Plus de trois mois après avoir été interpellés par la police, Brahim Daouadji, Oussama Tifour, Djilali Mohamed et Ayatallah Amirat ont été condamnés hier à trois mois de prison ferme et 50 000 DA d'amende par le tribunal correctionnel de Mostaganem. Trois d'entre eux ont, vers midi, recouvré la liberté alors qu'Oussama Tifour a été gardé en détention en raison d'une affaire de droit commun dont il devra répondre ultérieurement. Les quatre hommes avaient été jugés le 20 janvier dernier pour outrage et violences à fonctionnaires de l'Etat (art. 144 du code pénal), exposition au regard du public de documents de nature à nuire à l'intérêt national (art. 96), attroupement non armé (art. 100) et atteinte à l'intégrité nationale (art. 79 modifié). Faits qui remontent à octobre dernier à l'occasion d'un rassemblement citoyen contre une visite effectuée par le ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, Salim Bernaoui. Brahim a été arrêté et jeté dans une cellule avec son fils de trois ans, que son grand-père a récupéré quelques heures plus tard. Lors du procès, le procureur de la République avait requis 18 mois de prison ferme contre Brahim Daouadji et une année contre ses trois compagnons. À la barre, les prévenus ont rejeté les accusations portées contre eux en expliquant avoir exercé leurs droits de s'exprimer et de manifester comme tous les Algériens qui marchent depuis presque une année pour un changement radical. Les avocats de la défense — tous des bénévoles qui courent les tribunaux d'Algérie pour assister les hirakistes — ont dénoncé l'utilisation de l'appareil judiciaire contre ceux qui osent s'opposer au pouvoir politique et plaidé la relaxe pour les quatre prévenus qui n'avaient commis aucun crime. "En quoi exprimer son opinion peut-il menacer l'intégrité du pays ? En quoi crier ‘makanch intikhabat mâa el-îssabat' (Pas de vote avec la bande) peut-il porter atteinte à l'unité nationale ?", se sont-ils notamment demandé en appelant le tribunal à séparer "le politique du judiciaire" dans le traitement du dossier. Quelques minutes après l'énoncé du verdict, une explosion de joie a retenti à l'extérieur. Elle émanait des hirakistes venus apporter leur soutien aux accusés. Le père de Daouadji, notamment, a exprimé son soulagement de voir son fils retrouver sa liberté et les siens. "Je suis content qu'il soit libéré, mais en colère car il a été incarcéré simplement pour avoir exprimé son opinion", a-t-il déclaré. Au milieu des manifestants qui témoignaient toute leur gratitude aux avocats "Yal mouhamin, bravo âalikoum, El-Djazaïr teftakher bikoum" (Bravo les avocats, l'Algérie est fière de vous), le frère de Brahim Daouadji a demandé de ne pas oublier les "cinq hirakistes qui sont toujours en prison", la vingtaine de manifestants qui sont en liberté en attente d'être jugés le 20 février pour attroupement et, plus généralement, tous les détenus du hirak. Rappelons que Brahim Daouadji qui avait observé une grève de la faim de 39 jours, avait dû être hospitalisé en raison de la dégradation de son état de santé. À sa sortie de prison, il a été accueilli en héros par de nombreux amis et hirakistes qui l'ont accompagné chez lui sous bonne escorte.