Selon des sources proches de la Banque centrale, la réactivation du dispositif dit de financement non conventionnel (la planche à billets) est très envisageable. L'Algérie, dont les gouvernements successifs depuis l'indépendance n'ont jamais opéré les réformes nécessaires pour s'affranchir de la rente pétrolière, est de nouveau confrontée à une grave menace de cessation de paiement. Loin des sinistroses et des logiques alarmistes, la menace est, en effet, plus que jamais imminente, dès lors que la crise pétrolière en présence est non seulement brutale, mais encore et surtout appelée à perdurer au moins pendant quelques mois. Ce qui suffirait à plonger le pays dans une impasse financière sans précédent. Que faire alors ? À moins d'une remontée miraculeuse et spectaculaire des cours du Brent à leur niveau d'avant la pandémie de coronavirus, toutes les options immédiates qui s'offrent au gouvernement seront, à n'en pas douter, socialement douloureuses et politiquement périlleuses. Avec un prix du pétrole de 50 dollars le baril, le budget de l'Etat pour 2020, tel que prévu dans la loi de finances en vigueur, prévoyait déjà "un trou" abyssal de plus de 1 533 milliards de dinars, soit 7% du produit intérieur brut (PIB), tandis que le déficit du Trésor devait s'établir à plus de 2 435 milliards de dinars, soit 11,4% du PIB. La valeur du baril étant désormais divisée brutalement par deux, ces déficits internes, tout comme ceux externes (solde de la balance des paiements), risquent ainsi d'atteindre des niveaux intenables avec, en prime, une érosion plus rapide que prévue des quelques réserves en devises dont dispose encore le pays et qui permettaient jusque-là de couvrir ses excès de dépenses à l'importation. La conjoncture étant à ce point défavorable, les ajustements budgétaires et monétaires sans cesse remis à plus tard risquent à présent d'intervenir de façon brutale et forcée, avec un coût social et politique assurément douloureux. Dans cette optique, trois options — les unes aussi périlleuses que les autres — sont évoquées en guise de réponses possibles et rapides au scénario probable d'un maintien des prix du pétrole à leurs niveaux actuels : un retour incontournable à la planche à billets, une dépréciation plus rapide et plus prononcée du dinar et des coupes drastiques et indispensables dans la dépense publique à travers une loi de finances rectificative à mettre en place en toute urgence. Selon des sources proches de la Banque centrale, la réactivation du dispositif dit de financement non conventionnel (la planche à billets) est très envisageable, d'autant que l'inflation monétaire reste contenue à des niveaux relativement faibles. Légalement possible car autorisée par la loi sur la monnaie et le crédit (LMC) pour une durée de cinq ans, soit jusqu'à fin 2022, le dispositif de la planche à billets, estiment cependant nos sources, ne peut être sollicité qu'à "petite dose" et en étant accompagné par d'autres mesures d'ajustement pour rationaliser les dépenses de l'Etat. Pour éviter ainsi d'éroder rapidement les réserves de changes en alimentant la demande interne, dans un contexte de raréfaction des ressources, les tirages à opérer sur la planche à billets ne peuvent être que limités. Aussi, en complément à l'option peu orthodoxe du retour au financement non conventionnel, l'Exécutif, notent en définitive nos sources, devra être amené à jouer plus significativement sur le taux de change du dinar en l'ajustant à la baisse, mais aussi et surtout à améliorer la fiscalité ordinaire en instaurant de nouvelles taxes, notamment sur la consommation énergétique. À tous les coups, la population aurait sans doute à subir fortement les coûts sociaux des ajustements douloureux que l'Exécutif risque de devoir opérer très rapidement si la chute des prix du pétrole venait à perdurer.