Par : Mohammed KEBIR Avocat à la Cour – Chargé d'enseignements Paris Dans la période historique consécutive à la Révolution du sourire, née à Kherrata le 16 février 2019, séquence de profonds questionnements décisifs pour le devenir de la patrie, le projet de la Soummam, autrement dit la perspective républicaine adoptée à Ifri le 20 août 1956, s'inspirant de l'œuvre du fondateur de "l'Etat démocratique et social", Abane Ramdane, est d'une brûlante actualité. Interroger ce socle doctrinal et ses prolongements juridiques amène à identifier les chantiers de la construction démocratique, étouffée et réprimée, restée ainsi en jachère. C'est par référence à la fois à la plate-forme de la Soummam, aux écrits du journal créé sous son instigation, El Moudjahid, dont il publiait et exerçait un contrôle sur le contenu, que seront dégagées les fondations de la République selon Abane. Il convient d'emblée d'évacuer un raccourci réducteur : l'œuvre de Abane ne doit pas être confinée dans le prisme du civil sur le militaire, credo phare en vogue, revendiqué ardemment par la rue en ébullition. Cela revient à dépouiller son héritage de son substrat institutionnel et politique. Le nom Abane continue de remuer la conscience nationale. À chaque évocation de sa mémoire, c'est la résurgence du ratage, des failles conceptuelles et des déviations qui ne cessent de hanter la collectivité. Pour laquelle il a sacrifié sa vie. "L'Etat démocratique et social" demeure cette utopie, laquelle est, obstinément et arbitrairement, déclarée interdite dans la cité sclérosée, depuis 1957. Et fuit dramatiquement les printemps de la résilience populaire. L'anamnèse, calme et sereine, des causes du faux départ de 1962 conduit à relever que les régressions mortifères ont généré un asservissement fatal : l'idiologie a primé sur l'intelligence. La transparence a cédé le pas à l'obscurité et à la déraison : antichambre de la déchéance nationale. Au même moment, le citoyen est demeuré altruiste, épris d'espérances et de citoyenneté, préalable au salut national. Le pari est, ici, de comprendre et pas de juger. De son vivant, Abane n'ignore rien des zones troubles de l'âme humaine, ni des combats troublants qui s'y déroulent, aux pires moments découragés. Les coups de génie du chef du FLN ont cela de structurant, qu'ils ont permis la naissance d'un Etat, d'un projet républicain et démocratique, profondément ancré dans la modernité. À l'origine de ces réalisations révolutionnaires, une conviction authentique forgée dans la clandestinité et la prison, une vision d'un bâtisseur, un courage autant intellectuel que physique, une formation politique hors pair, conjuguée à une stratégie fédératrice, inscrite dans l'international. Plateforme de la Soummam, acte préconstituant "C'est une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C'est une marche en avant dans le sens historique de l'humanité et non un retour vers le féodalisme. C'est, enfin, la lutte pour la renaissance de l'Etat algérien sous la forme d'une République démocratique et sociale et non la restauration d'une monarchie ou d'une théocratie révolutionnaire." (Extrait de la Plate-forme de la Soummam.) À bien des égards, le Congrès de la Soummam contient, en creux, les grandes lignes de ce qui devait être la future Constitution post-indépendance. En somme, une République laïque, démocratique et sociale, consacrant les autonomies régionales, la place légitime de la femme, ancrée dans les valeurs universelles. Et revendiquant la construction nord-africaine. Du point du vue de la théorie du droit, la Charte révolutionnaire du 20 août 1956 peut être assimilée à une petite Constitution. Un acte fondateur, sur le plan aussi bien politique que juridique, qui relève d'un processus transitoire en permettant la formalisation du processus constituant, l'"édiction" normative et l'organisation des rapports entre les pouvoirs publics, pendant la période précédant l'entrée en vigueur de la future Constitution (voir les contributions : "Sens et actualité de l'Etat soummamien", El Watan du 20 août 2019 ; "Instruments démocratiques pour une transition constituante", Liberté du 20 mai 2019 ; "1er novembre 2019 : l'Etat démocratique est inexorable", Liberté du 4 novembre 2019). De ce fait, ces actes pré-constituants sont à l'origine d'un système juridique intermédiaire, autrement dit "relais", fondateur à bien des égards, qui doit se situer par rapport à l'ancien système auquel il succède et au nouveau qu'il structure (Cf. "Les Petites Constitutions : contribution à l'analyse du droit constitutionnel transitoire". Emmanuel Cartier, dans Revue française de droit constitutionnel, 2007/3 (n° 71)). La particularité de ces actes est qu'ils sont perçus comme normes constitutionnelles, en tant que catégorie normative propre au droit constitutionnel transitoire. On peut citer en ce sens les actes et ordonnances pris par la France libre, dans le cadre du CNR. De même, le passage de l'apartheid à la démocratie, en Afrique du Sud, s'est opéré par l'entremise de la petite Constitution de 1993, posant les jalons d'une nouvelle ère politique, caractérisée, entre autres, par la proclamation de 34 droits fondamentaux, inviolables et intemporels, outre l'installation des mécanismes de la paix civile, à travers la création de la Commission vérité et réconciliation. En clair, la petite Constitution a préfiguré l'ordre constitutionnel nouveau, fixant ainsi les conditions de fond et de forme de l'adoption de la Constitution définitive de 1996. Le même procédé a été utilisé en France, à l'occasion du passage de la IVe à la Ve République, au travers de la loi du 3 juin 1958, posant le cadre référentiel constitutionnel du nouveau régime, autour de cinq principes démocratiques (suffrage universel, indépendance de la justice, garantie des droits fondamentaux, régime parlementaire). À cet égard, sur la base des cinq principes posés dans la loi du 3 juin, la Ve République prend sa première source dans la pensée constitutionnelle du général de Gaulle. Voilà pourquoi il sera toujours indispensable de lire le discours de Bayeux pour comprendre la Ve République. Eu égard à ces éléments, la plateforme de la Soummam devait servir d'acte fondateur à l'Etat libéré en 1962. Or, les régimes successifs se démarquent par des ruptures ancrées, par rapport à son socle fondamental, préfigurant l'avènement d'une République moderne, assumant son passé et tournée vers l'universel. Abane, convaincu que seule la formation d'un bloc national est à même d'ébranler le colonialisme, n'a jamais varié d'un pouce sur les préalables aux négociations. Cap exclusif : l'indépendance. Dans El Moudjahid, numéro 9, du 20 août 1957, l'éditorial explicite les principales décisions du congrès d'Ifri : "Désignation des organismes de direction, CNRA et CEE : le FLN et l'ALN, enfin une direction qui reflétait l'union nationale réalisée au sein du peuple. Le CNRA était un organisme représentatif, pouvant engager valablement l'avenir du pays. Primauté du politique sur le militaire : la primauté du politique sur le militaire, principe universellement reconnu par tous les Etats et toutes les révolutions, devait trouver sa consécration en Algérie. Cette décision affirmait le but essentiellement politique de notre lutte : l'indépendance nationale." On voit clairement que la séparation des pouvoirs est proclamée (CEE-exécutif, CNRA-législatif), seuls pouvoirs légitimes de l'Etat embryonnaire. Visionnaire et profondément attaché à la souveraineté populaire et son corollaire la démocratie participative, la gestion des affaires est du ressort des organes élus : "Les Assemblée du peuple, élues et chargées de gérer les affaires du douar (police, justice, état civil)." Enfin, la plate-forme, rappelle ledit article, "fixait les grandes lignes du FLN. Elle établissait les conditions du ‘cessez-le-feu', se prononçait, quant au futur régime de l'Algérie, pour une République démocratique et sociale (...)". Chaque révolution est adossée à une doctrine, une philosophie politique. Aït Ahmed, résistant de première heure, a adhéré sans ambages aux résolutions de la Soummam. Pour le lui, Abane est le "véritable fondateur du FLN politique". Dans le même ordre d'idées, dans un article titré "Une Révolution démocratique," aussi prémonitoire que saisissant, d'El Moudjahid n° 12 du 15 novembre 1957, il y est esquissé qu'"il ne s'agit pas de bâtir un Etat indépendant sur des bases anachroniques et branlantes. La promotion de l'Algérie en une nation moderne et indépendante nécessite la libération du pays du joug étranger, la destruction des structures coloniales, comme la rupture avec les structures précoloniales ou ce qui subsiste après une oppression séculaire. À la liquidation du colonialisme s'ajoute, d'une manière concomitante, celle des structures médiévales et féodales, sur lesquelles s'appuient, avec tout ce qu'elles comportent de préjugés et de facteurs de régression, celles qui doivent être remplacées par les structures de la société moderne. En Algérie, la guerre de Libération nationale se confond avec la révolution démocratique". C'est dire que la démocratie est, à la fois, le ressort, le ferment et l'aboutissement inéluctable de la lutte libératrice. Dans la mesure où le projet démocratique et républicain s'inscrivait dans l'universel et l'intemporel, "la révolution démocratique prépare l'avènement de la démocratie. Cette dernière notion peut être saisie à deux niveaux différents. D'une part, elle draine les valeurs essentielles de l'humanisme moderne ayant trait à l'individu considéré comme personne : liberté de l'individu, égalité des droits et des devoirs des citoyens, liberté de conscience, de réunion, etc., tout ce qui permet à l'individu de s'épanouir, de progresser et d'exercer librement son jugement et son initiative personnels. D'autre part, l'idée de démocratie, qui s'oppose à tout ce qui est oppression et tyrannie, se définit comme une conception du pouvoir. Elle signifie dans ce sens que la source de tout pouvoir et de toute souveraineté émane du peuple qui les exerce lui-même à son profit exclusif. Pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple". Ainsi définie, en échos aux traumatismes infinis depuis 1957, jusqu'à la révolution citoyenne de 2019, la démocratie universelle admise à la Soummam "s'oppose à toute forme d'oppression du peuple ou de l'individu, qui pourrait s'exercer par tout régime étatique dirigé contre la volonté populaire". La pratique citoyenne du quotidien se confond, en outre, avec l'idée de liberté. "Aussi la notion de démocratie ne lui est pas étrangère ; les valeurs qui ont fait l'épanouissement de l'individu, et sans lesquelles il n'y a pas de progrès possible, il les fait siennes et leur attache d'autant plus de prix qu'il en a été sevré... Le sentiment national du peuple algérien, si exalté soit-il, ne lui fera jamais perdre de vue le sens de la mesure et de la lucidité qui sont les conditions de toute réussite vitale et qu'on pourrait assimiler à l'intelligence politique... La démocratie a été jusqu'ici traitée comme une notion culturelle, prise comme une des composantes essentielles de l'esprit moderne, par opposition à la conscience féodale." S'ajoutant à l'acception citoyenne reconnaissant les droits et libertés, la démocratie soummamienne se réfère à l'Etat de droit. "Pour préciser il faudra lui donner un contenu objectif social, c'est-à-dire l'appréhender essentiellement comme conception du pouvoir" (El Moudjahid n° 12, 15 novembre 1957). La conscience révolutionnaire Dans le numéro n°14, du 15 décembre 1957 d'El Moudjahid, la doctrine révolutionnaire est déclinée avec une rare élévation dans l'article "La conscience de la Révolution algérienne". Le substrat du combat libérateur invoque autant l'histoire que le devenir républicain : "La lutte que le peuple algérien poursuit avec autant d'enthousiasme que d'acharnement acquiert sa signification véritable non pas seulement par rapport au colonialisme français, dont elle doit entraîner la fin, mais plus profondément encore par rapport à l'histoire de l'Algérie dans son ensemble qu'elle est appelée à transformer et à reconstruite sur des bases nouvelles... La conscience révolutionnaire algérienne est l'expression la plus haute de la conscience politique des masses. Elle constitue le facteur le plus puissant de renouvellement de la société algérienne, tant il est vrai que seule l'intervention des couches les plus profondes du peuple dans son devenir historique crée les conditions objectives d'une renaissance véritable." Le Congrès de la Soummam a tenu à préciser la justesse de sa lutte : "La doctrine est claire. Le but à atteindre, c'est l'indépendance nationale. La lutte engagée est une lutte pour la renaissance d'un Etat algérien sous la forme d'une République démocratique et sociale ... garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d'une même patrie, sans discrimination. La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent l'Algérie, mais entre, d'une part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine, et, d'autre part, les colonialistes et leurs soutiens, quelle que soit leur religion ou leur condition sociale." Reconnaissant en filigrane la diversité cultuelle et culturelle, la Charte d'Ifri consacre la citoyenneté, la tolérance, la fraternité au-dessus des différences. Le socle inaliénable de celle-ci est empreint de l'humanisme universel : liberté, justice et dignité humaine. Cela rappelle l'attitude de Nelson Mandela, qui, au terme de vingt-six ans de sa vie dans les geôles du régime ségrégationniste, avait su triompher la vérité comme préalable à la réconciliation, nouveaux référents de la nouvelle nation qui a vu la minorité blanche adhérer aux nouveaux postulats de la nation arc-en-ciel. Il en sera de même du président Bourguiba qui mena les réformes idoines, préparant les générations tunisiennes à consacrer ses idéaux, lors de la récente transition. Laquelle a enfanté une Constitution démocratique, prolongeant ses justes et audacieuses intuitions. Le détournement Le tandem Abane-Ben M'hidi a prévenu contre les travers du hold-up et la néantisation. "Lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer les places. Ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre, et certains y pensent déjà (...) Oui, j'aimerais mourir au combat avant la fin (...)" Larbi Ben M'hidi. Abane, visionnaire, a, par ailleurs, prédit le malheur qui commencera au congrès du Caire, en 1957, en renversant les bases de l'Etat démocratique, décidées à la Soummam. Depuis, le réflexe a remplacé la réflexion. "Ce sont de futurs potentats orientaux ; ils s'imaginent avoir droit de vie et de mort sur les populations qu'ils commandent. Ils constitueront un danger pour l'avenir de l'Algérie, ce sont tous des assassins, ils mèneront une politique personnelle, contraire à l'unité de la nation. L'autorité qu'ils ont exercée ou qu'ils exerceront les rend arrogants et méprisants. Par leur attitude, ils sont la négation de la liberté et de la démocratie que nous voulons instaurer dans une Algérie indépendante. Je ne marche pas pour un tel avenir. L'Algérie n'est pas l'Orient, où les potentats exercent un pouvoir sans partage. Nous sauverons nos libertés contre vents et marées. Même si nous devons y laisser notre peau." (Ferhat Abbas, Autopsie d'une guère) Dans une étude publiée dans la revue Naqd n°12, "La conception de la Constitution chez Abane Ramdane", El-Hadi Chalabi conclut fort justement qu'"avec la disparition de Abane, l'histoire constitutionnelle nous enseigne que la notion de responsabilité politique qui signifie la nécessité pour les gestionnaires de l'Etat de rendre compte a été enterrée". À travers la genèse de l'émergence de Abane comme numéro un de la Révolution et le coup d'Etat du Caire qui a conduit à son lâche assassinat, c'est le projet de la République démocratique qui se voit disloqué. Sous l'angle juridique, l'ordonnancement de l'Etat esquissé à Ifri a pour ainsi dire été détourné, non sans force et un insoupçonnable dol. La Charte de la Soummam a préfiguré l'espoir d'une souveraineté démocratique. Espoir que cherchent encore les héritiers des libérateurs d'hier. Et les générations sacrifiées, au fil des régimes successifs. Parachever l'œuvre de Abane : refondation républicaine et espoir démocratique "Je suis le déterreur de l'histoire insoumise et de ses squelettes irascibles enfouis dans vos temples dévastateurs. Je ne cautionnerai jamais vos cieux incléments et rétrécis où l'anathème tient lieu de credo. Je ne cautionnerai jamais la peur mitonnée par vos prêtres-bandits de grands chemins qui ont usurpé des auréoles d'anges. Je me tiendrai hors de portée de votre bénédiction qui tue, vous, pour qui l'horizon est une porte clouée, vous, dont les regards éteignent des foyers d'espoir, transforment chaque arbre en cercueil." (Tahar Djaout) Edifiant à plus d'un titre est le témoignage crépusculaire à propos de l'action de Abane, de l'un de ses compagnons du CCE : "Mais il y avait comme une entente tacite, une espèce d'unanimité à faire confiance à Abane et à lui reconnaître le leadership parce qu'il était un homme de décision, un animateur et un coordinateur hors pair (...)." (Benyoucef Ben Khedda, Abane-Ben M'hidi : leur apport à la Révolution algérienne) La prédominance décisive de l'homme de la Soummam est confortée par Ferhat Abbas : "Abane Ramdane a eu le grand mérite d'organiser rationnellement notre insurrection en lui donnant l'homogénéité, la coordination et les assises populaires qui lui étaient nécessaires et qui ont assuré la victoire." (Ferhat Abbas, L'Indépendance confisquée) À lui seul, Abane symbolise l'inscription, dans l'histoire longue de la résurgence de la souveraineté, la vision du chef d'Etat fondateur de l'Etat harmonieux, moderne, la capacité à transcender les différences pour additionner les intelligences et les énergies, l'affirmation de la tolérance et de l'humanisme. L'aveuglement et l'appât du pouvoir devaient mener à la tragédie. Le crime de Tétouan aurait pu être évité, n'était l'apparent deal des "colonels" d'amputer à la Révolution, en marche, sa tête. En finir, lâchement, sans froid, avec l'"obstacle" Abane. Tellement les appétits du pouvoir s'aiguisaient avec cran. Voracement. "Abane s'en alla tout confiant vers son destin. La perfidie et la mort étaient au rendez-vous. Pour le malheur de notre pays." (Ferhat Abbas, Autopsie d'une guerre) Un des derniers fidèles compagnons de Abane vient de s'éteindre. Omar Boudaoud, nommé à la tête de la fédération de France du FLN, a su transformer cette organisation en véritable fer de lance diplomatique, autant un réservoir financier de la Révolution. En définitive, l'édification de l'espoir démocratique entretenu par la fougue citoyenne et l'abnégation militante de "la famille qui avance" postulent l'adhésion, claire et loyale, aux principes et préalables, universels et pérennes, fixés par la pré-Constitution de la Soummam. L'Etat de droit, laïque, civil et démocratique, credo de la révolution populaire, autant il requiert telle souscription, n'échappera pas, partant, aux débats de fond, autour de la déclinaison moderne de la Charte révolutionnaire du 20 août 1956. La République impulsée par le génie émancipateur de Abane, exigence éthique la plus élevée, est l'Etat apaisé qui nourrit les rêves du peuple. Pourchassé par l'atavisme. L'obscurantisme, l'arbitraire sont aux antipodes de la Soummam : la vision univoque, le diktat des tutelles, les chapelles insidieuses, ne peuvent être greffés à la Révolution du sourire. Impliquant un devoir de vigilance et d'exigence, le parachèvement de la République de la Soummam est la réparation posthume du crime de Tétouan, du 27 décembre 1957. Une juste réparation mémorielle, vertueuse, à la mesure des sacrifices démocratiques de la terre de Jugurtha. Qui consolera la conscience collective de son abjecte liquidation. Laquelle rivalise avec les déchirures identitaires, politiques et civilisationnelles. L'aboutissement républicain est à ce prix : prolongement de la pleine citoyenneté. Et de la modernité assumée. L'archaïsme et l'anachronisme ne peuvent guider le regard sur le futur.