Les épreuves du baccalauréat constituent, désormais, une hantise pour les pouvoirs publics qui craignent que les scandales des fuites, enregistrées il y a quelques années, ne se reproduisent. Cependant, la solution radicale trouvée en recourant à une coupure totale de la connexion internet pendant les cinq jours d'examen a de quoi agacer plus d'un. C'est dire que pour le bac 2020, le seul détail qui le différencie des précédents, c'est qu'il a été décalé en raison de la crise sanitaire pour cause de pandémie de coronavirus. Pour tout le reste, le problème demeure entier. Certains subissent carrément des coupures, d'autres se retrouvent avec des débits réduits et l'ensemble vit une perturbation impliquant des pertes sèches à ne plus en finir. Face à cette récurrence, les spécialistes du domaine s'interrogent sur "le laxisme" des pouvoirs publics et sur le ministère de l'Education qui "recourt à la facilité" au lieu de "se creuser les méninges pour trouver des solutions pérennes et efficaces". Pour certains spécialistes, "on aurait bien pu empêcher l'accès aux plateformes en procédant au filtrage à travers des débits tellement réduits qu'ils ne permettent en aucune façon d'uploader les sujets PDF, sans pour autant couper internet". Mais en même temps, ils s'interrogent sur "la pertinence d'une telle option qui coûterait bien cher aux opérateurs pour un bac à l'origine très mal fait par l'éducation qui n'arrive pas à innover en la matière". Ils précisent : "Il faut se rendre à l'évidence que l'éducation n'est pas capable d'assurer un examen national normal et continue avec les mêmes méthodes en faisant fi de l'existence de l'internet et des communications électroniques." Farid Farah, pour sa part, en sa qualité d'enseignant universitaire mais également spécialiste des télécoms ne comprend pas qu'"on puisse encore aujourd'hui préparer un examen national avec des sujets communs aux 48 wilayas". Il argumente : "S'il y a une fuite, on peut difficilement en situer la source, raison pour laquelle chaque académie devrait avoir son propre sujet comme cela se fait sous d'autres cieux, et si jamais il y a fuite, le préjudice est moindre et le problème plus facile à contenir." Farid Farah n'explique pas non plus "le recours à la coupure durant les examens puisque les candidats sont censés être privés de tout outil électronique ou informatique" et propose comme solution ultime "l'isolation des centres d'examen" plutôt que "d'isoler le pays tout entier". Youcef Boucherim, de son côté, n'en pense pas moins. Pour notre expert en TIC, "priver le pays de l'internet durant cinq jours, le temps de l'examen du bac, est tout bonnement un acte irresponsable". Et d'ajouter : "Il existe des solutions ordinaires avant d'arriver aux solutions techniques et ainsi éviter un impact lourd de conséquences aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises algériennes et en particulier pour les start-up et les développeurs, et donnent de très mauvais signaux aux partenaires internationaux." Notre interlocuteur poussera l'analyse jusqu'à assurer : "Cela n'a plus de sens de parler de e-payement, d'économie digitale et de commerce électronique si l'on continue avec ces mêmes pratiques." Le Groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN) a, pour sa part, déploré, via un tweet, "le choix de brider internet pour cause de l'examen du bac".