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"L'Algérie doit se doter de moyens pour affronter les situations traumatiques"
Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj, psychologue et maître de conférences à l'Université Oran 2
Publié dans Liberté le 11 - 05 - 2020

Dans cet entretien, Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj souligne la nécessité de communiquer avec les enfants et les adolescents en rupture de scolarité depuis la mi-mars pour apaiser leurs inquiétudes et les aider à traverser les craintes induites par le coronavirus. Quant aux candidats angoissés du baccalauréat, elle estime que la meilleure manière de les soutenir est de leur fournir des informations objectives, fondées et éviter de "s'aventurer dans des conjectures ou des suppositions qui les rendent encore plus inquiets". Enfin, elle suggère des palliatifs pour prévenir les possibles répercussions, à long terme, de la pandémie sur l'état psychologique des enfants.
Liberté : Des études ont montré que le confinement entraîne une prévalence élevée de symptômes de détresse et de troubles psychologiques sur les personnes. Quel impact le bouleversement provoqué par le coronavirus peut-il avoir sur les élèves privés de l'environnement scolaire depuis déjà près de deux mois ?
Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj : Il n'y a pas que le confinement qui impacte le vécu psychologique des individus, ce serait plutôt l'angoisse de la maladie, de la mort et de la perte des repères, dont la scolarisation. La scolarisation qui constitue pour les enfants et les adolescents une balise importante et de première ligne. Mais, passé le temps du "Chouette, on n'a pas école !", arrive un moment, surtout chez les adolescents, où de vraies inquiétudes apparaissent. Ces inquiétudes seront plus ou moins accentuées par l'attitude des parents vis-à-vis de la situation.
Contrairement à ce qu'on pense communément, les enfants ont une grande capacité d'adaptation et de résilience, mais sous certaines conditions incontournables, quel que soit l'âge : leur expliquer la situation, répondre à leurs questions et surtout leur assurer un climat non anxiogène malgré nos préoccupations quotidiennes en tant que parents. Cela peut se faire à tous les âges, bien entendu en adaptant le langage au niveau de développement de l'enfant…
À mon avis, il faut penser et, par la même occasion, parer à des répercussions de cette situation sur le décrochage scolaire de certains élèves (élèves en zone rurale, les filles…). Ailleurs, des études sont en train d'être menées sur la base de sondages, par voie électronique, sur ces conséquences sur les différentes populations. Aux chercheurs de s'y atteler et de prendre des initiatives. Il me semble que certaines équipes y songent timidement. Il s'agit de les encourager à poursuivre.
Si le sort des élèves de 5e année primaire et de 4e année moyenne semble avoir été scellé, celui des candidats au baccalauréat n'est pas encore réglé, et ceux-ci ne cachent pas leur angoisse. Comment les aider à gérer cette situation ?
Cette situation est, certes, plus préoccupante pour les classes de terminale. Pour les 5e et 4e années, le ministère peut valider l'année avec les aménagements nécessaires (moyenne des deux trimestres, etc.). Le seul moyen de réduire l'angoisse chez les élèves de terminale et leurs parents est de transmettre au plus vite les réponses envisagées par les pouvoirs publics.
Communiquer, expliquer, mais aussi écouter devraient être les maîtres mots, aussi bien pour les décideurs que pour les parents. Les jeunes, eux, le font assez bien sur les réseaux sociaux. Mais ces moyens de communication, comme chacun sait, remplissent d'autres fonctions. Pour les aider à gérer cette situation, c'est d'abord une "présence" au sens plein du terme, c'est-à-dire les soutenir moralement et psychologiquement, mais surtout leur fournir les informations et les explications objectives qui rassurent.
Leur dire ce que l'on sait de fondé et bien vérifié et non s'aventurer dans des conjectures ou des suppositions qui les rendent encore plus inquiets. C'est aussi le meilleur moyen d'éviter de transmettre sa propre angoisse à ces élèves en affichant des attitudes d'hésitation, d'incertitude ou d'affabulation. Comme je l'ai précisé, les enfants sont dotés d'une grande capacité de résilience, mais il faut que ses bases ou ses fondements soient solidement confortés.
L'examen du baccalauréat aura probablement lieu cette année. Pensez-vous que la scolarisation tronquée et la situation de stress auront des conséquences sur l'avenir des futurs bacheliers ?
Le baccalauréat même en situation "normale" et obtenu ou pas a une certaine incidence sur l'avenir du jeune. D'ailleurs, actuellement en Algérie, il peut même être perçu comme une forme de rite de passage à l'âge adulte. Ce passage est, comme tout rite initiatique, fait de bouleversements et de remise en question.
Avec cette crise sanitaire, les choses se compliquent. On reviendra, certainement, au fameux seuil à ne pas dépasser (la fameuse âttaba, lieu de toutes les polémiques), car tout le programme n'aura pas été réalisé ou du moins pas correctement pour tous les élèves des établissements algériens. Cela dit, ne sacralisons pas cet examen et, pour en avoir fait l'expérience en acceptant un élève de terminale ayant échoué au bac à mon cours, je peux vous assurer qu'il était à un niveau de connaissances égal, voire supérieur à celui des bacheliers régulièrement inscrits.
Donc, ne nous affolons pas, mais donnons à tous les élèves les mêmes chances tant pédagogiques que psychologiques d'aborder cet examen. Maintenant, "l'avenir des futurs bacheliers" dépendra surtout de la qualité de leur prise en charge par les établissements d'accueil et en particulier de la valeur académique et scientifique de la formation qui leur sera dispensée.
Le ministre de la Santé a averti : "Nous vivrons longtemps avec le coronavirus." Ce qui entraînera peut-être un durcissement des mesures de confinement. Comment soutenir psychologiquement des enfants empêchés de sortir et de jouer avec leurs amis ?
Effectivement, nous sommes appelés à vivre avec le virus et cela peut et doit nous ramener à des comportements plus responsables, tenant compte non seulement du bien-être social, tant sur le plan physique que mental, mais aussi apprendre à être parés, armés pour une éventualité de ce genre.
Ce moment de confinement devrait servir à la sensibilisation des membres de la famille par la documentation et la recherche objective et intelligente de l'information. Ce n'est qu'à ce prix que le degré d'angoisse, de dépression et de mal-être sera moindre et gérable pour les parents et, par ricochet, pour leurs enfants. Il est un fait établi que l'angoisse et l'anxiété sont transmissibles. Les contenir est une façon de soutenir les enfants, pénalisés par l'état de confinement et, notamment, par l'empêchement de sortir et de jouer avec leurs amis.
Car, il a été scientifiquement avéré que le ludique n'a pas la même portée ni les mêmes plaisirs ou contentements avec les pairs qu'avec les parents. Faire montre d'une plus grande disponibilité, surtout dans le calme et la sérénité, constitue, sans nul doute, le meilleur socle pour un soutien psychologique plus efficient ou plus opérant.
Les enfants en confinement passent beaucoup plus de temps devant les écrans, notamment pour un usage récréatif. Doit-on s'en inquiéter ?
Les enfants en général passent beaucoup trop de temps devant les écrans, même sans confinement et, effectivement, il faut s'en inquiéter. Il est vrai que dans cette situation de crise sanitaire, le temps passé devant les écrans s'est considérablement accru. Mais pour le compenser qualitativement et surtout pour réduire ses nuisances, c'est d'abord un travail de désintoxication — et le mot n'est pas fort — à mener ensemble, en veillant à son propre comportement en tant qu'éducateur.
Un parent ne peut demander à son enfant de réduire son exposition aux écrans, si lui-même y est toujours accroché. C'est le b. a.-ba des processus d'identification. Le danger serait de laisser un enfant ou un adolescent surfer sur le Net sans contrôle pendant de longues périodes. Alors là, le "récréatif" dont vous parlez disparaît totalement, pour laisser place à une forme d'addiction progressive ou à des conséquences moins sévères, mais tout aussi nocives que les consultations de programmes inappropriés. Et ce n'est pas ce qui manque sur la Toile.
Il s'agit donc de leur proposer ou de choisir ensemble des sites ou des émissions et de limiter le temps d'exposition tout en leur proposant d'autres activités à partager avec eux. Comme le dessin, le théâtre, des ateliers d'écriture… Mais également, et cette crise sanitaire en constitue une excellente occasion, valoriser les travaux manuels chez l es filles et les garçons, comme les rangements, le nettoyage, l'aide aux tâches ménagères, les travaux de jardinage, etc.
Pensez-vous que cette pandémie aura des répercussions à long terme sur l'état psychologique des enfants et adolescents, d'autant qu'aucune espèce de soutien ne semble avoir été imaginée par l'éducation nationale ?
­Le ministère de l'Education nationale a, bien entendu, sa part de responsabilité concernant la résolution des problèmes posés au secteur et les initiatives à prendre au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais il est de notre devoir à tous (chercheurs, éducateurs, parents…) de proposer des mécanismes de soutien pour alléger la lourde préoccupation que représente l'avenir actuellement.
L'Algérie, comme toutes les sociétés, a connu et connaîtra des situations traumatiques de différentes nature. Le plus important est de se doter de moyens appropriés afin d'y faire face. Pour l'instant, il est encore tôt pour sérier et surtout évaluer toutes les répercussions que cette pandémie laissera à long terme sur l'état psychologique des enfants et des adolescents. Mais nous pouvons, d'ores et déjà, songer à plusieurs palliatifs pour commencer à les prévenir, voire à les atténuer.
Pourquoi ne pas ouvrir les établissements aux élèves qui pourraient venir (en respectant toutes les mesures barrières nécessaires) par petits groupes de dix, revoir leur classe et leur enseignant. Surtout les petits de 6 à 8 ans qui ont moins de facilités cognitives pour se représenter ce qui se passe. Les lycéens sous le tutorat d'un ou de deux enseignants peuvent mettre en place des forums de discussions par internet… Cela maintiendrait en quelque sorte la vie du lycée, mais autrement.
Ou tenter d'autres expériences car les propositions ne manquent pas. Il suffit seulement d'être entendu par les décideurs dans une relation intelligemment interactive et non autoritairement directive. Les pédagogues comme les psychologues ont, bien entendu, leur avis à donner. L'éducation nationale gagnerait à les associer à tout programme de soutien ou de prise en charge.
Surtout lorque l'on sait que, compte tenu des inégalités socioéconomiques, les élèves, tous paliers confondus, ne seront pas impactés de la même manière. Des cellules d'écoute, des consultations en externe et des programmes de suivi différenciés peuvent, dès à présent, commencer à se mettre en place. Et il n'est guère trop tôt. Car, la capacité et la qualité de prise en charge et de protection de la santé mentale des enfants est, sans conteste, le meilleur gage de préservation de toute la société.

Entretien réalisé par : S. OULD ALI


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