Le revers de l'EN de football est cinglant : 2 à 5. Mais ne nous inquiétons pas : cela ne changera rien à nos bonnes habitudes. Le football n'est que la partie immergée de l'échec global. La jeunesse, pour une grande part, s'agrippe à l'ultime motif d'enthousiasme. Et le pouvoir fait tout pour maintenir le sport roi dans sa fonction d'opium du sujet. Pour compenser la pauvreté du spectacle, les pouvoirs publics tolèrent les casses des après-matchs et les manifestations violentes dans et autour des stades et aussi les tapages nocturnes qui suivent les victoires. Toutes les autres disciplines, telles que l'athlétisme et les sports collectifs, périclitaient pendant que le pouvoir n'avait d'yeux que pour le football. Des sports où, par tradition, les Algériens excellaient, comme la boxe et le cyclisme, disparaissaient purement et simplement. Ici, c'est le public qu'on dope avec un football frelaté. Des fortunes s'amassent sur le dos de l'oisiveté juvénile contrainte à se dépenser dans des gradins surchauffés autour d'un championnat affligeant de médiocrité et où les milliards circulent plus vite que la balle. Même ce rôle de feuille de vigne du désert culturel, sportif et récréatif, le football ne pourra pas le tenir longtemps. Il manque, en effet, l'essentiel pour que la formule prolonge encore longtemps ses effets dérivatifs : la compétence et le dévouement de son encadrement. La politisation des structures fédérales et la gestion mafieuse de grands clubs ont relégué le football au rang d'enjeu de prévarication. Les surenchères publiques concernant des joueurs de modeste valeur auxquelles nous avons assisté cet été ressemblent à de vulgaires “rechka” de tripots. La défaite contre le Nigeria qui prolonge la série d'humiliations en coupes d'Afrique et du monde montre le ridicule de ces gesticulations vénales d'un monde où l'abondance financière contraste avec l'indigence technique. Mais ne nous fions pas aux apparences : les dirigeants du sport ne confondent pas le vaisseau Algérie, qui prend eau de toutes parts, et la confortable embarcation qui porte leur carrière. Il se fendront dès demain de promesses de réforme, et après la démission d'un des multiples entraîneurs de rechange, ils reprendront les mêmes et recommenceront. Il faut croire que l'échec est dans le système un gage de longévité. S'il en était autrement, Raouraoua et son staff qui cumulent les déconvenues sportives seraient déjà retournés à des activités plus en rapport avec leurs éventuelles qualifications. Tout se passe comme si les objectifs ne doivent jamais être atteints pour que le responsable puisse perpétuellement se donner un motif de pérennité. Le président de la République en fournit un édifiant exemple : la concorde civile était un but intermédiaire que viendra bientôt compléter la charte pour la paix. Mais nous sommes déjà avertis : ce ne sera pas la dernière phase, il restera d'autres mesures de réconciliation à prendre ultérieurement. Le secret est là, dans cette vertu de l'échec : s'arranger pour qu'il n'y ait pas de mission accomplie, que des missions à accomplir. L'Algérie, c'est comme le far west : le résultat compte peu ; les plus faibles s'arrêtent et les plus forts continuent… indéfiniment. M. H.