproprier la souveraineté populaire, spoliée au lendemain de l'indépendance. "C'est un combat pour l'indépendance, la liberté", affirme un manifestant. "Tebboune ne nous représente pas", soutient un autre. C'est que dans la diaspora, à Montréal particulièrement, le vote du 12 décembre n'a pratiquement pas eu lieu, en ce sens que le taux de participation était famélique ; à Montréal, il était de 3,8%. Il faut dire que l'opération "zéro vote", qui a mobilisé les manifestants, a été pour quelque chose dans ce "résultat". Des manifestants se sont bandé les yeux, manière d'afficher leur soutien aux blessés de la répression policière, dont certains ont été éborgnés. "Eborgner des manifestants pacifiques, cela ne peut se produire que dans une dictature militaire", dénonce une manifestante. Outre les blessés, les détenus d'opinion étaient également omniprésents par leurs portraits brandis par les manifestants. "Libérez les détenus, libérez l'Algérie", scandait-on. Au-delà du soutien aux Algériens qui manifestent chaque vendredi et mardi, l'action de terrain de la diaspora vise également à alerter l'opinion internationale sur la crise algérienne. Digne des parlements démocratiques, le speaker corner, qui se tient parallèlement à la manifestation, a été l'occasion pour les manifestants de réitérer leur engagement à poursuivre le combat pacifique. Et ce n'est pas l'élection présidentielle rejetée massivement par les manifestants qui mettra fin à cette lame de fond historique, estiment les intervenants. L'invitation au dialogue lancée par le chef de l'Etat suscite plutôt de la prudence chez les manifestants qui, échaudés, rappellent les expériences dialoguistes passées qui ont toutes foiré. Certains doutent même de la volonté du pouvoir à dialoguer sérieusement avec la société. "Le pouvoir est en faillite, il est acculé", martèle un autre manifestant qui avertit sur la nécessité d'éviter d'hypothéquer le hirak. Par ailleurs, la manifestation dominicale a été organisée hier à la place du Canada pour le 44e dimanche.