Le Club des magistrats a réagi avec virulence à la convocation et à l'audition du procureur, estimant qu'il n'a pas commis de faute professionnelle. Vingt-quatre heures après sa convocation, on en sait davantage sur le contenu de l'audition du procureur adjoint du tribunal de Sidi M'hamed au niveau de l'inspection générale du ministère de la Justice. Selon nos sources, il lui a été reproché un réquisitoire à caractère politique, en audience publique. Son cas, lui signifie-t-on, entre dans le cadre de l'article 60 de la loi organique portant statut de la magistrature. L'article en question stipule qu'au "sens de la présente loi organique, est considéré comme faute disciplinaire tout manquement par un magistrat à ses obligations professionnelles. Est également considérée comme faute disciplinaire, pour les magistrats du parquet et les commissaires d'Etat, la violation des obligations inhérentes à leur subordination hiérarchique". Le jeune procureur adjoint, nous dit-on, a "défendu sa position" et la justesse de son réquisitoire en faveur de la relaxe des 19 manifestants dont le procès s'est déroulé dimanche dernier. "Son sort est désormais entre les mains du ministre de la Justice, Belgacem Zeghmati. Il risque la suspension provisoire, en attendant d'être déféré devant le Conseil supérieur de la magistrature lors de sa prochaine session disciplinaire", ajoutent nos sources. Durant ce procès, le représentant du ministère public a surpris l'assistance par un véritable plaidoyer pour l'indépendance de la justice et en faveur des activistes du hirak. Ce qui a été interprété par le ministère de la Justice comme un "discours politique" et une insubordination aux orientations de la "hiérarchie" passible de sanction pour l'exemple. "Une entrave au processus de l'indépendance de la justice" Le Club des magistrats algériens s'est insurgé contre l'audition, lundi, du procureur adjoint de Sidi M'hamed, par l'inspection générale du ministère de la Justice. "La démarche de l'inspection générale du ministère de la Justice est une entrave au processus d'indépendance de la justice et une menace à la sécurité professionnelle et constitutionnelle des magistrats. Cela démontre, encore une fois, la mainmise de l'Exécutif sur le pouvoir judiciaire avec l'intention avérée de terroriser les magistrats et de contester leur droit de s'exprimer librement", lit-on dans un communiqué rendu public hier. Le Club des magistrats algériens a tenu à préciser que les pressions du ministère de la Justice et de ses services sont multiples et continues "afin de casser toute tentative d'expression ou de revendication de l'indépendance et de la dignité". Qu'un procureur de la République requière la relaxe en faveur des prévenus ne constitue pas, selon le Club, "une faute professionnelle au sens de l'article 60 du statut du magistrat, de même que cela ne nécessite pas une convocation devant l'inspection générale, puisque des centaines de demandes de relaxe ou d'application de la loi sont enregistrées un peu partout au niveau des instances judiciaires et, parfois même, devant le tribunal criminel". Le Club des magistrats a, enfin, réitéré la détermination de la nouvelle génération de la corporation à mener "une véritable bataille inspirée de la révolution populaire pacifique. Une bataille qui consacrera l'indépendance de la justice et son affranchissement d'un ministère et de ses services despotes et hostiles aux positions des jeunes magistrats qui militent en faveur de l'indépendance de la justice".