L'affaire ESS concernant le marchandage de matchs n'est, malheureusement, pas inédite dans le championnat algérien. Elle est emblématique d'un fléau qui gangrène le football algérien depuis plusieurs années. L'affaire de l'enregistrement audio impliquant le directeur général l'ES Sétif, Fahd Halfaïa, et un manager bien connu à Alger, a enflammé la Toile et éclaboussé surtout la scène footballistique nationale. Champion d'Afrique en titre, le football algérien pensait pourtant avoir poli son image, ternie par tant de scandales de corruption, mais voilà que les vieux démons du marchandage des matchs dans le championnat local refont surface pour nous rappeler que la "îssaba" du foot a la peau dure. La balle ronde demeure encore malade de pratiques malsaines qui ont valu au championnat algérien le peu glorieux sobriquet de championnat "ouedkniss", en référence à la fameuse plateforme de vente en ligne. En effet, il n'y a pas une saison qui passe sans qu'un scandale éclate au grand jour au sujet des matchs truqués. Avant cette épisode de l'ESS, l'opinion publique avait déjà découvert au milieu de la saison en cours une nouvelle pratique de corruption qui consistait à faire évoluer des équipes avec des joueurs réserves, sous prétexte d'une grève des joueurs seniors dans le but de faciliter la tâche aux adversaires. Les deux rencontres de Ligue 2 ASMO-JSMB et MOB-OM ont été arrangées grâce à ce stratagème, ce qui a du reste provoqué une réaction officielle de la FAF. À travers le site de la FAF, le président Kheireddine Zetchi a avoué à demi-mot, dans un langage plutôt diplomatique, que "cette nouveauté a faussé le résultat des rencontres". Une manière comme une autre de reconnaître qu'il y a eu bel et bien marchandage de matchs, ce qui est sévèrement puni par le code disciplinaire de la FAF. Championnat "ouedkniss" Cependant, au lieu de convoquer les clubs concernés et de diligenter des enquêtes à ce sujet au sein de la commission d'éthique de la fédération afin d'y faire toute la lumière, la FAF a préféré plutôt menacer les joueurs contre les risques encourus en cas d'observation de grèves illégales. En fin de saison dernière, en enregistrement sonore a révélé une tentative de corruption entre deux dirigeants de club, à savoir Arama et Mellal, amenant la FAF à prendre des sanctions contre eux. Cependant et rapidement la fédération a fini par annuler ces sanctions et faire comme si de rien n'était. Les accusations du président Mellal qui a attaqué l'USMA et le CSC pour avoir arrangé le dernier match du championnat et offert le titre aux Usmistes ont laissé la fédération de marbre. Le même Mellal, qui a au moins le mérite d'avoir tenté de faire bouger les lignes, a affirmé dans la presse que, "tout au long de la semaine, Boukelkal, le président de l'O Médéa, a tenté de me joindre au téléphone pour me demander de lui céder les points de la partie. Il a touché aussi notre vice-président, Benabderrahmane, dans cette perspective, mais nous avons fait la sourde oreille. Le jour du match, il a voulu me contacter au téléphone via le standard de l'hôtel où notre délégation était hébergée. Quelques minutes avant le match, il est venu en personne sur le terrain pour me voir et m'a demandé de lui céder le match. Il a fait cela devant des témoins". Mais, là aussi, la FAF n'a pas bougé le petit doigt. L'ex-président de l'USM Annaba, Abdlbasset Zaïm, a reconnu que "le marchandage de matchs est monnaie courante dans le championnat de Ligue 2" et a avoué avoir "déboursé pas moins de 7 milliards de centimes pour acheter des matchs et assurer l'accession de l'USMA en Ligue 2". Silence radio des instances du football. La JSMB, lors des années précédentes, s'est insurgée contre le déroulement de certaines rencontres qui n'ont pas respecté l'éthique sportive et ont, de ce fait, faussé la compétition. Souvenez-vous de Serrar : "On porte tous des chemises blanches avec des taches noires" L'on se rappelle aussi de la fameuse déclaration de l'ancien gardien Hicham Mezaïr, du président de l'US Chaouïa, Abdelmadjid Yahi, qui avait même reconnu en direct à la télé avoir combiné des matchs, de la fameuse affaire CA Batna-JS Saoura en 2012, ou encore des propos tenus par l'ancien président de l'US Biskra, Brahim Saou, qui a affirmé en pleine réunion des présidents de club que "nous avons tous vendu ou acheté des matchs" sans que personne le contredise. L'ancien président de l'ESS et de l'USMA Abdelkrim Serrar a eu d'ailleurs cette formule devenue tristement célèbre : "On porte tous des chemises blanches avec des taches noires." Pendant ce temps, les instances du football se sont murées dans un silence complice. "Cachez-moi ces combines que je ne saurais voir" semble être la posture des dirigeants, plus enclins à liquider un championnat moribond qu'à débusquer les maquignons du foot. Ces responsables doivent être aussi aujourd'hui sanctionnés. La justice, habilitée à s'autosaisir dans des cas similaires, ne bronche pas non plus. La presse étrangère évoque les scandales algériens Malheureusement, les frasques du football algérien n'ont pas manqué d'alerter la presse internationale. France Football et la BBC ont consacré de larges dossiers à ce sujet, aveux à l'appui. La presse étrangère a également fait état de paris suspects sur un match de D1 algérienne, en l'occurrence DRBT-ESS. L'affaire avait éclaté en mai, en Moselle, avec l'interpellation de sept personnes dans le cadre d'une enquête sur des paris suspects pris en France et liés à une rencontre de Ligue 1 algérienne entre le DRB Tadjenanet et l'ES Sétif (3-2), disputée le 12 mai 2018. Deux d'entre elles avaient été mises en examen et placées sous contrôle judiciaire, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le parquet de Nancy pour des faits d'"escroquerie en bande organisée" et confiée à la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) locale. Espérons que cette fois-ci les autorités du pays iront jusqu'au bout dans leurs investigations pour mettre fin à ce fléau qui gangrène le football algérien.