Les menaces proférées par le ministre du Commerce à l'égard des intervenants fraudeurs du marché n'ont, finalement, fait qu'envenimer davantage la situation. Le délai de dix jours qu'a demandé aux citoyens le ministre du Commerce, Kamel Rezig, pour régler de manière définitive la crise du lait vient d'expirer. L'échéance jugée par M. Rezig nécessaire pour mettre un terme aux récurrentes perturbations que subit la filière vient de s'achever sans pour autant que des solutions efficientes soient trouvées. Preuve en est que le sachet de lait pasteurisé subventionné (25 DA) se fait de plus en plus rare sur le marché. Toutes les wilayas trouvent des difficultés à assurer un approvisionnement régulier et organisé du lait sur leurs territoires respectifs. Si certaines régions reçoivent quelques quantités réduites achetées très tôt le matin par les citoyens, d'autres, en revanche, n'ont pas été approvisionnées depuis plusieurs décades. Cela est essentiellement dû à un recul dans la production et une défaillance flagrante dans le système de distribution. Le produit, faut-il le préciser, n'est pas disponible équitablement sur l'ensemble du territoire. D'où la nécessité d'instaurer une cartographie grâce à laquelle il sera possible de répartir de manière équitable ce produit de large consommation à travers tout le territoire national. Pourtant, les 117 laiteries publiques et privées en activité assurent une production globale estimée à 4,7 millions de sachets par jour. De quoi satisfaire en principe la demande nationale. Pis encore, l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) livre 14 000 tonnes de poudre de lait par mois aux laiteries mais dans le circuit de la distribution, le sachet de lait se fait toujours désirer. Sur les 4,7 millions de sachets de lait produits par jour, seuls 1,5 million de sachets arrivent au niveau des points de vente au détail, constatent les contrôleurs. Où va donc le reste ? La réponse est claire et connue de tous : vers la fabrication d'autres produits dérivés, tels que le fromage, les yaourts… dont les prix sont libres et qui demeurent rentables pour les producteurs. Conséquence : en dépit de toutes ces capacités, le marché national vit une sempiternelle tension. Ce constat amer qui caractérise la filière laitière prouve clairement que le ministre n'a pas pu tenir ses promesses. En outre, quel est ce responsable, quelles que soient ses compétences, qui pourra résoudre cette épineuse problématique en un laps de temps aussi court ? C'est dire que le premier responsable du département du Commerce s'est précipité dans ses déclarations en s'engageant de la sorte devant tous les Algériens. Il a, par ailleurs, recouru au discours menaçant à l'adresse des acteurs indélicats de la filière pensant que ce type d'attitude allait les dissuader à commettre l'infraction. Ses menaces proférées à l'égard des intervenants fraudeurs du marché n'ont fait qu'envenimer davantage la situation. La réaction des distributeurs a d'ailleurs été instantanée. Ils ont décidé d'enclencher un mouvement de grève à l'échelle nationale afin d'exprimer leurs revendications. Ils demandent en fait surtout une révision de leurs marges bénéficiaires restées inchangées depuis plus de 20 ans. Ce qui a contraint le ministre à provoquer une réunion à laquelle il a convié la Fédération nationale des distributeurs du lait (Fndl) à écouter leurs doléances. Selon le président de cette organisation, Farid Oulmi, les marges bénéficiaires accordées aux distributeurs de lait en sachet et aux commerçants sont en voie d'être augmentées. Cette question est actuellement à l'étude au ministère. M. Oulmi avoue, cependant, que "les marges seront revues sans impact sur le prix codifié du lait en sachet". Pour lui, les marges dont bénéficient en ce moment les distributeurs sont "très faibles" et ne dépassent pas les 90 centimes par sachet, et restent parmi les principales raisons à l'origine des perturbations enregistrées dans la distribution du lait en sachet subventionné. Ce taux fixé, il y a deux décennies, "constituait un gros problème pour les opérateurs", indique-t-il. Des distributeurs sont obligés d'effectuer des déplacements dans d'autres wilayas en l'absence de laiteries dans toutes les régions du pays. M. Oulmi affirme que "les marges bénéficiaires actuelles ne permettent pas de couvrir les coûts du transport".