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"Il faut s'attendre à l'arrivée de quelques cas de coronavirus en Algérie" Pr Abdelkrim Soukehal, épidémiologiste, spécialiste en médecine préventive, santé publique et hygiène
Cet ex-chef de service au CHU de Beni Messous pense qu'"au plan humain et au plan des structures, le pays est outillé pour faire face à cette menace. Mais l'application sur le terrain du référentiel de prévention standardisé est inexistante ou déviante". Liberté : Depuis l'apparition du coronavirus, l'OMS établit régulièrement des rapports de situation mais n'a pas encore décrété l'alerte mondiale. Faut-il redouter quand même l'apparition de cas de coronavirus en Algérie ? Le Pr Abdelkrim Soukehal : Quand on parle d'épidémie, il faut établir une définition de cas. C'est une règle, toute maladie qui a un potentiel épidémique doit être définie. La première définition, c'est le cas possible, la seconde, le cas probable et, en troisième lieu, le cas certain. En fonction de cette définition de cas, il y a une conduite à tenir. Pour l'instant, on n'a détecté aucun cas certain en Algérie. En Chine, en revanche, les autorités ont comptabilisé, à l'heure actuelle (hier), 4 597 cas de coronavirus, 106 décès et 6 973 cas probables. On est déjà sur des milliers de cas. Ce virus est connu pour être extrêmement contagieux. Le point de départ de cette infection serait un marché de poissons dans la ville de Wuhan. On a affaire à une zoonose. C'est-à-dire une infection d'origine animale, transmise à l'homme. Ce qui fait la gravité de ce virus. C'est une pandémie qui va se répandre rapidement dans le monde entier. Il faudra s'attendre à l'arrivée d'au moins quelques cas de coronavirus en Algérie, dans les jours ou semaines à venir, car la durée d'incubation est d'une à deux semaines. Les Chinois représentent la plus importante communauté étrangère en Algérie. Quelles mesures de prévention peut-on mettre en place immédiatement ? Toutes les mesures de prévention à prendre sont liées au mode de transmissions du virus. On doit prendre des précautions standard qui doivent être appliquées partout et par tous face à un phénomène épidémique transmissible, pour ce cas, par voie aérienne et manu-portée. Il faut aussi rester très vigilant devant les signes cliniques suivants : la fièvre, la toux, une sensation d'oppression ou de douleurs thoraciques, difficultés respiratoires… Si la personne présente l'un de ces signes et vient d'arriver d'une zone infectée, il faut suspecter immédiatement le coronavirus. Le ministère de la Santé vient d'annoncer la mise en place de caméras thermiques au niveau des aéroports internationaux du pays, pour détecter d'éventuels voyageurs qui seraient touchés par ce virus. Est-ce suffisant ? Cette nouvelle menace évolue vite et elle est pourvue d'un potentiel épidémique important, c'est pour cette raison que l'Etat algérien a instauré un dispositif de vigilance qui va nous permettre de diagnostiquer le cas index (premier cas). Ce dispositif a été intégré à celui déjà en place pour prendre en charge les cas compliqués de la grippe saisonnière ayant causé jusqu'à présent cinq décès. Et il faut s'attendre à un pic de cas de grippe saisonnière au mois de février. Le risque est d'avoir l'introduction du coronavirus qui va s'associer à cette pathologie. Le contrôle sanitaire aux frontières constitue une sorte de filtre de surveillance assuré au niveau des ports et aéroports du territoire national pour détecter les personnes qui arrivent des zones infectées. On informe alors la personne que, si elle tousse ou si elle a de la fièvre, elle doit se diriger en urgence vers une structure de santé. On a activé, en réalité, un dispositif déjà en place pour les épidémies précédentes comme Ebola, H1N1, épidémie de syndrome respiratoire aigu et sévère. La caméra thermique permet de détecter des personnes qui présentent une hyperthermie, soit une augmentation de la température du corps. En ce qui concerne le dispositif de surveillance et de prise en charge, il y a un protocole référentiel à respecter. Le patient suspecté d'avoir contracté le coronavirus est mis en isolement respiratoire et de contact. Les prélèvements sont adressés à l'Institut Pasteur Algérie de Sidi Fredj qui est un centre de diagnostic et de référence. Deuxièmement, on notifie le cas à l'OMS. C'est donc la transparence totale en termes de prise en charge de tous les cas de coronavirus et aussi de grippe saisonnière. Maintenant, le personnel de santé est tenu également d'appliquer obligatoirement les bonnes pratiques d'hygiène relatives aux soins. Elles consistent en un lavage des mains aux normes. C'est-à-dire en utilisant un savon liquide à usage fréquent et des essuie-mains à usage unique. Ensuite, on doit procéder à la désinfection des mains avec une solution hydro-alcoolique aux normes de viruscidis et porter des gants. Ce qui est important à relever est qu'on ne désinfecte que ce qui est propre. Pour la transmission aérienne, dans la prise en charge des personnes suspectées ou confirmées, le personnel de santé doit disposer de moyens de protection individuelle, en l'occurrence de masques respiratoires de type FFP2 habilités à bloquer l'arrivée du virus. Il faut, en outre, avoir à disposition des lunettes de protection parce que le virus pénètre aussi par les yeux, des sur-blouses ainsi que des charlottes sur la tête. Tous ces équipements sont à usage unique et doivent rejoindre, après usage, la filière des déchets à risque infectieux. Ce sont, en gros, les vraies mesures de prévention capables de bloquer l'apparition de nouveaux cas. Le personnel de la santé ne doit en aucun cas être contaminé, c'est très important pour des raisons évidentes. Mais la réalité du terrain est autre. Vous voulez dire qu'il existe des failles dans le système de prévention qui ne permettraient donc pas de circonscrire ce virus efficacement ? Au plan humain et au plan des structures, le pays est outillé pour faire face à cette menace. Maintenant, si l'épidémie s'installe, il faudra prévoir des centres d'isolement. Il est vrai aussi que l'application sur le terrain du référentiel de prévention standardisé est inexistante ou déviante. Ensuite, les mesures de prévention doivent être intersectorielles et ne pas concerner uniquement le département de la Santé, mais également d'autres départements, dont le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, la police, les douanes, le ministère de la Communication, celui des Transports. Car, par exemple, les avions contaminés, il faudra les désinfecter. C'est ce qu'on appelle en médecine préventive les IEC : information, éducation, communication.