Face aux directeurs de l'éducation des wilayas du Nord, le ministre de l'Education a multiplié les mises en garde à tous les responsables impliqués dans la gestion de l'école contre le laisser-aller et les mauvais résultats. Tous les moyens seront mis à disposition et seront comptables devant le ministre. “Mais ceux qui croient que la réforme est facile n'ont qu'à rentrer chez eux.” C'est un ministre menaçant, ferme, catégorique et intransigeant qui a réuni, jeudi, les 34 directeurs de l'éducation des wilayas du Nord. Boubekeur Benbouzid est disposé plus que jamais à faire aboutir la réforme du système éducatif. Pour cela, il compte mener une véritable révolution dans le département de l'éducation. De la réforme tant clamée par les enseignants et les parents, il en fait “une bataille”. Une bataille que toute la famille de l'éducation est appelée à mener et surtout à remporter. Bien entendu, la bataille sera rude mais tous les moyens seront mis à la disposition de toute la famille éducative en vue de garantir l'aboutissement de cette réforme, explique M. Benbouzid. “Guerre contre le laisser-aller” Pour les premiers responsables de l'éducation nationale, la réforme ne peut aboutir sans deux facteurs-clés : le suivi et la rigueur. Le suivi de la réforme et de toutes les actions lancées dans ce cadre “sera quotidien ; j'y veillerai personnellement”, avertit d'emblée Boubekeur Benbouzid. D'ailleurs le fait de convoquer un conclave des directeurs, une semaine à peine après la rentrée des classes, se veut une façon de leur prouver son intransigeance. Mais surtout sa ferme intention de suivre pas à pas la moindre mesure de la réforme car, dit-il, sans le suivi et l'évaluation quotidienne toute réforme est vouée à l'échec. “Aujourd'hui, rien ne se fait au hasard, toutes nos actions sont programmées et reposent sur une stratégie qui a permis, selon nous, la réforme”, note l'orateur et d'ajouter que les enseignements tirés des précédentes réformes ont prouvé que leur échec était dû à deux raisons essentielles : le manque de moyens et l'absence de suivi. Toute l'attention sera donc portée sur les deux volets essentiels. Le ton sur lequel s'est adressé le ministre aux 34 directeurs d'éducation était tel que les journalistes qualifient cette sortie de “guerre contre les directeurs”. Interrogé sur ce point en marge du conclave, M. Benbouzid dira : “Non , je ne déclare pas la guerre aux directeurs, mais je déclare la guerre contre le laisser-aller qui a tant sévi.” Un laisser-aller qui a abouti à une véritable dérive et à un rendement catastrophique de plusieurs établissements scolaires. Le ministre citera le cas du lycée El-Mokrani 1 qui n'a jamais dépassé un taux de réussite de 20%. “Il y a plus grave encore, mais passons”. Dans la foulée, le ministre de l'Education nationale fera remarquer à l'assistance qu'il n'est plus question “de verser des larmes d'échec à la fin de l'année et de les oublier à la rentrée pour recommencer avec les même résultats”. Ce qu'il faut, désormais, c'est mettre à profit toute l'année scolaire en vue de solutionner les problèmes en suspens. De son côté, M. Benbouzid s'engage à trouver des solutions à toutes les difficultés recensées. Il n'hésitera pas, fera-t-il remarquer, à se tourner vers le gouvernement pour l'aider dans cette tâche. “Les problèmes en suspens feront l'objet de débats, et des décisions seront prises au sein même du gouvernement.” Autrement dit, la famille de l'éducation nationale devrait s'attendre à du nouveau dans les prochains mois. Le manuel scolaire obligatoire Echeveau inextricable, le dossier du manuel scolaire sera bel et bien fermé dès la prochaine rentrée scolaire. Une prochaine décision ministérielle fera de “l'acquisition du manuel une obligation”. Une commission ministérielle sera installée prochainement pour plancher sur cette question et proposer de meilleurs moyens à même de permettre à chaque élève d'avoir son propre manuel. “Ce sera une obligation car le livre est un moyen pédagogique qui peut augmenter les chances de réussite.” Cependant, les parents devront mettre la main à la poche pour répondre à cette obligation. “La famille de l'éducation ne peut pas tout donner. Il faut que l'autre famille (celle de l'élève nous aide un peu”. Reprochant à l'assistance d'avoir la mémoire courte, le ministre dira : “Nous vivions chaque année un enfer, une véritable catastrophe en raison du manque de manuels scolaires et de leur caractère obsolète”. Aujourd'hui, la situation a complètement changé. “Le livre était disponible avant même la rentrée scolaire”. Et cela, assure l'orateur, dans tous les établissements et pour tous les cycles. Selon M. Benbouzid : “Seuls ceux qui n'ont pas les moyens n'ont pas pû avoir leur quota de manuels scolaires.” Autrement dit, le manuel est disponible mais ses frais font défaut dans plusieurs familles. D'ailleurs, avoue le ministre 30 % des manuels scolaires restent entassés dans les écoles en raison du manque d'acquéreurs. “Mais nous trouverons une solution à ce problème dans le cadre de la solidarité scolaire et du paiement de la prime”. PROJET D'ETABLISSEMENT ET DE SERVICE Autre nouveauté dans le secteur de l'éducation nationale, le lancement dans les prochains mois du projet d'établissement et de service. Un projet qui tend à instaurer une nouvelle gestion au sein des établissements scolaires et au niveau des directions de l'éducation. “La gestion d'antan est révolue”, avertit M. Benbouzid. Et de poursuivre : “J'ai un tableau de bord. J'y veillerai personnellement pour toutes les wilayas et tous les cycles.” Le nouveau projet d'établissement ou de restructuration s'appuie sur la gestion collective de l'école et de la direction de l'éducation. Les directeurs sont appelés à laisser tomber la gestion en solo et à associer tous les autres responsables et parents d'élèves. La gestion de l'établissement scolaire sera une mission collective ou chaque responsable devra jouer son rôle et veiller à la bonne marche de l'établissement. Comme l'avait dit M. Tebboune “l'ancien nouveau projet” a été proposé pour la première fois en 1996, mais le projet n'a pas fait long feu “peut être parce qu'il a été lancé dans un cadre isolé et pas dans le cadre d'une réforme”. Le projet consiste en la mise en place d'une plate-forme de gestion collective de l'établissement. Celle-ci est arrêtée après étude de la situation et de la réalité de l'établissement (données financières, pédagogiques, sociales…) ainsi que la proposition de solution idoine. Une sorte de plan de travail est alors adopté et doit être exécuté par tout le staff et non pas par le premier responsable seulement. Une plate-forme générale sera proposée aux établissements scolaires et aux directions de l'éducation dans une dizaine de jours. Il faut savoir, cependant, que la spécificité de chaque établissement ne peut permettre l'adoption d'une plate-forme commune ou unifiée. C'est à l'établissement scolaire de décider après examen et évaluation de toutes les données. Pour y parvenir des conférences régionales seront programmées. Obligation de résultats À travers ce projet de gestion collective, le ministère de l'Education nationale compte aider les établissements et les directions de l'éducation à faire leur diagnostic et proposer un remède efficace. Ceci en vue de les responsabiliser d'abord et de leur exiger des comptes par la suite. Le ministre de l'Education nationale est déterminé à donner les moyens mais exige le renvoi de l'ascenseur. Car “la rentabilité est au cœur de la réforme” Les responsables du secteur “seront comptables devant moi comme je le suis devant mon gouvernement”. Le laisser-aller ne sera pas de mise. Seule l'obligation de résultats le sera, désormais. Pour M. Benbouzid, le directeur n'est pas un administrateur. “Il est administratif et pédagogue”. Les engagements tirés prouvent que l'établissement dont le responsable “fait preuve de bonne gestion a enregistré de bons résultats et ceux dont les premiers responsables étaient démissionnaires, leurs élèves en ont fait autant. Mais le secteur ne peut plus fonctionner ainsi. L'impunité est également révolue. Place désormais aux sanctions dans les deux sens”. Le ministre de l'Education nationale soulignera dans la foulée que le niveau des proviseurs sera beaucoup plus élevé. Ils bénéficieront désormais, d'une formation résidentielle d'une année et non d'une simple formation de quinze jours. Ceci, en plus du concours et de l'étude de la liste d'aptitude. Ce sont là les mises en garde et les différents “ingrédients” d'une réforme révolutionnaire prônée par le ministre de l'Education qui avertit une fois de plus ses directeurs : “Celui qui croit que la réforme est facile n'a qu'à rentrer chez lui.” La menace de Benbouzid "si l'intérêt de nos enfants exige d'écarter tous les proviseurs, je le ferai sans état d'âme.” Ce sont les propos lancés sur un ton catégorique par le premier responsable du secteur de l'éducation face aux 34 directeurs de wilaya. Pour Boubekeur Benbouzid, la bataille de la réforme “que nous comptons remporter exige sérieux et rigueur”. Le ministre promet qu'il n'y aura aucune injustice, “j'y veillerai personnellement ; cependant cela ne veut pas signifier que des sanctions, voire des têtes ne vont pas tomber. Plusieurs chefs d'établissement risque, d'ailleurs, de finir leur carrière ou de se faire coller un blâme”. “Les 14 directeurs d'établissement sanctionnés passeront prochainement en conseil de discipline. Certains risquent d'être écartés définitivement”, a indiqué le ministre de l'éducation nationale. Quant à ceux qui font du grabuge prétextant le refus de la tutelle de constituer leur syndicat : “nous avons l'habitude de travailler dans le vacarme,” leur a répondu M. Benbouzid. M. B.