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Des médecins de Blida témoignent
Exerçant au quotidien dans l'épicentre du coronavirus
Publié dans Liberté le 19 - 04 - 2020

Dans la ligne de front contre le coronavirus, le personnel médical et les auxiliaires de la santé ont acquis des réflexes dans l'application du protocole de soins et l'observation des règles de protection. Ils ont cependant du mal à transcender la hantise de se retrouver de l'autre côté de la barrière. Témoignages.
"En tant que médecins, nous sommes préparés à perdre des malades même si c'est difficile de surmonter notre impuissance à les sauver et la douleur de la famille. Aujourd'hui, c'est encore plus dur. Nos patients affrontent seuls la maladie et parfois la mort. Souvent nous n'avons pas le temps de leur exprimer de la compassion", témoigne un praticien affecté à l'Institut du rein de Blida, dans lequel 150 lits sont occupés par des personnes hospitalisées pour complications dues à une infection au Covid-19.
Il a requis l'anonymat, pour ne point enfreindre l'interdiction de faire des déclarations à la presse, imposée par l'administration sanitaire locale. "Nous sommes réduits à souhaiter qu'aucun décès ne survienne durant notre garde. Personnellement, j'arrive à soutenir le rythme de travail. Il est plus dur de supporter l'impact psychologique. Nous sommes constamment habités par l'angoisse d'être porteurs du virus, de tomber gravement malades ou de contaminer notre entourage", poursuit-il.
Le Pr Yacine Kheloui, chef du service de pneumophtisiologie à l'EPH de Blida (établissement public hospitalier), aguerri par plusieurs années d'expérience, pondère son appréciation de la situation. "J'exerce dans un service où tout a commencé. C'était la panique aux premiers jours de l'épidémie. Nous sommes désormais plus sereins. Nous avons beaucoup plus peur pour nos patients, que nous voyons parfois mourir lorsqu'ils sont à un stade avancé de la maladie", relativise-t-il.
Dans la ligne de front contre le coronavirus, le personnel médical et les auxiliaires de la santé ont acquis, au bout de huit semaines de crise endémique, des réflexes dans l'application du protocole des soins et l'observation des règles basiques de protection. Ils ont du mal à transcender, néanmoins, la hantise de se retrouver de l'autre côté de la barrière. "Celui qui prétend ne pas avoir peur est un menteur.
Je me raisonne en me disant que c'est mon devoir de continuer à soigner les gens", soutient le Dr B., médecin généraliste exerçant dans un EPSP à Blida (établissement public de santé de proximité). "Je flippe plusieurs fois durant la journée, en ressentant les symptômes du Covid-19. C'est psychosomatique", se livre-t-il avec une sincérité désarmante. "Ma mère habite à huit minutes de marche de chez moi.
Je ne lui ai pas rendu visite depuis des semaines, car elle est diabétique. Je reste en contact avec elle par téléphone ou Messenger. Nous sommes exposés, malgré les précautions que nous prenons. Dans l'établissement où je travaille, trois médecins, cinq infirmiers et un agent de sécurité ont eu le Covid-19", rapporte-t-il.
Le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) et médecin à l'EPSP de Larbâa (wilaya de Blida), est catégorique : des dizaines de professionnels de la santé (praticiens, paramédicaux, ambulanciers, agents de salles…) ont été ou sont infectés par le virus. "Nous sommes en train de recenser les cas. Nous n'avons pas encore une statistique exhaustive", indique-il.
Il parle d'"un climat tendu" dans les hôpitaux, particulièrement à Blida et à Alger, en raison d'une surcharge de travail couplée à une conscience aiguë du risque de contagion. "J'avais écrit dans un de mes posts sur Facebook qu'on doit se préparer à perdre des êtres chers, et c'est arrivé, hélas ! Je suis peiné par le décès de nombre de mes confrères. Le combat continue", assure, malgré tout, le Pr Kheloui.
Le corps déplore seize décès dus à des complications au coronavirus jusqu'alors. Tétanisés par la menace endémique, des médecins ont déposé un arrêt de travail. "Le syndicat a dénoncé un manquement à l'éthique en période de crise sanitaire. Heureusement, beaucoup d'autres ont préféré continuer à exercer en consentant des sacrifices", souligne le Dr Merabet. Des soignants renoncent à la vie de famille pour protéger leurs enfants, leurs conjoints et leurs parents.
Ils sont hébergés dans des sites réservés à la périphérie de la ville des Roses (un hôtel et une villa mis à leur disposition par des donateurs ainsi que les centres de formation de Sonelgaz et de la Badr). D'autres préfèrent ne pas bousculer leurs habitudes. Afin de ne pas exposer le corps soignant au burn-out, la durée des gardes est réduite exceptionnellement de 24 heures à 12 heures. "Tous les médecins de l'hôpital sont réquisitionnés au moins une fois dans un service Covid-19.
Les résidents y passent une garde par mois", explique-t-on. Être en contact avec des patients sans lien apparent avec la maladie virale ne diminue pas outre mesure le stress. "Dans le service, chaque jour est un jour nouveau. Nous ne savons pas si les malades que nous recevons, en nombre réduit certes, sont contaminés ou pas. C'est perturbant", estime le Pr S., qui veut lui aussi garder l'anonymat.
"Actuellement, nous considérons tous les patients présentant des symptômes grippaux comme des cas potentiels de Covid-19. Le premier diagnostic est souvent fait en polyclinique. Nous suivons les orientations du ministère. Nous avons reçu jusqu'à présent 16 notes", corrobore le Dr B. Aux horaires de bureau conventionnels (8h-16h), l'EPSP enregistre, habituellement, une moyenne de 200 consultations, quotidiennement. Elle consigne dans ses registres, ces dernières semaines, à peine une cinquantaine de patients par jour.
"Les gens, surtout ceux qu'on considérait comme de faux malades, ont peur de venir à la polyclinique", précise notre interlocuteur. "La situation s'est nettement améliorée dans les structures de santé. Les dispositifs de protection sont disponibles, mais pas encore en quantité suffisante", relève le Dr Merabet.
Il insiste sur l'impératif de dépister systématiquement le personnel soignant, ne serait-ce que pour atténuer les traumatismes. "C'est un accompagnement psychologique pour les personnes saines. Les professionnels contaminés, mais sans symptômes, doivent absolument être isolés des malades et de leurs confrères", précise-t-il.

Souhila HAMMADI


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