Après avoir recommandé un confinement total pour les jours de l'Aïd, le Haut conseil de sécurité, réuni samedi, a décidé de "maintenir" les mesures actuelles. Il n'y aura donc pas de confinement total. Face aux arguments du comité scientifique, la présidence de la République a opposé des arguments politiques et économiques. Il s'agit probablement d'une manière pour les autorités d'éviter d'en "rajouter" à une situation difficile. Sans le dire, le gouvernement est visiblement dans la gêne. En plus de ne pas pouvoir imposer un confinement strict, il se trouve souvent désarmé devant les drames sociaux que le confinement partiel provoque sur des pans entiers de la société. Des milliers de travailleurs journaliers se sont retrouvés, du jour au lendemain, sans ressources. La pension de 10 000 DA ou les aides en nature que fournissent les associations sont souvent dérisoires face à la détresse de ces familles. Cela risque de s'aggraver avec l'Aïd el-Fitr. Mais en laissant les mesures actuelles, les autorités permettent ainsi à ces catégories de respirer en s'adonnant à de petits commerces qui peuvent suppléer une hypothétique contribution de l'Etat. Sauf que cela n'arrange rien à la situation. Les professionnels de la santé ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur l'absence de respect des mesures sanitaires actuelles. La ruée vers les marchés, les regroupements dans les quartiers et même des ouvertures clandestines de magasins se multiplient aggravant ainsi, chaque jour, d'avantage la situation sanitaire du pays. Le nombre de décès se stabilise, certes, mais le nombre de contaminations augmente inexorablement (à cause du double effet de la multiplication des tests et du relâchement dans les mesures sanitaires) et la fin de l'épidémie semble s'éloigner. Ce message a été porté par quasiment tous les membres du conseil scientifique. À commencer par le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, qui avertit, ces derniers jours, sur la nécessité de respecter les mesures barrières. Dans une interview accodée hier au quotidien arababone El Khabar, le ministre a affirmé qu'il a remis un rapport au gouvernement dans lequel il préconise le durcissement des mesures de prévention à l'occasion de l'Aïd. Dans le même sens, les membres du comité scientifique, Mohamed Bekkat-Berkani et Mohamed Belhocine, ont également multiplié les sorties médiatiques pour attirer l'attention des populations sur les risques d'un relâchement généralisé qui peut provoquer une nouvelle vague épidémique que les structures de santé ne pourront pas supporter. Pour tenter de compenser l'absence d'un durcissement des mesures de confinement, les autorités ont recouru aux religieux. La commission des fatwas du ministère des Affaires religieuses a, en effet, exhorté les Algériens à éviter les visites familiales "les jours de l'Aïd" et à "utiliser les moyens technologiques modernes" pour les vœux lors de cette fête. Mais les avis de cette commission, qui a été notamment utilisée pour légitimer l'interdiction des prières collectives, n'ont souvent pas beaucoup d'impact sur la population. Face à ce "camouflet" politique, les membres du conseil scientifique semblent se résigner. "Nous ne donnons qu'un avis scientifique. Mais le gouvernement a d'autres considérations", admet Mohamed Belhocine sur les ondes de la radio Chaîne III. Lui et ses collègues comptent désormais sur "la conscience" des populations. L'appel à la "responsabilité de tous" est visiblement le point commun que partagent les scientifiques avec les politiques. Ali Boukhlef