Lors du dernier Conseil des ministres, tenu dimanche, le chef de l'Etat a appelé à une réévaluation des accords commerciaux multilatéraux, dont l'accord avec l'Union européenne, en vigueur depuis 2005. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a donné instruction au ministre du Commerce, Kamel Rezig, "de procéder à une évaluation des accords commerciaux multilatéraux, régionaux et bilatéraux, notamment le dossier sur l'accord d'association avec l'UE qui doit faire l'objet d'une attention particulière faisant valoir nos intérêts pour des relations équilibrées", selon un communiqué publié, dimanche, à l'issue d'une réunion du Conseil des ministres. Ainsi, la question de l'accord d'association est remise sur le tapis, mais, cette fois-ci, dans des circonstances politiques et économiques très différentes. Dans son programme politique, la nouvelle équipe au pouvoir semble vouloir opérer une réorientation fondamentale dans l'accord de manière à le rendre équilibré, plus acceptable. Cela est d'autant plus nécessaire compte tenu du besoin d'équilibrer les échanges commerciaux a fortiori dans le cadre d'une Zone de libre-échange (ZLE), dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er septembre prochain. Créer une Zone de libre-échange équivaudrait à procéder à un démantèlement tarifaire total. Il y a quelques mois, le ministre du Commerce avait déclaré qu'il revenait "au gouvernement de trancher si nous devons procéder, en septembre prochain, au démantèlement tarifaire restant, ou pas". L'UE et l'Algérie préparent, en fait, la mise en place d'une Zone de libre-échange depuis le 1er septembre 2005, date de l'entrée en vigueur de l'accord d'association. Elles y travaillent de manière progressive de façon à ce que l'économie algérienne puisse soutenir la concurrence induite par une ouverture réciproque des marchés des pays membres de l'Union européenne et de l'Algérie. Aussi l'accord prévoyait-il une période de transition de 12 ans accordée à l'Algérie pour éliminer progressivement ses droits de douane sur des produits industriels, avec une possibilité d'appliquer une libéralisation sélective concernant les produits agricoles. Cette période s'est révélée, toutefois, insuffisante pour réaliser l'objectif fixé, ce pourquoi, la partie algérienne avait demandé, en 2012, que cette période de transition soit allongée et portée à 15 ans, jusqu'au 1er septembre 2020, pour certains produits comme l'acier, les textiles, les produits électroniques et l'automobile. Le problème est que même aujourd'hui, alors que le contexte est difficile, l'économie nationale est loin d'être prête à faire partie d'une Zone de libre-échange et que le pays veut renégocier certains chapitres de l'accord d'association, notamment son volet commercial, car, en la matière, l'Algérie a perdu plus d'argent qu'elle n'en a gagné, comme le font ressortir les statistiques officielles. En effet, durant la première décennie de mise en application de l'accord, le pays n'a exporté vers l'Union européenne que pour 14 milliards de dollars. En revanche, elle a importé pour 220 milliards de dollars, soit 22 milliards de dollars par an. Il en a résulté un manque à gagner, sur dix ans, de plus de 700 milliards de dinars (plus de 7 milliards de dollars) en termes de recettes fiscales, et, rien qu'en 2016, le manque à gagner s'est élevé à 120 milliards de dinars (1,2 milliard de dollars). Est-ce la faute des Européens ? Le problème, en fait, est que cet accord, négocié dans l'urgence, est faussé à la base, et qu'en conséquence, il n'a pas tenu compte des spécificités de l'économie nationale dont le seul moteur est l'énergie. Par ailleurs, l'apport en investissements attendu de l'Union n'a pas été à la hauteur des attentes d'Alger. Au cours de ces dernières années, les deux parties ont, cependant, essayé de rattraper le temps perdu, s'engageant à renforcer leur coopération en matière de diversification de l'économie algérienne, dans un contexte particulier induit par la chute des prix des hydrocarbures depuis 2014. Elles se sont félicitées, à cet égard, de l'adoption du "Cadre unique d'appui", qui définit les priorités de la coopération technique et financière bilatérale au titre de l'Instrument européen de voisinage pour la période 2018-2020 et où le soutien à la diversification économique figure en première place. Youcef Salami