L'histoire montre que les gouvernements successifs ont eu tendance à relâcher la conduite des réformes dans les conjoctures financières très favorables. Le prix du baril du pétrole restera-t-il encore sur les cimes ? L'hypothèse n'a plus rien de saugrenu. Les analystes sont convaincus de cette possibilité. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, est quasiment certain que le prix du pétrole ne descendrait pas au-dessous de 50 dollars d'ici la fin de l'année. Depuis quelques semaines, les cours du pétrole tournent autour de 65 dollars le baril. Certains experts parient sur un baril à 70 dollars d'ici la fin de l'année. Cette envolée des cours du pétrole devrait permettre à l'Algérie d'engranger, encore cette année, des recettes record. Les statistiques douanières (voir l'article de N. R. dans l'édition de lundi) indiquent que l'Algérie a exporté, à fin juillet, près de 23 milliards de dollars. Quant à ses importations, elles s'élèvent à 12,4 milliards de dollars. L'Algérie enregistre, donc, un excédent de plus 10 milliards de dollars, contre 9,41 milliards de dollars durant la même période de l'année 2004. De janvier à juillet, les revenus pétroliers de l'Algérie ont atteint 22,48 milliards de dollars, contre 19,14 milliards durant la même période de l'année écoulée. Assurément, il y a beaucoup d'argent qui rentre dans les caisses de l'Etat. À ce rythme, les recettes de l'Algérie vont vraisemblablement dépasser les 40 milliards de dollars, annoncés déjà par les responsables du secteur de l'énergie. D'autant que généralement au dernier trimestre, les experts prévoient une forte demande internationale sur le pétrole, du fait de la reconstitution traditionnelle des stocks à la veille de l'hiver. En outre, l'Algérie bénéficie du décalage gazier qui fait que les prix des exportations de gaz seront plus chers le second semestre par rapport au premier. Le ministre des Finances avait indiqué, récemment, que les réserves de change ont atteint à 47 milliards de dollars et que le montant du Fonds de régulation des recettes dépasse les 900 milliards de dinars, soit 12 milliards de dollars. Ces chiffres seront aussi revus à la hausse. Certains économistes estiment que les réserves de change pourraient dépasser aisément les 50 milliards de dollars, à la fin de l'année. Les ressources engrangées à travers le Fonds de régulation des recettes pourraient atteindre des niveaux exceptionnels. C'est que les rentrées fiscales supplémentaires sont en train d'exploser. Pour rappel, le budget dans la loi de finances 2005 a été établi sur un prix de référence de 19 dollars le baril. Le Sahara Blend, le pétrole algérien, dépasse aujourd'hui de loin ce prix de référence. Le surplus fiscal ira dans le Fonds de régulation des recettes. Jamais l'Algérie n'a disposé d'autant d'atouts pour conduire le changement et réaliser, de ce fait, un taux de croissance durable et plus rapide. Comment transformer ces atouts en croissance effective ? Voilà la question qui interpelle le gouvernement. Cette question renvoie à l'efficacité des politiques menées par les pouvoirs publics et à la mauvaise gouvernance actuelle. Jusqu'à présent, l'Etat n'a pas réussi à traduire les immenses liquidités qu'il détient en masses d'emplois permanents et en richesses, pour réduire, enfin, notre dépendance au pétrole. L'histoire montre que les gouvernements successifs ont eu tendance à relâcher la conduite des réformes, pourtant indispensables à la mise en place d'une économie s'appuyant sur les forces du marché et bénéficiant d'un climat d'affaires favorisant la croissance de la productivité. Qui profitera alors de cette manne tombée du ciel ? Meziane Rabhi