Dans sa quête de faire taire les protestataires, le pouvoir a pourtant tout essayé. Au cinquantième vendredi de mobilisation populaire, le hirak a montré qu'il n'a pas pris une ride. Il continue de rappeler ses revendications face à un pouvoir qui n'entend que sa propre partition. Alors que des observateurs misaient sur la fin de la mobilisation populaire après l'élection présidentielle du 12 décembre, des dizaines de milliers d'Algériens continuent de battre le pavé aux quatre coins du pays. Ni les informations diffusées par le ministère de la Défense évoquant le risque d'attentats, ni la chape de plomb qui pèse sur les médias lourds, ni encore moins les défections, présentées par le pouvoir comme des trophées, n'ont réussi à faiblir un mouvement populaire qui semble s'inscrire dans la durée. Dans sa quête de faire taire les protestataires, le pouvoir a pourtant tout essayé. Après avoir mis en prison des figures politiques du mouvement populaire, il change de stratégie : il met en œuvre la technique de la carotte et du bâton. Il libère certains militants, mais en retient d'autres. Il tient un discours d'ouverture, mais empêche les Algériens de manifester librement et garde la pression sur les médias. Il lance des invitations au dialogue, y compris à des figures de l'opposition, mais évite de discuter sur les sujets qui fâchent. En gros, tout semble indiquer que les tenants du pouvoir n'ont rien compris à la situation. Face à ce déni des réalités — il avait en vérité commencé bien avant l'élection présidentielle —, le hirak poursuit son chemin. "Ceux qui pensaient que la présidentielle était une fin en soi ont découvert qu'elle a permis au système de se recycler", résume Mostefa Bouchachi, l'avocat devenu une des figures du hirak populaire. Il s'exprimait, vendredi, à des médias. À près d'une année du début du mouvement populaire, rien ne semble se profiler à l'horizon. Face à l'entêtement du pouvoir, les animateurs du mouvement populaire continuent de plaider pour la poursuite de la mobilisation populaire "pacifiquement" jusqu'à la satisfaction de la principale revendication, à savoir "le changement radical du système". "Il faut qu'on se mobilise tous, pacifiquement, avec les mêmes revendications, sans aucune violence", rappelle Bouchachi. "La mobilisation populaire doit se poursuivre et se renforcer jusqu'au départ du régime", résume, quant à lui, Hakim Addad, ancien détenu d'opinion, contacté hier par téléphone. "Il faut renforcer le hirak, maintenir la mobilisation, son cadre pacifique et unitaire et surtout le traduire en rapport de force politique. En réponse à la feuille de route du pouvoir, le hirak doit vite élaborer la sienne et reprendre l'initiative. L'objectif est d'imposer un processus politique via des négociations sérieuses et transparentes. Cela passera bien évidemment par un processus constituant", indique, de son côté, Saïd Salhi, vice-président de la Laddh, dans une interview accordée au journal français Le Monde. Dans la discrétion, des activistes se préparent, d'ores et déjà, à la commémoration du 1er anniversaire du début des manifestations populaires. Des activistes promettent que les marches seront "grandioses".