Ambassadeur du Liban en Allemagne pendant sept ans, Moustapha Adib a été désigné hier Premier ministre, à la faveur d'un large soutien de la classe politique. Le Liban a désigné hier Moustapha Adib Premier ministre, près d'un mois après la double explosion au port de Beyrouth qui a dévasté une partie de la capitale et causé la mort de près de 190 personnes, avec des dégâts, en perte économique, estimés entre 6,7 et 8,1 milliards d'euros. Moustapha Adib, ancien professeur de sciences politiques, parachuté au poste d'ambassadeur du Liban en Allemagne il y a sept ans, a obtenu le plus grand nombre de voix lors de consultations parlementaires menées par le président Michel Aoun, a annoncé hier dans la matinée la Présidence. En fin d'après-midi, Aoun a reçu la visite, la deuxième en moins d'un mois, du président français Emmanuel Macron qui fait, depuis la double explosion, des pressions sur la classe dirigeante libanaise, sommée de parvenir à un nouveau pacte politique. À l'issue de sa désignation, le nouveau Premier ministre s'est aussitôt engagé à former une équipe ministérielle en un "temps record" pour faire face aux défis urgents qui s'imposent au pays du Cèdre, notamment en ce qui concerne la reconstruction de la capitale qui a besoin urgemment de 605 à 760 millions de dollars pour se relever, selon une estimation publiée hier par la Banque mondiale. Pour ce faire, Moustapha Adib compte s'appuyer sur un gouvernement "d'experts" et de personnes "compétentes" qui seront chargées, a-t-il dit, de mettre en œuvre les réformes "longtemps attendues". "La tâche que j'ai acceptée repose sur le fait que toutes les forces politiques (...) sont conscientes de la nécessité de former un gouvernement en un temps record et de commencer à mettre en œuvre des réformes, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international", a déclaré M. Adib dans un discours télévisé. Réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué ? Si la classe politique libanaise a majoritairement soutenu sa désignation – la plupart des blocs parlementaires qui se sont succédé hier au palais présidentiel ont entériné le choix de Moustapha Adib –, la rue libanaise, quant a elle, risque de se démarquer encore une fois, en rejetant cette personnalité sortie de l'ancien système politique tant décrié par les milliers de manifestants depuis plus d'un an. Pis encore, la désignation de M. Adib n'a pu être rendue possible que par l'appui des poids lourds de la communauté sunnite dont le chef du gouvernement doit être traditionnellement issu, la présidence allant à un chrétien maronite et la présidence du Parlement à un musulman chiite. Un cas de figure qui devrait être aussi contesté par les Libanais qui appellent, au contraire, à la fin du confessionalisme dans leur pays. Au plan économique, la tâche non plus ne sera pas aisée pour le Premier ministre, relativement peu connu du grand public. La population libanaise est frappée de plein fouet par l'augmentation drastique du coût de la vie, aggravée par la dépréciation historique de la livre libanaise, les restrictions bancaires draconiennes, auxquelles s'est ajoutée l'épidémie de Covid-19. Les réformes promises pourraient prendre des années, et le pays risque d'être vite rattrapé par la contestation populaire. Karim Benamar