Le pur-sang fait son grand retour à Oran pour servir d'apparat lors des cortèges nuptiaux. Le cheval, symbole de paix, d'authenticité, de bravoure et de sérénité, qui a toujours accompagné l'homme dans ses pérégrinations, son histoire, fait son come-back dans les cortèges nuptiaux à Oran. Le trot chaloupé du cheval et ses folles chevauchées ont toujours inspiré les poètes arabes. Antar Ibn Chedad, Khalid Ibn El Walid et l'Emir Abdelkader ont chanté le pur-sang arabe qui revient aujourd'hui à Oran pour servir d'apparat dans les cortèges nuptiaux. Qu'il soit de course, de parade ou de trait, on lui réserve aujourd'hui une place aux côtés de la voiture “dernier cri”. On le décore, on le cajole et on le “chouchoute” pour qu'il devienne l'attraction d'une soirée, une monture qui saura faire éclipser le brillant des automobiles qui deviennent tout juste un accessoire. Blanche, brune ou tachetée, la robe du cheval est parée de rubans et de ballons multicolores. Le cabriolet flambant neuf, devenu un “must” pour les mariages branchés, s'efface devant le port altier du cheval. Certaines familles oranaises lui réservent une place de choix dans le long cortège bigarré et bruyant qui ira parader dans les rues de la ville. La mode veut aujourd'hui que le nouveau marié enfourche un cheval pour rejoindre la salle des fêtes ou le doux foyer où “l'attend sa dulcinée”. Cette tradition, que les vents du modernisme ont failli effacer de la mémoire des Oranais, est revenue sans crier gare pour signifier un retour aux sources. Le cheval est revenu au galop imposer sa présence dans les cortèges nuptiaux. Les rues de la ville deviennent les lieux d'une parade où se mêlent à ses hennissements, la “zorna” et le tintamarre des klaxons. Le cheval, utilisé par des marchands ambulants qui arpentent la ville proposant des fruits et légumes, s'est affranchi à la recherche d'un luxe qui sied à son aura. Les charrettes sont jetées dans les étables. Le cheval est “bichonné”, “pomponné” pour accompagner la fête. Certains propriétaires ont même conçu des calèches décorées avec soin, destinées à la location durant les mariages. Ces véhicules sont loués entre 5000 et 6000 dinars pour un passage remarqué au milieu d'une procession joyeuse. Le propriétaire d'un pur-sang arabe qui répond au nom évocateur est synonyme d'espoir, “mabrouk”, avoue que sa bête est devenue la mascotte de plusieurs jeunes couples oranais qui se sont unis pour le meilleur et pour le pire. “Mabrouk est tellement sollicité qu'il est réservé jusqu'à la fin du mois de septembre prochain”, explique son propriétaire. Avant que le cortège ne se forme pour s'ébranler à travers les rues d'Oran, le cheval est soumis à une véritable toilette où se retrouvent les shampoings et les parfums “made-in”. Une selle finement brodée, des ballons et des rubans transforment le cheval, qu'il soit de trait, de course ou de parade, en un objet de curiosité qui donne à la fête tout son attrait. Le marié enfourche sa monture pour rejoindre la salle des fêtes, suivi par une colonne de jeunes qu'enveloppent les rythmes “karkabou” et les “youyous” des femmes. Un moment majestueux puisé dans des souvenirs impérissables que gardent encore jalousement et par bribes, la mémoire des anciennes familles oranaises. À l'entrée des lieux, une halte est observée pour permettre au marié de parader, bien calé sur le dos de sa monture parée. Une ronde est organisée pour exhiber le couple “marié-cheval” et pour permettre aux invités d'apprécier la grandeur du moment. Le cheval, sans coup férir, “botte” les voitures dernier cri. Tous les regards ne sont plus que pour lui. Le luxe des véhicules chichement décorés n'arrive plus à attirer l'attention quand le bruit des sabots du cheval se fait entendre à l'entrée de la salle des fêtes. Les flashs des appareils photos crépitent pour immortaliser le moment. Les convives s'empiffrent de gâteaux et de limonade. On gave le cheval de sucreries. On le caresse avant de poser avec lui pour la pospérité. Les photos iront garnir l'album de famille. Elles évoqueront, des années plus tard, des moments de joie vécus un soir d'été à l'occasion d'un mariage où s'étaient mêlés le traditionnel au moderne. Le cheval, quant à lui, après un dernier tour de piste, est remis à sa dure condition de “travailleur inlassable”. Il quittera les lampions de la fête sur la pointe des sabots pour rejoindre son étable et reprendre, le matin d'après, sa course à travers les rues de la ville, ahanant sous le poids d'une charrette chargée de fruits, de légumes et parfois même de ferraille. Il reprendra ses pérégrinations, slalomant difficilement entre des voitures rutilantes qu'il avait narguées la veille et qu'il est obligé, le matin, de surveiller pour “ne pas se retrouver les quatre fers en l'air”. R. R./APS