Au lendemain de l'annonce du premier cas de coronavirus en Algérie, beaucoup d'Oranais se sont rués sur les pharmacies pour s'approvisionner en masques et en gels désinfectants. Toutes les pharmacies visitées confirment le phénomène et certaines parlent même de rupture de stock de ces articles. Pourtant, au CHU d'Oran, on tente de tempérer. "Pour l'instant, il n'y a pas de raison de céder à la panique, il s'agit d'un cas de coronavirus importé, il n'y a pas de foyer local de coronavirus", a déclaré à Liberté le chef de service d'épidémiologie avant d'ajouter : "Il est important de communiquer et d'expliquer aux citoyens que ce sont les mesures d'hygiène classiques qu'il faut respecter et appliquer, le port des masques n'est pas encore nécessaire et c'est surtout destiné aux personnes touchées par la grippe". Mais ces propos mesurés n'ont pas d'écho chez une partie de la population qui, échaudée par l'épisode des trois décès dus à la grippe H1N1 de type A à Oran, s'est précipitée vers les pharmacies : "Depuis ce matin, c'est la ruée sur les masques et les gels désinfectants", confirment plusieurs pharmacies du centre-ville d'Oran, indiquant même être déjà en rupture de stock. Un client rencontré dans une officine déclare avoir visité plusieurs pharmacies avant de trouver des masques, et en a acheté une dizaine. Pourtant, dans le cas du coronavirus, seuls les masques de catégorie FFP2 sont efficaces et ces derniers ne sont pas en vente libre. Au CHUO, en première ligne en cas d'épidémie ou de pandémie, les personnels soignants et les médecins se disent inquiets "face à l'absence de rigueur dans l'organisation des soins, le non-respect des procédures déjà en situation normale, l'absence de moyens comme une zone de quarantaine avec des lits médicalisés". Ainsi, l'on nous parle d'errance médicale, de circuit inadmissible dans la prise en charge des malades suspects. "Pour les cas suspects avec des symptômes de grippe et de complications respiratoires, nous avons vu qu'ils ont été trimbalés entre les services de pneumologie, de cardiologie, d'infectiologie, des UMC et de réanimation", soit autant de risques de faire circuler le virus. D'autres professionnels de la santé ne comprennent pas que l'annexe d'Oran de l'Institut Pasteur n'ait pas les moyens de réaliser les tests et les analyses. "Nous n'avons même pas de bouillons de transport pour acheminer les prélèvements à Alger", déplore un spécialiste. L'annonce par la DSP de prévoir deux structures pour d'éventuelles mises en quarantaine — l'établissement public de proximité de Sidi El-Houari et l'hôpital de Gdyel à ce jour n'ayant pas été réceptionné — montre bien, selon nos interlocuteurs, l'impréparation du secteur de la santé. Aujourd'hui, une nouvelle rencontre avec la cellule de crise du CHUO doit avoir lieu pour clarifier les capacités de prise en charge et l'organisation de tous les intervenants impliqués en cas de foyer de coronavirus.