Alors que le chef de l'état a déclaré que les éléments du parti dissous n'avaient pas leur place sur la scène politique, sur le terrain d'anciens terroristes de la mouvance mènent campagne pour la charte. Entre ce qu'a dit Bouteflika dans son discours et les précisions apportées par Belkhadem à la télévision, dimanche soir, il y a manifestement un décalage qui ouvre la porte à toutes les ruses. Le président Bouteflika, en levant le voile la semaine dernière sur son projet de “charte pour la paix et la réconciliation nationale”, avait également expliqué que la mouture du texte sur laquelle se prononceront les algériens le 29 septembre prochain constitue un point d'équilibre. Equilibre entre des forces contradictoires, dont il est aisé de deviner l'identité — l'armée et les islamo-terroristes —, au-delà duquel ce qu'il avait qualifié de “défi de haute élévation morale qui interpelle notre foi et notre patriotisme” deviendrait une aventure politique. Ainsi, les militaires sont assurés d'une immunité, l'Etat prenant sur lui la responsabilité des “dérapages” commis par ses agents dans le cadre de la lutte antiterroriste. Dans ce jeu de bascule, les islamo-terroristes se voient aussi blanchis de leurs abominables crimes, à travers l'extinction des mesures judiciaires dont ils sont l'objet. En contrepartie, comme l'a clairement souligné le président Bouteflika, “le projet prévoit l'interdiction de tout exercice d'une activité politique, sous quelque forme que ce soit, aux responsables de cette instrumentalisation de notre religion, de même que l'interdiction de toute activité politique à quiconque ayant une responsabilité dans la conception et la mise en œuvre de la politique prônant le pseudo-djihad contre la nation et les institutions de la République”. En invitant aussi les citoyens à lire entre les lignes, Bouteflika laisse entendre que le texte contient des équivoques. Car, en stipulant l'interdiction d'activité politique à tous ceux qui sont impliqués dans la tragédie nationale, à travers la manipulation de la religion, on ne sait rigoureusement qui est concerné et qui ne l'est pas par cette disposition. Est-ce que l'interdiction de l'exercice politique concerne uniquement la direction de l'ex-FIS ? Est-ce que les autres cadres de ce parti peuvent revenir sous d'autres étiquettes qui respecteraient les balises posées par la constitution ? Autant d'interrogations qui méritent d'être posées, d'autant que Abdelaziz Belkhadem, lors de son passage dimanche soir à la télévision, a déclaré, en précisant bien qu'il parlait au nom du président de la République, que “l'interdiction ne concerne pas tous ceux qui ont appartenu à un parti donné, à un moment donné”. Belkhadem, que l'on dit “pleinement associé” à l'élaboration de cette charte, veut-il insinuer qu'il y a une liste noire de “wanted” et que les autres auront toute latitude de revenir à la politique ? Est-ce que l'irruption par effraction des trois “émirs” de l'AIS, Mezrag, Kertali et Benaïcha, qui ont animé une conférence, n'est-elle pas un prélude à leur retour sur la scène politique, en échange de leur soutien à la charte pour la réconciliation ? Pourtant, leur responsabilité est claire quant à leur implication dans des massacres collectifs. D'ailleurs, Madani Mezrag, loin de faire amende honorable, assume avec orgueil son passé de chef terroriste en disant ne rien “regretter”. C'est dire qu'il n'est pas exclu que cette charte, si elle n'est pas confortée par des dispositions rigoureuses qui définissent qui est qui et qui peut faire quoi, nous ramène à la case départ. N. Sebti