"Le journalisme ne devrait jamais être un crime punissable", soutient Heba Morayef, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International. Les entraves aux libertés, le maintien en détention de nombreux détenus d'opinion et les pressions croissantes sur les journalistes, dans le contexte d'une crise sanitaire inédite, continuent de susciter l'indignation et l'inquiétude des ONG. À la veille de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse, Amnesty International, a lancé un appel aux autorités algériennes pour mettre fin "aux poursuites illégales" à l'encontre du journaliste Khaled Drareni incarcéré depuis plus d'un mois. Cet appel, publié jeudi, s'inscrit dans le cadre d'une campagne qui sera lancée à compter de demain par l'ONG pour demander aux sympathisants et aux journalistes du monde entier de faire preuve de solidarité et d'appeler les autorités à mettre fin aux "restrictions injustifiées" imposées aux journalistes et aux médias indépendants en Algérie. "Le journalisme ne devrait jamais être un crimepunissable", soutient HebaMorayef,directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International. Amnesty International ne manque pas de dénoncer le blocage de certains sites d'informations dont notamment Maghreb Emergent,RadioM et Interlignes et réitère son appel à la libération des détenus d'opinion. "Amnesty International a récemment appelé les autorités à mettre fin aux poursuites contre les militants, manifestants et journalistes du hirak détenus uniquement pour avoir exprimé leur point de vue en ligne et hors ligne et/ou appelé à un changement démocratique. L'organisation a averti qu'en arrêtant et en emprisonnant les militants, les autorités mettaient également en danger leur santé étant donné les risques d'une épidémie de Covid-19 dans les prisons et les lieux de détention", rappelle AI. Pour sa part, l'ONG, Human Right Watch (HRW), par la voix de son directeur adjoint, division Moyen-Orient et Afrique du Nord, Eric Goldstein, accuse les autorités algériennes de profiter de la pandémie de Covid-19 pour "resserrer l'étau" sur les activistes du hirak et les journalistes. "Sans doute enhardies par le confinement qui compliquait grandement les manifestations de masse, les autorités ont alors intensifié leur répression du hirak", soutient-il non sans observer que le président Tebboune qui s'était engagé à dialoguer avec le hirak, dès sa prise de fonction, s'est montré "moins conciliant en pratique". "En février, un an après le déclenchement du hirak, des dizaines de militants pacifiques étaient toujours derrière les barreaux, et 173 en jugement. Aucun n'a bénéficié de la grâce présidentielle accordée le même mois à 9 765 détenus", rappelle-t-il, citant certains cas de condamnation dont celles de Karim Tabbou, d'Abdelouahab Fersaoui, de Khaled Drareni, le blocage de certains sites d'information ou encore l'incarcération récente du jeune activiste Walid Kechida. "Selon toute apparence, les autorités algériennes profitent de la crise de Covid-19 pour tenter d'étouffer définitivement les manifestations prodémocratie", conclut-il. Par ailleurs, la Fédération internationale des journalistes qui regroupe plus de 600 000 membres à travers le monde, a lancé mercredi, en raison de l'impact du Covid-19 sur l'exercice du métier et aggravé par les restrictions imposées par certains régimes, une plate-forme mondiale pour un "journalisme de qualité". "Dès le début de la pandémie, les journalistes ont amplement prouvé le rôle essentiel qu'ils jouent dans l'éducatio des citoyens,en contextualisant la course effrénée aux chiffres, en expliquant la réalité et, surtout, en démêlant le récit des politiciens, en posant les questions difficiles et en exposant les échecs institutionnels", soutient l'organisation qui déplore que, dans le même temps, "de trop nombreux Etats profitent de cette crise pour accroître leur pouvoir autoritaire, renforcer leurs systèmes de surveillance des populations ou pour emprisonner les journalistes".