Absent dans la sélection officielle et sections parallèles, le cinéma africain a été l'objet d'une rencontre-débat, organisée par le Club des Auteurs, durant laquelle les participants, africains et italiens, ont abordé les questions, entre autres, de la production, de la distribution et de la coproduction. Lors de la 61e Mostra, s'est tenue une première rencontre entre le ministère italien de la Culture et la Fondation Nationale (sud-africaine) du Cinéma et de la vidéo, qui a abouti à la signature d'un accord bilatéral de coproduction. Cette année, les partenaires ont fait le point. Le constat, partagé par les participants à cette conférence qui a pris une dimension générale, est décevant : les choses n'ont pas évolué d'un pouce. Alors que le dysfonctionnement de l'accord étant admis par tous, le débat a tourné autour des politiques d'aide au cinéma en Afrique. Le cinéma africain est toujours considéré comme un mineur ayant besoin de tutelle. La coproduction est toujours vue comme une forme de charité, camouflée par les slogans de soutien et d'aide au développement. Elle n'est jamais, du moins pas encore, considérée comme un partenariat économique et artistique. Ceux du Nord, qui s'intéressent aux cinémas africains, sont rapidement mis dans le ghetto du militantisme culturel. Il est vrai qu'il reste toujours difficile de s'en détacher. Il est encore difficile d'admettre que le cinéma en Afrique est aussi une question d'affaire au sens économique du terme. Certains le font sans l'admettre ; c'est pourquoi ils ne font pas de travail constructif et se contentent de la gestion au cas par cas. Mais, comment comprendre encore l'esprit des fonds d'aide à la production ? Le débat a été alimenté surtout par le représentant du World Cinéma Fund Berlinale qui souffre, comme les autres, d'incapacité à répondre à la demande grandissante des cinémas du Sud : sur les 350 projets, seuls 15 sont retenus pour l'année en cours. C'est dire à quel point les structures mondiales d'aide à la production se trouvent face à une stratégie complètement erronée. Pendant que certains accordent une subvention en laissant aux producteurs du Sud le soin de la gestion, d'autres préfèrent donner des aides en matériel. Il y a, par contre, ceux qui ne confient la subvention qu'à un producteur du pays où est sise la structure d'aide et impose un contrat de coproduction. Dans ce sens, ce projet d'accord politico-économique italo-sud-africain pourrait donner l'exemple d'une voie à suivre. L'Italie a toujours développé des projets isolés : des studios en Tunisie, une école au Maroc, etc. Mais, là, ce projet manifeste une vraie politique et considère l'Afrique du Sud comme un partenaire économique. Cela n'est possible que grâce à une politique culturelle gouvernementale sud-africaine qui se traduit par les actions, les missions et les programmes de la Fondation nationale du cinéma et de la vidéo. Cette structure, entre autres, gère le fonds national mais œuvre aussi pour la promotion des projets de co-production. Cette politique a fait de l'Afrique du Sud un porte-flambeau du cinéma africain, qui s'impose sur la scène mondiale. L'Ours d'or pour U-Carmen (EKhayeslitsha) de Dornford May, à la dernière Berlinale, en est la preuve. Selon Eddi Mbalo, directeur de la fondation, l'Afrique du Sud compte jouer le rôle de leader et un rôle plus important à l'échelle de tout le continent. Un accord de coopération bilatérale est signé avec le Nigeria qui, avec le Cameroun, constitue un grand marché anglophone et aussi des partenaires intéressants en terme de co-production, eu égards à l'expérience hollywoodienne et le boom de la vidéo au Nigeria. Dans la perspective de dynamiser le cinéma africain, le Festival de Cap Town, connu sous le nom du “Sithengui”, est en train de développer une politique de co-production d'une grande importance. En partenariat avec le fond néerlandais, Hubert Bals Fund, des forums de formation des producteurs de cinéma sont organisés dans plusieurs capitales africaines : Campala, Naïrobi, Lagos et Hararé. Ils convergent tous vers un grand forum au Sithengui. L'idée est de former des producteurs dans le sens de la professionnalisation du métier. C'est dans ce sens aussi que le festival abrite le sommet du cinéma africain. La prochaine session, en novembre, invite le congrès de la Fédération panafricaine des cinéastes Fepaci, dans l'espoir de lui redonner un nouveau souffle après des années d'hibernation et, surtout, après la crise de la dernière édition du Fespaco où devait se tenir l'assemblée générale. L'Afrique du Sud est un exemple en matière de politique d'aide à la production cinématographique. Il est en train de jouer le rôle de locomotive du cinéma en Afrique en offrant, ainsi, une nouvelle voie aux professionnels africains. Une voie qui s'éloigne de la charité culturelle pour se rapprocher du partenariat économique, impliquant une vraie politique de développement encourageant des structures de production et une législation économiquement viables. Venise, T. HOUCHI/ H. MANSOURI