Deux chercheurs du Cread estiment que le choix des pouvoirs publics de maintenir les prix alimentaires à des niveaux bas a engendré un déséquilibre devenu structurel entre l'offre locale et la demande. La sécurité alimentaire en Algérie reste caractérisée par plusieurs fragilités liées notamment à la dépendance aux marchés extérieurs et au recours aux subventions publiques. Selon deux chercheurs du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), la sécurité alimentaire de l'Algérie est en grande partie dépendante de deux facteurs fortement impactés par la pandémie de Covid-19 : les finances publiques et le marché mondial des produits alimentaires. "Le poids des importations dans la satisfaction des besoins alimentaires du pays témoigne de cette sensibilité aux perturbations du fonctionnement de ce marché mondial", indiquent Ali Daoudi, enseignant chercheur à l'Ecole nationale supérieure agronomique d'Alger, et Amel Bouzid, chercheure au Cread. Dans un article publié dans la revue Les cahiers du Cread, les deux auteurs analysent ce qu'ils considèrent comme étant les quatre points fragiles, en matière de sécurité alimentaire. Ils citent la demande locale des produits alimentaires et la sécurité alimentaire des ménages, la production agricole et alimentaire nationale, les chaînes logistiques locales d'approvisionnement des marchés en denrées alimentaires, ainsi que les importations alimentaires. "L'importance du rôle de l'Etat dans la formation des prix des denrées alimentaires dans l'approvisionnement des marchés en produits alimentaires importés met les finances publiques au centre des enjeux sur la sécurité alimentaire", soutiennent-ils. Les finances publiques sont actuellement fortement impactées par la baisse de la fiscalité pétrolière et de la fiscalité ordinaire à la suite du ralentissement de l'activité économique. Elles sont également impactées par la baisse des rentrées en devises étrangères et le risque de creusement du déficit de la balance commerciale. Ces deux chercheurs estiment que le choix des pouvoirs publics de maintenir dans la durée les prix alimentaires à des niveaux bas a engendré et approfondi un déséquilibre devenu structurel entre l'offre locale et la demande alimentaire. "L'importation est un pilier de l'offre alimentaire en Algérie", relèvent les chercheurs. Les produits importés contribuent à hauteur de 55% des calories consommées par les Algériens, ce qui classe l'Algérie dans le top 10 des plus grands importateurs de produits alimentaires au monde. Les importations alimentaires pèsent très lourd sur la balance commerciale du pays (19% en moyenne des importations totales 2014-2018). Leur facture s'est stabilisée autour de 8 milliards de dollars ces dernières années, après avoir dépassé les 11 milliards en 2014. En 2019, constatent les chercheurs, "la facture des importations alimentaires a englouti 22% des recettes pétrolières". De ces chiffres se dégage un double constat : la facture alimentaire a atteint un niveau trop élevé par rapport aux capacités d'importation de l'Algérie, et son financement par les seules recettes pétrolières est devenu intenable. L'ajustement des niveaux de disponibilités alimentaires par rapport à la demande ne s'est pas fait que par les importations, la production agricole domestique a connu également une progression importante, notamment ces vingt dernières années. Cependant, "les bonnes performances du secteur agricole ces deux dernières décennies sont relatives", relèvent les chercheurs, constatant, également, la dépendance de l'agriculture et l'industrie agroalimentaire du marché mondial pour leur approvisionnement en intrants. Les chercheurs du Cread évoquent, aussi, la problématique de la logistique, relevant, notamment, le poids important d'acteurs et de pratiques informels dans les circuits de distribution. "Aucune structure publique n'est en mesure de produire régulièrement des statistiques fiables sur chacun des circuits de commercialisation alimentaires relativement au nombre de commerçants, aux flux de produits et monétaires, aux prix et aux marges", soutiennent les chercheurs. Evoquant la demande alimentaire des ménages à faible revenu, les chercheurs pointent deux caractéristiques de l'économie algérienne qui rendent la demande sur les produits alimentaires potentiellement fragile aux conséquences économiques de la Covid-19. Il s'agit du poids important des dépenses alimentaires dans les dépenses totales des ménages et l'importance de l'emploi informel, notamment dans le secteur commercial, fortement impacté par le ralentissement de l'activité économique.