Les chefs d'entreprise et les organisations patronales n'ont eu de cesse de le rappeler : plus les mesures de confinement tardent à être levées plus les faillites deviennent inévitables avec, comme effets d'entraînement, une hausse du taux de chômage et une érosion du pouvoir d'achat des ménages. Alors que la crise sanitaire a encore accru la pression sur les entreprises, vouloir à la fois confiner davantage les populations et faire redémarrer l'activité économique sans mettre la main à la poche relevait toutefois d'une improbable acrobatie. Les chefs d'entreprise et les organisations patronales n'ont eu de cesse de le rappeler : plus les mesures de confinement tardent à être levées plus les faillites deviennent inévitables avec, comme effets d'entraînement, une hausse du taux de chômage et une érosion du pouvoir d'achat des ménages. Pour Slim Othmani, chef d'entreprise et président du Care (Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise), le pouvoir d'achat des entreprises et des ménages est déjà laminé et qu'il va falloir aller trop vite vers un déconfinement. "Je ne suis pas un spécialiste de la santé pour dire l'utilité ou non du confinement, mais je suis chef d'entreprise, assez bien placé pour apprécier les conséquences de cette situation sur les entreprises et les ménages, dont le pouvoir d'achat est sérieusement laminé", explique Slim Othmani, contacté par Liberté. Il ne manque pas de souligner, dans la foulée, que les entreprises, dont c'est le troisième choc auquel elles font face après celui de la mi-2014, suivi d'une incertitude politique peu propice aux affaires, "peinent à payer leurs fournisseurs, alors que la détresse morale générée par le confinement est telle qu'il faille se remettre rapidement au travail pour limiter les pertes d'emplois et les faillites qui guettent à la fois les entreprises et les ménages". Ainsi, perpétuer les mesures de confinement risque d'aggraver le coût économique et social de la crise sanitaire. De ce fait, "le déconfinement est un impératif de survie pour la nation", estime Slim Othmani, soulignant, sur sa lancée, que les conséquences économiques et sociales de la crise doivent conduire le gouvernement à lever le pied sur les mesures de confinement, tout en investissant dans la communication et la vigilance quant au respect des mesures d'hygiène, de protection et de distanciation sociale. "Il faut par-dessus tout mettre de l'argent pour soutenir les entreprises et le pouvoir d'achat des ménages, investir dans le système de santé et la communication pour faire face à une éventuelle deuxième vague, car, gripper la machine économique et arrêter les investissements dans les infrastructures relève d'un choix à haut risque pour le pays", préconise le président du Care. Cela sous-entend que les dispositions fiscales et bancaires prises en faveur des entreprises n'auraient pas suffi pour mettre nombre d'entre elles à l'abri des faillites. Des entreprises ne résisteront pas au choc Reste à savoir si le gouvernement envisage de nouvelles mesures pour faire repartir la croissance qui, de l'avis des experts du FMI, connaitrait ses pires moments cette année avec, au tableau des prévisions, une récession de -5,2% en 2020. Pour Hassan Khelifati, patron d'Alliance Assurances, l'Etat doit préparer progressivement le déconfinement car la "situation est devenue insoutenable pour bien d'entreprises. Plusieurs d'entre elles ne pourront pas se relever, en l'absence de mécanismes leur permettant de faire face aux charges sociales, alors que les chiffres d'affaires auront baissé de 40 à 60%". Pour l'heure, la vague de chômeurs et de faillites n'a pas encore submergé l'économie du pays, mais l'Etat peut limiter les dégâts en préparant les esprits à un déconfinement progressif, tout en investissant, de manière claire, en faveur d'un plan de soutien à l'économie, estime Hassan Khelifati. D'après lui, les entreprises les plus touchées par la crise ne résisteront pas au choc, alors que d'autres souffrent déjà d'importants problèmes de trésorerie. Pour le moment, seules quelques mesurettes d'ordre fiscal ont été annoncées, alors que l'appel lancé par l'autorité monétaire afin de faciliter l'accès aux crédits bancaires tarde à se concrétiser au niveau des banques. Les mesures annoncées jusqu'ici par le gouvernement sont insuffisantes pour les entreprises, de l'avis même d'Ali Hamani, président de l'Apab (Association des producteurs algériens de boissons). Pour lui, "un déconfinement sera une bouffée d'oxygène pour les entreprises qui ont énormément souffert du poids de l'administration pendant ce confinement". Malgré l'effort public pour maintenir l'activité économique, l'autorité administrative était un frein aux entreprises ; plusieurs ayant suspendu et/ou réduit leurs activités faute d'autorisations de circulation des personnes et des marchandises, regrette Ali Hamani qui appelle à soutenir les entreprises, dont la trésorerie a été fortement affectée suite à la hausse des charges sociales alors que les recettes ont beaucoup baissé. Nombreuses sont les entreprises qui risquent de baisser rideau, soutient-il. "La perte d'une entreprise quelle qu'elle soit et où qu'elle soit est un sinistre tragique et énorme pour la collectivité. C'est pourquoi, les pouvoirs publics doivent intervenir en urgence pour limiter les dégâts", souligne le président de l'Apab pour qui les craintes sur l'économie sont sérieuses, dont l'impact de la crise sanitaire est violent, nécessitant un effort public de masse. Sans le soutien public, le risque d'une récession grave aux conséquences tragiques sur le pouvoir d'achat et l'appareil de production est en tout cas bien réel.