La juge a prévu des confrontations entre les différents témoins et accusés. Le réquisitoire est attendu, probablement, pour demain mardi. Au troisième jour du procès de l'ex-directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) Abdelghani Hamel, la juge du tribunal de Sidi M'hamed a auditionné une dizaine de témoins et d'accusés. Ce sont, en fait, les révélations faites sur le traitement que réservait l'administration aux "demandes" des enfants de Hamel qui méritent d'être mises en avant. Ainsi, aucune administration, à quelque échelle que ce soit, n'a pu "s'opposer" aux desiderata de la famille Hamel. Bouamrirène Ali, directeur des Domaines de la wilaya de Tipasa, n'a pas hésité à révéler qu'il subissait des pressions pour faciliter l'octroi d'un terrain, au lieudit Magtaâ-Kheira, aux enfants de Hamel. Actuellement en détention, M. Bouamrirène a souligné devant la juge que l'ancien chef de sûreté de la wilaya de Tipasa "m'appelait régulièrement à propos du dossier des Hamel pour une concession d'une superficie de 14 470 m2". L'ancien chef de sûreté de Tipasa Salim Djaïdjaï, actuellement en détention dans le cadre de cette affaire, sera jugé par le tribunal de Boumerdès. La juge l'interroge ensuite sur la nature des pressions qu'il aurait subies. "J'étais menacé et ceux qui intervenaient savaient que la démarche d'octroi de ce terrain était irrégulière", a-t-il répondu, ajoutant qu'il avait déposé plainte. "Le tribunal administratif a été saisi et il a rendu sa décision sur la nullité de la concession", dit-il. C'était justement sur ce point que la juge avait insisté, car malgré cette décision du tribunal administratif, les Hamel ont pu avoir le terrain. "Pourquoi avez-vous signé la concession alors qu'un jugement a tranché sur sa nullité ?", a répliqué la juge, avant que l'accusé ne précise qu'il avait "signé la concession en émettant une condition, à savoir que si le Conseil d'Etat donnait suite à la décision du tribunal administratif, la concession serait nulle et non avenue". "Votre condition n'a aucune valeur juridique, car elle est en contradiction avec le code de procédure civile", a estimé la juge, avant que Bouamrirène n'explique qu'en dépit de sa signature, "la Conservation foncière devait annuler la concession sur la base de la décision du tribunal administratif". À noter que trois anciens walis de Tipasa sont poursuivis dans le cadre de cette même affaire. Il s'agit de Mustapha Layadi, de Moussa Ghellaï, ainsi que d'Abdelkader Kadi. Les témoins, comme les accusés, ont tous chargé Moussa Ghellaï. Le directeur des Domaines a souligné que c'était le wali qui avait décidé de signer la concession malgré le refus du tribunal administratif. Dans son témoignage, Moussa Ghellaï a révélé, également, que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal — qui sera auditionné aujourd'hui dans le cadre de cette affaire —, ainsi que Saïd Bouteflika intervenaient en faveur des Hamel pour implanter leur projet de production pharmaceutique à Magtaâ-Kheira. "Signer pour être dans les bonnes grâces" Dans son témoignage écrit et lu par la juge, Salim Djaïdjaï, ex-chef de sûreté de la wilaya de Tipasa qui intervenait pour "régler" les problèmes que rencontraient les enfants de Hamel, a souligné que le wali Moussa Ghellaï "m'a assuré qu'il allait signer la concession". Dans son récit, l'ex-chef de la police dans la wilaya de Tipasa a révélé que le wali a dit : "Je signe, l'essentiel, c'est que Hamel soit content de moi." Après avoir passé en revue l'affaire du terrain de Magtaâ-Kheira, la juge a appelé à la barre Hamrat Djelloul, chef de service à l'Agence de gestion et de régulation foncière urbaine d'Alger (Agerfa). Ce dernier a été interrogé sur le terrain octroyé à Chahinaz Hamel, fille de l'ex-DGSN, à Bab Ezzouar. Il a révélé que la bénéficiaire n'a pas payé la location durant plusieurs années et que la décision de l'annulation de la concession s'était heurtée au refus d'Abdelkader Zoukh. "La loi nous permet d'annuler l'octroi si le bénéficiaire n'a pas payé les arriérés de location et si le projet tarde à être réalisé, mais le wali Zoukh nous a demandé de surseoir à cette décision", a-t-il révélé devant la juge. Hamrat Djelloul a ajouté que la loi permet également de déposer plainte en cas de litige. Ce que Zoukh, selon lui, a refusé. Même réaction de la part d'Abdelghani Zaâlane, en sa qualité d'ancien wali d'Oran, qui a octroyé un terrain à la zone d'activité de Bettioua. Sur le terrain en question, un entrepôt devait être réalisé sur une superficie de 11 000 m2. Sauf qu'un passage pour piétons "gênait" les affaires des Hamel. C'est Zaâlane qui avait décidé de l'octroi de ce terrain avant même la décision de l'agrandissement de la zone, a-t-on révélé. Dans son témoignage, l'ancien directeur par intérim de l'Industrie d'Oran a accablé Zaâlane en révélant qu'aucune réunion n'a été tenue pour l'octroi de ce terrain et que c'est le wali seul qui décidait. Le juge a interrogé Zaâlane pour savoir si "tous les walis intervenaient pour régler les problèmes des enfants de Hamel ou pour accélérer les démarches en leur faveur". L'ancien ministre des Travaux publics et des Transports a botté en touche dans sa réponse. Après Abdelghani Zaâlane, ce fut au tour de Zoubir Bensebane d'être auditionné pour avoir "offert" un terrain de 5 000 m2 aux enfants de Hamel en 2004, alors qu'ils étaient mineurs. "C'est Abdelghani Hamel, alors haut gradé à la gendarmerie, qui m'avait contacté pour octroyer ce terrain à ses enfants", avance-t-il. Au moment où Bensebane témoignait, Ameyar Hamel levait la main pour demander la parole à la juge. Cette dernière n'a pas estimé nécessaire de le laisser parler. "Vous avez tout de même signé la concession à des mineurs", a dit la juge, avant que Bensebane n'estime qu'il avait plutôt signé "une décision de désistement". La juge renchérit en rappelant que le terrain en question est devenu depuis la propriété des Hamel, alors que la loi précise qu'il peut rester bien de l'Etat malgré la concession. Abdelmalek Boudiaf, ancien wali d'Oran, est aussi cité comme accusé dans l'affaire pour avoir octroyé un terrain aux Hamel à El-Kerma. L'ancien ministre de la Santé s'est défendu d'avoir "privilégié" les Hamel, en mettant en exergue le fait que le projet a été réalisé. Mohamed Abdou Bouderbala a été également auditionné pour avoir octroyé un entrepôt aux Hamel au port. Après ces témoins et accusés, le juge a appelé d'autres personnes qui avaient acheté ou vendu des biens à la famille Hamel. Un ancien responsable à l'OPGI d'Hussein-Dey a révélé que c'est l'ancien DG, Mohamed Rehaïmia, actuellement en détention, qui a "offert" un appartement à la fille de Hamel. Une jeune cadre de l'Office a révélé que Chahinaz Hamel avait "remis" un faux certificat de travail qu'un certain Bali Ali lui avait délivré. Dans son dossier, ajoute la jeune dame, "Chahinaz Hamel n'a pas remis de fiches de paie" et elle "a payé 2 100 000 DA sans pour autant compléter le dossier pour l'obtention des 700 000 DA de la CNL". Aujourd'hui, ce sera au tour de Sellal d'être auditionné avant l'entame des plaidoiries. La juge a également prévu des confrontations entre les différents témoins et accusés. Le réquisitoire est attendu, probablement, pour demain mardi.