Rescapé du coronavirus, le président de l'APC d'El-Eulma, Tarek Hachani, a, depuis le début de la pandémie de Covid-19, informé régulièrement la population sur la situation épidémiologique qui prévaut dans sa commune. "Nous avons veillé au grain afin d'éviter l'intox et la rumeur. Notre objectif n'est en aucun cas d'effrayer la population, mais de la sensibiliser davantage", dit-il. Liberté : Comment votre commune a-t-elle fait face à la crise de coronavirus ? Tarek Hachani : Avant l'apparition des premiers cas de coronavirus à El-Eulma, nous avons installé la cellule de crise préconisée par la loi et ce, en réponse à une instruction du Premier ministre. Nous avons regroupé tous les acteurs qui peuvent apporter un plus à la gestion de la pandémie. À cet effet, et pour mieux communiquer, nous avons mis à la disposition de nos concitoyens trois numéros de téléphone. Nous nous sommes fixé comme priorité de connaître tout ce qui se passe au niveau de l'hôpital pour pouvoir apporter notre grain de sel. À cet effet, nous avons impliqué avec nous les industriels, les grands commerçants de la ville, ainsi que la société civile à travers le mouvement associatif, notamment les comités de quartier. Au début de la pandémie, nous avons pu collecter des équipements et produits d'un montant de près de 2 milliards de centimes qui ont été remis à l'hôpital Sarroub-Khathir. Nous avons aussi chapeauté les opérations de désinfection à travers toutes les cités et agglomérations situées dans la périphérie du territoire de notre commune. J'ai aussi assisté aux réunions de la commission de sécurité élargie présidée par M. le wali. Cela nous a donné une vision globale de la pandémie, car on ne peut pas gérer sa commune sans pour autant avoir une idée de la propagation du coronavirus. Je peux aussi vous dire que dès le début, l'Assemblée n'a pas lésiné sur les moyens. Nous avons mis le paquet pour faire face à la pandémie en déployant tous les moyens humains et matériels afin de lutter contre le virus. Les citoyens de votre commune se sont-ils impliqués dans la lutte contre le virus et quel a été leur rôle ? Les habitants d'El-Eulma ont, dès le début de la pandémie, participé aux différentes opérations menées par l'APC. Les commerçants d'El-Eulma se sont aussi organisés pour apporter leur aide à l'hôpital. Dernièrement, la section locale de l'Union générale des commerçants et artisans algériens a réussi à collecter des dons en nature d'un montant estimé à plus de 800 millions pour l'hôpital et les deux autres structures extra-muros ouvertes au niveau de notre commune. Mieux encore, pour faire face au problème d'oxygène qui a surgi dernièrement, nous avons été derrière une opération pour l'achat d'un réservoir. Un collectif de bienfaiteurs a entamé l'opération de collecte. Au moment où nous étions en train de finaliser l'opération, un autre commerçant a pris seul en charge le problème en payant plus de 1 milliard de centimes. Je peux vous dire qu'en matière de moyens, nous n'avons aucun problème. La pandémie a révélé des failles en matière de gestion de situation de crise au niveau local. À la faveur de cette crise, faut-il revoir le statut de la commune en lui accordant des compétences larges pouvant lui permettre de mieux gérer les affaires publiques ? Tout à fait, c'est le parent pauvre lors de cette pandémie. Les insuffisances ne sont, certes, pas gravissimes au point où elles affectent la gestion de la crise, cependant nous estimons qu'il est grand temps de donner plus de prérogatives aux élus locaux. En effet, nous attendons sur des charbons ardents la promulgation de lois dont le code de la commune qui doit redonner la parole aux présidents d'APC et aux élus. Je peux vous dire qu'avec les lois actuelles nous avons les mains liées. Au niveau de notre commune qui est assez riche, je peux à titre exceptionnel prendre une grande partie des problèmes de l'Etablissement public hospitalier. Je peux même leur offrir un scanner, un réservoir d'oxygène... Le problème financier ne se pose pas, cependant les procédures liées notamment au contrôle ainsi que le code des marchés publics sont très stricts et ne permettent pas d'agir avec la célérité qu'il faut. Les lois que nous attendons doivent laisser une liberté aux élus et gestionnaires locaux pour pouvoir contribuer à la gestion des crises et des situations inédites. Cela peut différer d'une APC à l'autre. Certaines APC, notamment celles qui ont des moyens importants, doivent avoir un statut particulier. Votre commune s'est distinguée par une communication directe avec les citoyens. Comment avez-vous réussi cela ? Notre page facebook, qui est l'un des supports que nous utilisons pour communiquer avec nos concitoyens, a été ouverte il y a de cela plus d'une année. Nous en avons fait une tribune d'information et un lien avec les habitants de notre commune et même avec nos concitoyens installés ailleurs. Nous répondons même aux questions et préoccupations. Avec l'avènement de la pandémie, nous avons continué nos opérations d'information régulière concernant le développement tout en mettant le focus sur la pandémie. De la sensibilisation aux appels lancés à l'égard des bienfaiteurs, commerçants et industriels, en passant par les avis de décès survenus pendant la pandémie, nous avons veillé au grain pour informer nos concitoyens afin de leur éviter l'intox et la rumeur. Notre objectif n'est en aucun cas d'effrayer la population, mais de la sensibiliser davantage. Je peux même vous dire que ce travail entre dans le cadre de la complémentarité avec les responsables des enquêtes épidémiologiques. En informant les habitants que telle ou telle personne est décédée du coronavirus, nous pouvons éviter que les gens qui sont ici socialement très liés évitent de se rendre chez la famille du défunt. Dans les prochains jours, nous comptons lancer une nouvelle opération, "Allô mon APC", qui facilitera davantage la communication en étant un pont entre le citoyen et l'hôtel de ville. Comment envisagez-vous votre commune après la pandémie ? L'après-coronavirus, ayant été moi-même contaminé, ne sera jamais comme avant. Je pense que la population a appris la leçon. Les gestes barrières doivent être respectés même après la Covid-19. Nous devons apprendre à vivre avec, et tout un chacun doit s'impliquer davantage dans les opérations de sensibilisation. Avant, nous avons beaucoup parlé de démocratie participative au niveau local. La pandémie nous a appris à conjuguer nos efforts et à travailler ensemble pour le même objectif. Le mouvement associatif et la société civile peuvent beaucoup aider les élus locaux et l'administration. Il suffit de s'organiser et d'avoir la volonté de travailler ensemble sans exclusion. Côté prévention, je pense que nous ne serons jamais comme avant.