L'urgence d'une révision profonde des modes de gouvernance, annoncée déjà la première semaine de janvier dernier, est au centre de la nouvelle République prônée par Tebboune, qui repose également sur la nécessité de l'amendement, encore là en profondeur, de la Constitution. Rappelées lors du Conseil des ministres du 4 février, des pistes sont suggérées pour parvenir à cet idéal "démocratique", dont le soutien à la presse et aux médias "dans l'exercice de leur activité dans le cadre de la liberté, du professionnalisme et du sens de la responsabilité et de l'éthique". Il est aussi question de la régulation de la presse électronique et de la publicité. Des chantiers immenses pour le gouvernement d'autant plus que ces dossiers sont éminemment politiques et ne peuvent être abordés du seul prisme économique. Partant de cet axiome et depuis l'avènement de Bouteflika en 1999, en passant par le vide constitutionnel imposé par son incapacité à gérer le pays jusqu'à l'élection de Tebboune, le rapport du pouvoir à la presse aura été celui du seul rapport de force qui a vite tourné à l'avantage du régime qui a su comment asphyxier les titres indépendants qui échappent à son contrôle à travers une gestion hiératique de la manne publicitaire. Le maître d'œuvre, une Anep qui a fermé ses vannes à ces journaux, distribuant les placards publicitaires publics suivant un degré d'allégeance bien établi et une affinité "affairiste" qui a suscité des scandales et érigé tant de fortunes colossales. Les réseaux, les passe-droits et autant de trafic d'influence ne peuvent être dissociés du rapport étroit qu'entretiennent la presse et la publicité. Le machiavélisme du régime a été poussé à l'extrême en se défaussant sur la crise économique qui a frappé le pays, n'hésitant pas à recourir au chantage fiscal contre les grandes entreprises privées désireuses de passer des encarts publicitaires dans les titres honnis et blacklistés. Le chef de l'Etat, en instruisant son Premier ministre de se pencher sur ce dossier, n'ignore certainement pas que la volonté officielle ne suffit pas à redresser la situation catastrophique de la presse indépendante ni les discours lénifiants à donner au pays un rang plus honorable dans le classement des libertés de la presse. Le même constat est à établir concernant le rapport de l'Etat avec la presse électronique qui n'échappe pas, elle non plus, aux mécanismes de verrouillage, notamment par le blocage de nombreux sites d'information en ligne critiques en direction du pouvoir, particulièrement, en période de hirak ou rapportant simplement l'information. Une censure en ligne dénoncée par les responsables de ces adresses électroniques qui estiment que ces pratiques sont une atteinte directe et frontale aux libertés de la presse et d'expression. En théorie, ces sites d'informations devront bénéficier des mêmes droits que les autres titres de la presse écrite et des médias de l'audiovisuel dans la couverture des événements officiels au niveau national et également de la publicité publique dans la limite de la loi et de la déontologie, selon l'ENTV qui a diffusé l'information. En théorie seulement, puisqu'il est évident, dans l'actuelle configuration de la gouvernance établie, que les médias, qui ne suivront pas la ligne éditoriale d'El-Mouradia, seront exclus des dividendes publicitaires, qu'ils soient électroniques ou sur papier. Et même si Tebboune dispose d'une réelle volonté politique d'inverser ce processus létal pour la presse, il est trop tard pour certains titres de se relever de cette mort programmée. L'autre axe de cette bonne gouvernance voulue est la liberté de réunion et de manifestation pacifique. Une liberté qui est constitutionnellement garantie, mais continuellement foulée aux pieds de la répression policière, comme cela est constaté chaque vendredi dans plusieurs villes d'Algérie. Cette évocation verbale par Tebboune aura-t-elle force de loi ? Difficile de l'affirmer à l'ombre de la menace de disparition des derniers bastions des libertés individuelles.