AI a recensé 5 cas de détenus victimes de "mauvais traitements", dont Karim Tabbou, maintenu en isolement. Usage "injustifié ou excessif" de la force, blocage des espaces publics ou de l'accès à la capitale, arrestations "arbitraires", non-respect des garanties du droit à un procès équitable pour les personnes arrêtées et harcèlement des journalistes et de certains sites électroniques : dans son rapport annuel 2019, l'ONG, Amnesty International (AI) n'a pas fait dans la dentelle pour dresser un constat accablant sur la situation des droits humains, dans la région MENA (Moyen-Orient-Afrique du Nord), dont l'Algérie, marquée par une vague de soulèvements massifs. Présenté concomitamment à Beyrouth, à Rabat et à Alger, le rapport qui concerne 19 pays relève que dans les pays secoués par des manifestations, les autorités, à défaut d'une réponse appropriée à la mesure des aspirations populaires, ont recouru à la "brutalité" et à une "réponse sécuritaire". "En Algérie, les autorités ont réprimé les manifestations en procédant à des arrestations massives et en engageant de nombreuses poursuites judiciaires. Dans toute la région, des gouvernements ont arrêté et poursuivi pour leurs commentaires en ligne des militants (es) qui se tournaient vers les réseaux sociaux pour exprimer leur mécontentement", a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour la région MENA à AI citée dans le rapport. Directrice d'Amnesty International Algérie, Hassina Oussedik qui présentait hier à l'hôtel Sofitel le rapport concernant l'Algérie n'a pas manqué d'observer, pour sa part, que si les manifestations dans tout le pays, y compris Alger, ont été "globalement tolérées", elles étaient marquées toutefois par de nombreuses violations des droits humains. C'est ainsi que l'ONG a pu noter "un usage excessif" de la force au cours de certaines manifestations. Dans ce contexte, elle rappelle la mort du jeune Ramzi Yettou, une semaine après avoir été "matraqué par la police", et les manifestants éborgnés. AI a également recensé 5 cas de détenus victimes de "mauvais traitements", dont Karim Tabbou, maintenu en isolement. "Un traitement cruel et inhumain au regard des standards internationaux", observe-t-elle. Il y a aussi le cas du défunt, Kamel-Eddine Fekhar, mort après 50 jours de grève de la faim pour protester contre son emprisonnement arbitraire et illégal en raison de ses publications sur Facebook. "Les enquêtes ouvertes par les autorités doivent être approfondies, indépendantes et impartiales sur la mort de Ramzi Yettou et de Kamel-Eddine Fekhar ainsi que pour toutes les personnes maltraitées pendant les manifestations ou durant leur arrestation et notamment celles qui en garderont des séquelles le reste de leur vie. Elles ont le droit à la justice et à la réparation. Les responsables de ces actes doivent être traduits en justice", réclame Hassina Oussedik. Autres violations répertoriées : des arrestations "arbitraires" ciblant dans un premier temps les porteurs de l'emblème amazigh, puis les activistes associatifs et les opposants à la tenue de l'élection de décembre dernier avant de se poursuivre après le scrutin ; le non-respect des garanties du droit à un procès équitable alors que la Constitution et les traités ratifiés par l'Algérie les garantissent ; des agents en civil qui arrêtent des manifestants ou interpellent des journalistes sans mandat de la justice, le placement de nombreuses personnes en détention provisoire alors que l'article 59 souligne son caractère exceptionnel et l'arrestation d'une dizaine de journalistes et le blocage de certains sites d'infos comme TSA et inter-lignes. "Tebboune doit absolument écouter les exigences du hirak" Qualifiant le hirak de mouvement exceptionnel par sa "durée", son pacifisme et sa maturité politique, Hassina Oussedik soutient que le respect des droits humains est au cœur des exigences du mouvement. Et en dépit de toutes les attaques l'ayant ciblé, le mouvement n'est pas "brisé". "Tebboune doit absolument écouter les exigences du hirak car il n'est pas près de s'arrêter. Nous attendons des actes forts qui consacrent la rupture pour redonner confiance aux Algériens en leur justice", dit Hassina Oussedik qui déplore de ne pas avoir le nombre exact de personnes arrêtées ou poursuivies pour "en faire un suivi régulier". Elle a rendu hommage aux avocats et à la CNLD, laquelle a enregistré plus de 1 300 personnes qui sont sous le coup de poursuites judiciaires. Selon elle, les autorités doivent garantir la liberté de la presse, le respect des libertés fondamentales dans la future Constitution et le droit de n'être pas inquiété pour ses idées. Elle demande aussi au gouvernement de libérer les détenus d'opinion, de cesser les arrestations et de lever les restrictions sur les manifestations ainsi que la garantie de la justice et la réparation pour toutes les personnes arrêtées. "Le hirak a transformé les Algériens et ébloui le monde par son exemplarité, l'Etat algérien doit être à la hauteur de ses rêves", conclut-elle.