Il est considéré comme le père de la pédiatrie en Algérie. C'est lui qui monte le premier service pédiatrique à l'hôpital de Beni Messous, avant d'en devenir le chef de service. Jean-Paul Grangaud est décédé, hier à Alger, à l'âge de 82 ans. Figure marquante de la médecine algérienne, c'était un homme remarquablement discret. Sa sobriété n'avait d'égale que celle des paroissiens, lui, le protestant d'origine européenne. Il était d'une grande humilité, mais avant tout authentiquement Algérien. Même s'il n'a pu obtenir la nationalité algérienne qu'en 1970. Une formalité. Il était Algérien dans l'âme et dans le cœur, mais surtout de raison. Fils d'un professeur de biochimie, il est né à Alger-Centre en 1938 où il a côtoyé les quartiers populaires et les bidonvilles, et vécu la misère des indigènes sous la colonisation. Il rejoint la faculté de médecine d'Alger où il se spécialise en pédiatrie. Une vocation. Sauver les enfants alors que la mortalité infantile faisait des ravages. "La mortalité infantile était très grande, et en voyant ces petits enfants qui souffraient, je voulais les aider à s'en sortir, par amour du pays : il y avait tellement d'enfants et tous n'avaient pas les mêmes chances", témoigne-t-il bien des années après. Jean-Paul Grangaud était un personnage au parcours singulier. Alors qu'à l'indépendance de l'Algérie, toute sa famille quittait le pays à l'instar de nombreux Européens, lui et son épouse Marie-France décident de rester. "L'Algérie est mon pays", répétait-il fièrement. Déjà interne, il alimentait clandestinement les maquis du FLN en médicaments. Sans en tirer une quelconque gloire, car sa véritable cause était de sauver des enfants et de combattre la mortalité infantile. Il pilotait des campagnes de vaccination massives à travers tout le pays. "En trente ans, les progrès ont été considérables. Depuis 1996, on n'a pas enregistré de cas de poliomyélite et, depuis 1998, aucun cas de mort dû à la rougeole. Et, même dans les années 1990, malgré les problèmes de sécurité, la mortalité infantile n'est pas remontée. Mieux, elle reprend sa courbe descendante depuis deux ou trois ans", s'enorgueillait-il dans un témoignage qu'il avait livré au journal de l'Eglise catholique d'Algérie. Son parcours le conduit au ministère de la Santé où il a occupé des postes de responsabilité. Il était membre de la commission de la réforme de la santé, avant de devenir directeur de la prévention en 2002. Jean-Paul Grangaud s'est dévoué pour la santé publique. Jusqu'à la fin. À 81 ans, il occupe encore le poste d'expert en vaccins et en pédiatrie au ministère. Il a continué à collaborer avec le professeur Messaoud Zitouni dans la mise en place du Plan national de lutte contre le cancer. Son attachement au pays était aussi fort que son attachement à la vie. Au plus fort de la décennie noire, Jean-Paul Grangaud n'a jamais quitté l'Algérie. Il a refusé d'abandonner ses concitoyens durant la période sanglante du terrorisme. Il n'a jamais été menacé. Mais surtout, il n'a jamais renoncé. Un résistant. Sa vie et son parcours sont la preuve éclatante de ce qu'est réellement l'Algérie plurielle, diverse et ouverte. Jamais exclusiviste. L'Algérie, pour laquelle il a sauvé des vies humaines, lui doit aujourd'hui hommage et reconnaissance. Jean-Paul Grangaud peut enfin reposer en paix, après avoir voué sa vie entière à la noble cause humaine.