Les produits asiatiques, notamment chinois, pour la plupart décorés du portrait de la poupée Barbie, ont envahi les étalages dans l'Algérois. La prochaine rentrée scolaire, comme les rentrées précédentes, est vécue dans l'angoisse par beaucoup de familles. Il y a les vêtements des enfants et leurs affaires scolaires à acheter, mais d'autres dépenses supplémentaires sont à prévoir très prochainement, pour le mois de ramadan. À Meissonnier, les produits asiatiques, notamment chinois, pour la plupart décorés du portrait de la poupée Barbie, ont envahi les étalages : doubles décimètres, équerres, gommes, crayons, taille-crayons, crayons de couleur, colle, ciseaux, bandeaux, feutres, pâte à modeler… “Nous sommes vraiment dépassés et les enfants deviennent plus exigeants. Nous comptons beaucoup sur la solidarité familiale, en particulier des grands-parents, ainsi que sur la solidarité des amis. Nous avons au moins maintenant la possibilité de choisir le marché qui offre des prix très accessibles, mais, il faudra compter cette fois encore sur les dettes, car le ramadan est très proche”, a dévoilé cette mère de famille rencontrée sur les lieux. Cette dernière a également noté que des familles, résidant dans le même immeuble qu'elle et vivant de revenu très maigre, ne pourront pas envoyer, le 10 septembre prochain, tous leurs enfants en âge d'être scolarisés à l'école, cette année, par manque de moyens. Elle a néanmoins reconnu plus loin que de “bons prix” sont pratiqués au niveau de certains “marchés populaires” d'Alger, au Meissonnier, à la cité Sorécal de Bab-Ezzouar, à El-Harrach et à la place des Martyrs. Ce constat a été confirmé par quelques grossistes, tailleurs et couturières, qui livrent directement “la marchandise” à de jeunes vendeurs, échappant les uns comme les autres à la loi des taxes. Cette situation est d'ailleurs à l'origine de l'agacement de certains patrons de librairies et de papeteries qui crient à “la concurrence déloyale”. “Ces dernières années, la clientèle a diminué. C'est peut-être dû à la cherté de la vie, mais je sais aussi que les gens sollicitent de plus en plus des vendeurs sans registre du commerce ni autorisation de la wilaya… On savait que la scolarité des enfants revenait cher aux ménages, mais à présent les petits commerçants honnêtes sont réellement menacés de disparition”, s'est plaint un détaillant au Paradou, un quartier résidentiel situé à Hydra. “La couche moyenne est laminée” Au niveau de Ben Aknoun, des marchands d'articles scolaires ont dénoncé le projet de loi de finances complémentaire. Ils ont estimé que les deux milliards de dinars, prévus pour l'aide à l'importation, vont “encourager les nouveaux monopoles”, voire les “nouvelles mafias”. “En Algérie, la loi aide celui qui a déjà beaucoup d'argent, celui qui fait entrer des containers au pays sans les déclarer”, a déclaré l'un d'eux amèrement, non sans regretter “le non-respect de la Constitution” qui consacre l'égalité entre les Algériens. “La couche moyenne est proche des pauvres, elle est laminée et méprisée en Algérie…Voilà pourquoi on a tout ce déséquilibre et ce désordre chez nous”, a-t-il ajouté. Au quartier des Asphodèles, non loin de la faculté de droit, un grand magasin de papeterie offre une large gamme de produits : ils proviennent principalement de France et d'Asie. “Disons que 70 à 80% des produits que l'on vend nous viennent d'Asie, de Chine, de Taiwan et de Malaisie… De toutes les façons, les ouvrages asiatiques se sont imposés un peu partout, même sur les marchés européens”, a précisé le responsable de Papeterie de la liberté. Interrogé sur le nombre de personnes qui fréquentent son magasin la veille de la rentrée scolaire, le patron de la papeterie a d'abord indiqué que sa clientèle lui était fidèle et rappelé ensuite que les ventes ont commencé avant les vacances, pour reprendre à la fin du mois d'août. “Pour le moment, les clients qui se présentent au magasin possèdent des listes d'affaires à acheter. Ce sont pour la plupart des gens dont les enfants fréquentent les écoles et les lycées privés. Les autres vont arriver à la rentrée scolaire, le jour même ou le lendemain, une fois qu'ils sauront quoi acheter pour leurs enfants”, a-t-il soutenu. Deux jeunes, une fille et un garçon, entrent dans le magasin pour acheter chacun un cahier et un stylo. Ce sont des élèves du lycée français Alexandre-Dumas d'en face. “On est plus ou moins pressé de reprendre nos cours. Aujourd'hui, on se présente pour seulement récupérer la liste des affaires à acheter”, a signalé l'adolescent. Un budget de plus de 4 000 DA par enfant Dans la même papeterie, une dame négocie avec sa fille l'achat des articles scolaires, en particulier celui des crayons de couleur. Elle finit par lui céder en lui achetant une grande boîte à 350 dinars. “Dans quelques mois, je serai obligée de lui acheter une nouvelle boîte, car il y a malheureusement des vols dans son école privée”, a-t-elle révélé. Femme d'un industriel privé, notre interlocutrice a les moyens de “gâter” ses trois enfants. “J'ai un commerce, mais j'ai préféré arrêter pour me consacrer à mes enfants et à la maison. C'est vrai que tous les trois me reviennent cher, mais je suis satisfaite”, a-t-elle affirmé. Du côté du centre commercial de Ben Aknoun, des soldes de 30 à 50% pour les vêtements et les chaussures sont affichées. À la boutique Baby Day, une maman a applaudi aux “produits de luxe”. “J'ai les moyens d'acheter à mon fils des Adidas de 2 000 DA. Pourquoi le cacher ? Je trouve que c'est bien qu'il y ait des endroits pareils pour quelqu'un qui a de l'argent. C'est mieux de faire nos achats en Algérie au lieu d'aller les chercher en France. Je trouve que chez nous, on trouve tout selon les bourses”, a-t-elle estimé. Devant une autre boutique, un couple, accompagné de ses trois enfants, évalue le prix des produits. “Pratiquer la vérité des prix, c'est bien, mais les salaires doivent suivre aussi”, a fait remarquer le mari. D'après lui, le budget par enfant oscille entre 4 000 DA et 5 000 DA, dont 2 500 DA sont réservés à l'habillement. “Ma femme et moi travaillons et pouvons nous considérer comme des privilégiés par rapport à d'autres. Avec quelques sacrifices, nous arrivons à consacrer un budget spécial pour la rentrée scolaire, c'est une fois l'année. Mais c'est le quotidien qui pose problème : le coût de la vie est exorbitant”, a-t-il soutenu, en plaidant pour des “mesures d'accompagnement”, telles que, par exemple, la révision des grilles de salaires et l'aide sociale. Pendant la discussion, un enfant d'environ 10 ans s'est approché de nous en tendant la main. Il venait de Aïn Naâdja avec son grand frère. Contrairement à son aîné, le gamin va se présenter en salle de cours, samedi prochain. “Ma famille est pauvre, j'aide mon frère…”, a révélé l'enfant. H. A.