Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, a insisté, la semaine dernière, lors de la présentation du rapport sur les tendances monétaires et financières durant les 9 premiers mois de 2015, sur le rôle que les banques ont joué dans «le financement de la croissance hors hydrocarbures». Revoir la politique monétaire et se pencher sur la question des taux d'intérêt, telle est en substance l'une des revendications des banquiers, sommés de prendre possession de leur fonction dans la mobilisation de l'épargne et la bancarisation des ressources financières de l'informel, et appelés désormais à financer la croissance. Dans un contexte de crise qui s'installe dans la durée, le gouvernement est aujourd'hui dans l'obligation de trouver des alternatives au financement budgétaire des investissements publics. Le recours au marché financier local et aux banques de la place est, en ce sens, privilégié. Le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Mohamed Laksaci, a insisté, la semaine dernière, lors de la présentation du rapport sur les tendances monétaires et financières durant les 9 premiers mois de 2015, sur le rôle que les banques ont joué dans «le financement de la croissance hors hydrocarbures». Cependant, et au-delà de son impact sur le budget, la conjoncture actuelle affecte la situation des liquidités bancaires, lesquelles sont fortement corrélées aux dépôts de Sonatrach. Le rapport de la BA met en avant un recul de pas moins de 6 milliards de dollars des liquidités bancaires entre janvier et septembre 2015. Une situation qui met en péril la viabilité du rythme de croissance des crédits à l'économie, d'où la nécessité pour les banques de rechercher des ressources auprès des ménages et les petits opérateurs. Et c'est dans ce contexte que le gouverneur de la BA a exhorté les banques à jouer leur rôle dans l'intermédiation et l'inclusion financières, au-delà du refinancement de la BA en tant que prêteur en dernier recours. Il a estimé à ce titre que «l'épargne financière est appréciable» en Algérie et qu'il revient aux banques de la mobiliser en proposant des «produits financiers attractifs en fonction de leur clientèle», faisant référence à la possibilité des développer des produits financiers à marge afin d'attirer une clientèle rebutée par le principe du taux d'intérêt. Autrement dit, M. Laksaci appelle les banquiers à faire preuve d'innovation et améliorer la rémunération des dépôts, nous explique un cadre de la Banque centrale. Cependant, du côté des banquiers, on met en avant certaines problématiques alimentant la défiance de la clientèle envers les banques. Au-delà des volets relatifs à la performance technique et au poids de l'informel de l'économie nationale, le délégué général de l'Association des banques et établissements financiers (ABEF), Abderrazak Trabelsi, avait alors interpellé la BA sur la nécessité de doter les banques des capacités à même de leur permettre de mobiliser cette épargne. Il a évoqué en premier lieu la nécessité d'étoffer les réseaux d'agences des banques, invitant le gouverneur en termes voilés de lâcher du lest sur les autorisations d'ouverture d'agences. Le responsable de l'Abef a également évoqué les coûts de la ressource, ou autrement dit les taux d'intérêt de réescompte et d'adjudication qui rémunèrent le refinancement des banques, ou encore ceux rémunérant la ressources. Dans un contexte où les banques se sont habituées à des taux d'intérêt rémunérant les dépôts assez faibles, la question revêt aujourd'hui une importance capitale. La situation d'excès de liquidité qui a prévalu pendant la dernière décennie a, d'ailleurs, reporté le débat autour des taux d'intérêt et des taux de réescompte, ce dernier étant resté figé à 4% depuis 2004. Le délégué général de l'Abef a plaidé pour une hausse des taux d'intérêt et des taux de réescompte. Cependant, le gouverneur de la Banque d'Algérie a préféré comprendre le contraire, estimant que son institution «ne subventionne pas les banques. Les bénéfices de la Banque d'Algérie vont au Trésor public», éludant ainsi la question. Il n'en demeure pas moins que la politique monétaire de la BA est depuis quelques semaines sujet à critique. C'est ainsi que les économistes de la Toulouse School of Economics, Nour Meddahi et Raouf Boucekine notamment, évoquent les volets relatifs aux reprises de liquidités, aux ratios de solvabilité des banques, aux réserves obligatoires ainsi qu'à la rémunération des facilités de dépôt des banques auprès de la BA, qui devra être nulle ou à un taux négatif. Les économistes critiquent aussi la politique de taux d'intérêt menée par les banques en Algérie, qui laisse entrevoir des écarts trop importants entre la rémunération des dépôts (par les épargnants et la clientèle), et le taux d'intérêt du crédit. Un écart qui finit, selon eux, par donner de mauvaises habitudes aux banques en termes d'emprunt et de crédit et développe chez elles une aversion au risque. Les deux économistes recommandent aussi de mettre la «rémunération des dépôts à terme au-dessus de l'inflation anticipée». Meddahi et Boucekine recommandent aussi de revoir la politique des taux sur les crédits à court, moyen et long termes, de sorte à rémunérer la prise de risque et limiter la propension des banques à accorder des crédits à court terme. Autant de questions sur lesquelles l'autorité monétaire devra se pencher, elle qui devra arbitrer entre la nécessité de mobiliser et bancariser les ressources et l'exigence de financement des investissements à long terme, mais à des taux non prohibitifs.