La libération de dix détenus en l'espace de deux jours seulement est certainement porteuse d'un message et peut même être perçue comme un geste d'apaisement du pouvoir. À la veille de la Fête de l'indépendance du pays, pas moins de trois figures importantes du Hirak, Karim Tabbou, Samir Belarbi et Amira Bouraoui, ainsi que le jeune activiste Slimane Hamitouche, ont été libérées jeudi par la justice au grand bonheur de leurs familles et de tous les militants du Hirak. Un grand nombre de citoyens et de journalistes s'est déplacé jeudi à la prison de Koléa pour assister à ce moment historique. Après un séjour carcéral de plus de 9 mois pour Karim Tabbou, de 4 mois pour Samir Belarbi et Slimane Hamitouche et de 15 jours pour Amira Bouraoui, les quatre détenus ont bénéficié d'une mise en liberté provisoire au grand soulagement de leurs familles et de leurs camarades de combat. Le parquet d'Alger a indiqué que "pour Karim Tabbou, la chambre correctionnelle près la Cour d'Alger, statuant sur la demande de son avocat, a ordonné sa mise en liberté provisoire", a rapporté l'agence officielle APS. "Concernant Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, c'est le juge d'instruction en charge de leurs dossiers qui a ordonné leur mise en liberté provisoire", a ajouté le parquet d'Alger. La veille, c'est-à-dire mercredi 1er juillet, six autres détenus condamnés définitivement ont bénéficié d'une grâce décrétée par le président de la République à l'occasion de la Fête de l'indépendance et de la jeunesse, a annoncé la présidence de la République dans un communiqué. Première réaction de Karim Tabbou, juste à sa sortie de prison : "Ma libération est un événement, mais celle de l'Algérie est un combat." Une promesse du militant endurci de continuer son combat et de rester sur la voie qu'il s'est tracée. Mais à bien des égards, la libération de dix détenus en l'espace de deux jours d'intervalle seulement est certainement porteuse d'un message et peut même être perçue comme un geste d'apaisement du pouvoir en place, surtout que l'élargissement de Karim Tabbou et de Samir Belarbi a été annoncé, début juin, par le président de Jil Jadid, Djilali Soufiane, au sortir d'une audience que lui avait accordée, quelques jours auparavant, le président Abdelmadjid Tebboune. Réagissant à la libération, ce jeudi, de quatre détenus, l'avocate Yamina Alili a parlé de "soulagement". "C'est un soulagement pour leurs familles, pour nous avocats et pour tout le peuple algérien", s'est félicitée l'avocate au micro de Berbère Télévision, non sans rappeler un peu plus loin que "le combat continue pour la libération de tous les détenus" car, a-t-elle expliqué, "Karim Tabbou et Samir Belarbi ne sont pas les seuls détenus pour que leur élargissement puisse calmer les esprits". "Ce n'est pas un cadeau du pouvoir, mais un droit pour ces détenus injustement emprisonnés, en leur fabriquant des dossiers", a-t-elle encore pesté, en expliquant le maintien en prison du journaliste Khaled Drareni, lui qui est emprisonné pour les mêmes motifs que Samir Belarbi. "La libération des détenus, sur décision politique ou sur décision de justice n'est pas une aumône du pouvoir. C'est un droit pour les détenus et peut-être un ressaisissement du pouvoir qui a fait beaucoup de mal à ces mêmes détenus, à leur liberté et à celle du peuple algérien", a soutenu l'avocat Abdelghani Badi. "Si le pouvoir est animé d'une réelle volonté politique, il n'a qu'à cesser les arrestations, l'utilisation de la police politique et les atteintes à la liberté d'opinion et à la liberté d'expression", a-t-il encore soutenu. Cachant mal son scepticisme, Me Badi a estimé qu'à la lumière des arrestations de mercredi à Béjaïa et à Médéa, "le chemin est encore long" et le pouvoir est "toujours dans l'erreur", en faisant toujours dans le "bricolage". Pour le sociologue et animateur du Hirak, Nacer Djabi, la Fête de l'indépendance peut être l'occasion pour le pouvoir d'ouvrir une nouvelle page avec le Hirak. "La célébration du Jour de l'Indépendance est l'occasion de libérer tous les détenus d'opinion et de sortir de l'impasse politique qui ne peut se faire sans la garantie de l'indépendance de la justice et des libertés individuelles et collectives comme exigé par le Hirak", a-t-il écrit sur sa page Facebook. Le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, a parlé d'un "grand soulagement" à la suite de la libération des quatre détenus, tout en plaidant pour "la libération de l'ensemble des détenus d'opinion du Hirak et de la levée des poursuites judiciaires contre ceux qui sont encore en attente de jugement ou en liberté provisoire". Et au militant des droits de l'Homme de souligner qu'à l'occasion de la Fête de l'indépendance, son organisation "encourage le pouvoir à entreprendre d'autres gestes d'ouverture pour une solution politique globale, démocratique et à la hauteur des espoirs suscités par le peuple algérien à travers son Hirak pacifique". S'il a qualifié les décisions de libération de ces militants du Hirak de "bienvenues, notamment pour ces détenus et leurs familles", le président du RCD, Mohcine Belabbas, a commenté dans post publié sur sa page Facedebook ce qui suit : "Par ces décisions, le pouvoir a clôturé aujourd'hui son opération de communication dans laquelle il feint de montrer une disponibilité à l'apaisement en relâchant certains acteurs injustement incarcérés pour leurs opinions." "Seul un acquittement suivi d'une réhabilitation de tous les détenus politiques et d'opinion sans distinction aucune et la cessation des arrestations pourront constituer le signal d'une prise de conscience des dirigeants sur le fait que la répression, les atteintes aux libertés ou la violence ne sont jamais venues à bout de la détermination du peuple à vivre dans une Algérie libre et démocratique", a-t-il ajouté. Pour sa part, le premier secrétaire national du FFS, Hakim Belahcel, n'a pas caché son soulagement après la décision de la justice. "Nous sommes très soulagés d'apprendre la libération du camarade Karim Tabbou, ainsi que d'autres détenus politiques et d'opinion", a-t-il écrit sur sa page Facebook, non sans promettre de continuer de "revendiquer la libération de tous les détenus politiques et d'opinion et l'annulation des verdicts correctifs prononcés contre les militants pacifiques du Hirak".