L'évolution de l'épidémie de coronavirus en pandémie et l'apparition continue de nouveaux cas en Algérie sont à l'origine de questionnements formulés sur la Toile par des sociologues, des médecins et des avocats, qui suggèrent au hirak de "s'adapter" à la conjoncture. Les Algériens sont sortis en nombre dans la rue, vendredi dernier, pour redemander le départ du système. Cette image à laquelle sont habitués les Algériens depuis maintenant 56 semaines, détonne pourtant par rapport à ce qui se passe dans le monde, et surtout en Europe, où les principales capitales sont désertées pour cause de mesures de restriction, notamment l'interdiction des rassemblements publics, afin d'endiguer le risque de contamination au coronavirus. La situation est aussi à l'origine de questionnements formulés par des sociologues, des médecins et des avocats, qui suggèrent au hirak de "s'adapter" à la conjoncture, à l'instar du professeur Mansour Brouri, spécialiste en médecine interne, qui estime qu'"il faut absolument retarder la propagation du virus au sein de la population". Et, pour lui, "la seule manière de procéder est effectivement d'éviter, entre autres, les rassemblements de masse qui seront un facteur de contamination si le virus est déjà dans la population". Cette opinion est répercutée par Sofiane Benyounès qui y joint son avis personnel, selon lequel, "les hôpitaux algériens et le système sanitaire national ne sont pas du tout préparés à ce genre de catastrophe et de virus", pour indiquer qu'"il est préférable de faire une pause dans les marches du vendredi, du mardi et du samedi et de trouver d'autres formes de contestation jusqu'à ce que le danger de cette maladie s'éloigne". Il propose, par exemple, d'"accrocher des drapeaux, des banderoles et des slogans aux balcons" ou encore d'"user du mehrez (pilon) les vendredis, mardis et samedis, etc.". L'avis d'un arrêt momentané des rassemblements est partagé par Abdelmalek Azzi, l'animateur de l'une des ailes du Cnes, qui a écrit dans un post : "Le bon sens nous dicte d'arrêter tous les rassemblements en période de pandémie, et surtout d'éviter tout propos populiste." Il l'est aussi par Arezki Beddek, gynécologue, qui estime qu'"une décision d'observer provisoirement une trêve aux différentes marches nationales ne fera que grandir la maturité du hirak", tant elle lui permettrait de "réfléchir à d'autres moyens de lutte en attendant que cette grave crise sanitaire mondiale disparaisse", d'autant, a-t-il ajouté, qu'on connaît "l'état lamentable du système de santé algérien". Le sociologue et politologue Lahouari Addi a, sous le titre, "Le coronavirus aidera-t-il le régime ?", écrit dans un post que "malgré les dangers de la pandémie qui s'annonce mondiale, les Algériens ont manifesté pour dire leur détermination à vouloir le changement de régime que leur refusent les généraux". Il a relevé que "sur les réseaux sociaux, un vif débat est engagé sur l'opportunité de continuer à manifester ou de suspendre momentanément la protestation". Il a estimé que "le coronavirus n'aidera pas le régime car celui-ci sera encore plus rejeté compte tenu de l'état des hôpitaux qui ne sont pas pourvus pour faire face à une situation de pandémie si la situation venait à se dégrader et le hirak trouvera probablement d'autres formes pacifiques de protestation". Aussi, conclut-il, "même si le hirak s'affaiblit pendant un ou deux mois, il reprendra de plus belle une fois la pandémie jugulée". D'autres idées appelant à maintenir les manifestations hebdomadaires "quel qu'en soit le prix" sont également avancées sur les réseaux sociaux, pendant que d'autres, moins radicales, préconisent une attitude médiane, comme celle défendue par un médecin engagé dans le hirak, qui recommande aux manifestants d'être "responsables" dans l'action. "Organisez-vous de telle manière à éviter la propagation du virus. Portez des bavettes, excellez dans vos créations, espacez-vous et évitez l'affrontement" avec les policiers, a-t-il recommandé.