À contre-courant du discours rassurant, les médecins s'inquiètent de l'évolution de l'épidémie de corona. La décrue n'est pas pour demain. Et ça repart à la hausse. Au moment où le déconfinement commence à s'accélérer après l'entame de la deuxième phase, les dernières données hospitalières recueillies à travers plusieurs régions font ressortir un rebond épidémique inattendu. Des soldats aux blouses blanches sur le front contre la Covid-19 évoquent sans détour une très importante nouvelle flambée dans les zones qui sont encore sous couvre-feu sanitaire réaménagé et même deconfinées. Cette hausse de contaminations fait craindre le pire. Le personnel soignant est confronté au quotidien à une résurgence de cas dans les hôpitaux. Nombreuses sont les structures sanitaires du centre, de l'est ou de l'ouest du pays qui affichent ces derniers jours complet. La situation épidémique dans la wilaya de Sétif, qui occupe la troisième place avec 832 porteurs de virus, est symptomatique. Les patients confirmés ou encore suspects dans cette wilaya-carrefour sont renvoyés chez eux, faute de places. La situation est à la limite de la catastrophe. Des sources locales nous ont confié, hier, qu'outre le CHU Abdenour-Sâadna, les EPH d'El-Eulma, d'Aïn Oulmane, d'Aïn Azal et même d'Aïn El-Kébira affichent tous complets. Les patients attendent les résultats des prélèvements avec PCR depuis une semaine, faute de structures assurant les examens biologiques. Des sources hospitalières signalent que le laboratoire inauguré en grande pompe par le Premier ministre lors de sa visite à Sétif ne fonctionne plus. Il est tombé en panne sitôt mis en marche. Du coup, les tests sont acheminés vers Constantine et retardent les résultats des analyses. En fait, certaines localités de Sétif, qui ne voient toujours pas refluer la première vague de contamination au nouveau coronavirus, sont confrontées à une résurgence de cas qui préviennent l'arrivée d'une nouvelle vague. "Les patients confirmés par scanner sont alités à même le sol dans le pavillon des urgences. On n'a plus de places. La pandémie est en train d'exploser dans la wilaya de Sétif", déplorera un médecin qui était de garde jeudi et qui ne manquera pas de dénoncer l'apparition d'un nouveau phénomène depuis au moins deux semaines. "Outre le fait d'être désarmés en termes de moyens logistiques et de diagnostic, le personnel soignant est au quotidien agressé par les accompagnateurs des malades. Ces derniers n'admettent qu'on leur dise qu'il n'y a pas de lits pour les hospitaliser. Nous ne pouvons plus faire face à cette situation qui est en train de se dégrader. Contrairement à ce que racontent les autorités officielles, à savoir que la situation est contrôlée, nous sommes abandonnés", alertera encore notre interlocuteur. D'ailleurs, le sénateur d'El-Eulma, Amar Boulifen, n'a pas manqué de lancer, avant-hier jeudi, un cri de détresse en présence du ministre de la Santé au Conseil de la nation. "La wilaya de Sétif est endémique et sinistrée. Faute de places dans les hôpitaux, les patients sont hospitalisés dans les CFPA et les cités universitaires. C'est grave ! Faites quelque chose, il faut secourir cette wilaya !" criera Amar Boulifen. Le même constat affligeant est dressé par les personnels de la santé du centre du pays. Les hôpitaux du Centre sont également complets. La garde est très mouvementée ces derniers jours. "Les structures de Beni Messous, de Zéralda et même de Birtraria ne peuvent plus répondre à la demande grandissante d'hospitalisations. Le nombre de patients est tellement important que des malades sont renvoyés chez eux", avertira un spécialiste exerçant au CHU Issad-Hassani, qui n'a pas caché ses craintes. "La soixantaine de lits dédiés au Covid-19 à Beni Messous est totalement occupée. Des malades confirmés par imagerie ne sont pas admis, ils sont réorientés vers d'autres hôpitaux pour bénéficier d'une hospitalisation. Nous consultons une moyenne de 120 patients suspects qui viennent à Beni Messous pour être contrôlés positifs ou négatifs au coronvirus. Sur les 50 scanners réalisés mercredi dernier, 35 étaient positifs. Nous sommes débordés", poursuivra l'assistant qui conclura que "les personnels soignants font face, ces derniers jours, à des scènes de saccage et d'agressions notamment de nuit". À contre-courant du discours rassurant, les médecins s'inquiètent de l'évolution de l'épidémie de corona. La décrue n'est pas pour demain.