La voix de la raison l'a, tout bien compté, emporté chez les étudiants qui ont préféré répondre aux multiples appels à la suspension de toutes les manifestations. Hier, à Alger et dans plusieurs grandes villes du pays (Annaba, Béjaïa, Constantine, Oran...), les étudiants ont, dans leur écrasante majorité, préféré rester dans les campus et les cités, en "séchant'' pour la première fois depuis le début du hirak, leur 56e marche hebdomadaire. D'autres, dans la capitale bien sûr, ont carrément lancé une campagne de sensibilisation sur le danger du coronavirus et la nécessité d'aller vers d'autres formes de mobilisation adaptées à ce contexte sans mettre la vie des citoyens en danger. Devant la Fac centrale, un étudiant brandit une pancarte où il est écrit : "Le hirak ne s'arrêtera pas, mais s'adaptera à la situation." Une bavette lui cachant la bouche et le nez et les mains gantées, une étudiante arbore un écriteau sur lequel on peut lire : "Les marches sont une partie et non tout le hirak." Il est vrai qu'à Alger par exemple, un groupuscule d'étudiants est sorti dans la rue aux côtés de hirakistes irréductibles — des vieux et des femmes d'un certain âge en grande partie — en bravant la menace du coronavirus et en tournant le dos aux appels à observer une halte salvatrice. Il faut dire que la manifestation a été réprimée par la police. Dans la capitale de l'ouest du pays, Oran, il y a eu un petit rassemblement de citoyens, et à Béjaïa, des irréductibles ont battu le pavé de la cité des Hammadites. Cela dit, les étudiants ont globalement suspendu leur participation à la marche du mardi. Cette victoire de la raison et de la pondération est à mettre à l'actif non seulement des figures du hirak et des acteurs politiques, mais aussi de la communauté universitaire qui, face au danger du coronavirus, s'est mobilisée pour plaider la bonne cause d'une nécessaire halte dans les manifestations de rue. En effet, près d'une dizaine d'organisations et collectifs estudiantins ont rendu public, lundi soir, un communiqué commun appelant à la suspension temporaire des marches du mardi et du vendredi. "Nous annonçons la suspension de notre participation aux marches du mardi et du vendredi. Nous appelons l'ensemble des militants du hirak populaire à mettre au-dessus de tout l'intérêt national et à ne pas sortir dans la rue pour préserver leur santé et leur pays (…)", soutiennent-ils dans leur communiqué. La Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement (Cnuac) s'est, elle aussi, investie dans campagne de sensibilisation des étudiants au danger du maintien de leur marche. "Face à la grave crise sanitaire mondiale causée par le Covid-19, et la rapide évolution de cette pandémie dans notre pays, les membres de la Cnuac, conscients et conscientes de l'état dans lequel ce système politique prédateur a placé le système de santé, et en accord avec le Collectif de médecins Amana, proposent à leurs concitoyens de suspendre momentanément tout rassemblement et tout particulièrement les marches hebdomadaires du mardi et du vendredi", écrivait la Cnuac dans un communiqué rendu public lundi, avant de souligner : "Cette suspension temporaire, et ce, sur tout le territoire national, ne constitue en rien un renoncement à la lutte contre un régime qui a détruit la santé publique, nous laissant désarmés face à cette pandémie."