Il est des hommes qui imposent le respect, non pas d'un quelconque ascendant ou supériorité qu'ils inspireraient, mais de par l'amour qu'ils portent à leurs passions et la dévotion à leur travail, parfois à la limite de la frénésie, et maître Hini en faisait incontestablement partie. Sa disparition marque la fin d'une génération, celle des monstres sacrés de la musique andalouse. Smaïn Hini emporte avec lui une tradition séculaire qui a fait les beaux jours du patrimoine musical ancestral algérien. Grand par le talent, irréductible défenseur de l'âme musicale andalouse et figure paternelle pour les nombreux – et illustres – élèves qui sont passés par son école, Hini était apprécié autant pour son art que pour son humanisme. Il est des hommes qui imposent le respect, non pas d'un quelconque ascendant ou supériorité qu'ils inspireraient, mais de par l'amour qu'ils portent à leurs passions et la dévotion à leur travail, parfois à la limite de la frénésie, et maître Hini en faisait incontestablement partie. Sa sincérité aussi en a fait un artiste admiré, qui n'hésitait pas à dévoiler les travers d'une scène artistique "injuste", notamment en ce qui concerne son association El-Inchirah à ses débuts, révélait-il lors d'un entretien. Le maître de la çanâa, qui a fait ses classes sous la direction de cheikh Abdelkrim Dali, dans ce même Conservatoire municipal d'Alger qui a vu défiler "le maître des maîtres", Abderrezak Fakhardji, commence déjà à se construire une réputation. Treize ans passés aux côtés des plus grands ont forgé sa vision de la musique andalouse. Au départ de Mahieddine Bachtarzi, alors à la tête du Conservatoire, Hini quitte à son tour le lieu de son apprentissage, voyant en la grande place qu'accordait le nouveau directeur, le professeur Benattia, à la musique occidentale au détriment de la musique traditionnelle, un mépris pour son art. Mais le parcours artistique du jeune Hini est loin de connaître son clap de fin, bien au contraire. Il fréquente le milieu théâtral et rejoint la troupe de Kateb Yacine pour la pièce Mohamed prends ta valise. "J'ai fréquenté les plus grands, dont Kateb Yacine, Issiakhem. Je me rendais aussi au domicile de Mahieddine Bachtarzi qui était mon mentor, et bien sûr mes maîtres Abdelkrim Dali et Abderrezak Fakhardji". De ces expériences, sa carrière s'en trouve que plus riche, il fait évoluer sa musique, veille à la transmission et à la préservation de ce patrimoine, à travers ses associations, Essoundoussia d'abord, puis El-Inchirah qui verra défiler une nouvelle génération d'interprètes au talent indiscutable et dont font partie Beihdja Rahal, Lamia Madini, Zakia Kara Terki, et sa fille Hasna Hini qui prenait part à la plupart des galas dirigés par son père. À l'annonce de son décès, le directeur de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel, Abdelkader Bendaâmache, parle d'un "véritable militant de la préservation et de la sauvegarde du patrimoine musical andalou (...) Je lui reconnais ses vastes connaissances dans son domaine de prédilection. Elève de cheikh el-hadj Abdelkrim Dali au Conservatoire municipal d'Alger, de cheikh Abderezzak Fekhardji et de Boudjemâa Fergane, cheikh Smaïn Hini s'est forgé une personnalité très importante dans la défense de ce legs ancestral. Il manquera à la famille artistique, il me manquera personnellement pour l'avoir côtoyé de très près durant un peu plus de 45 ans, il manquera cruellement à sa fille Hasna, qui est aussi sa meilleure élève, il manquera à ses autres filles, à son épouse Rachida et à son frère, le distingué pianiste Nasser Hini". Yasmine Azzouz