Sur le terrain médiatico-diplomatique, l'on assiste à une exacerbation de la guerre entre la Turquie, soutien du gouvernement de Tripoli, et les Emirats arabes unis qui appuient Khalifa Haftar. Le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Serraj, internationalement reconnu, a rejeté la trêve unilatérale annoncée par le général Khalifa Haftar la veille, affirmant qu'il allait poursuivre "la lutte", dans un communiqué rendu public jeudi soir. "Ce qui s'est passé comme violations répétées du cessez-le-feu nous pousse aujourd'hui à ne pas faire confiance en ces annonces de trêve", lit-on dans ce communiqué du GNA. Et les faits sur le terrain semblent lui donner raison car, depuis l'annonce de Haftar mercredi soir, ses troupes ont poursuivi leurs raids aériens contre plusieurs cibles militaires et civiles contre la capitale Tripoli. Hier matin, des missiles de type Grad ont tué au moins deux civils et blessé d'autres dans la localité de Zenata, à environ 5 km au sud-est de Tripoli, selon des sources officielles. Après le revers qu'il a subi il y a deux semaines dans l'ouest de la Libye, en perdant le contrôle sur six villes côtières, Haftar commence à perdre ses soutiens politiques, dont certains protestent contre sa déclaration de lundi soir à la télévision concernant l'accord de Skhirat, qui demeure le seul cadre légal de discussion de paix. En s'autoproclamant nouveau dirigeant du pays, affirmant bénéficier du "mandat du peuple" libyen, Haftar a perdu l'appui du président du Parlement exilé à Tobrouk, Aguila Salah. Ce dernier, contrairement à Haftar, représente une institution légitime élue. Jeudi, des chefs de tribus et d'organisations de la société civile de Sebha, une des plus importantes villes du sud-ouest du pays, frontalier avec l'Algérie, ont annoncé le retrait de leur soutien à Haftar après ces annonces de lundi soir, dans un communiqué appuyé par les milices de la région, qui lui étaient pourtant acquises il y a quelques mois. Pour les anciens soutiens de Haftar, sa démarche démontre qu'il veut en finir avec la "Révolution du 17 février", qui a conduit à la chute de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi fin 2011. Les déclarations d'Aguila Salah, mardi, vont aussi dans ce sens, le président du Parlement estimant que la solution "demeure politique", même s'il appelle à la mise en place d'un nouveau conseil présidentiel et au renouvellement d'un GNA incluant des acteurs politiques de l'est du pays. Inquiète de ces dangereux développements, la mission de l'ONU en Libye (Unsmil) a appelé les parties libyennes à revenir à la table des négociations dans le cadre du "Comité militaire mixte (5+5)" de Genève. Selon l'Unsmil, au moins 64 civils ont perdu la vie durant les quatre premiers mois de 2020, et 67 autres ont été blessés, soit une augmentation de 45% de pertes civiles par rapport aux quatre derniers mois de 2019. Pour rappel, Haftar mène son opération militaire contre Tripoli depuis le 4 avril 2019, causant plus de 2 000 morts et plus de 15 000 blessés, ainsi que plus de 150 000 déplacés internes, selon l'ONU.