La chute dans une île déserte, comme thématique de réflexion existentielle, apparaît très tôt dans les écrits de Kamel Daoud. Elle y apparaît notamment dans sa nouvelle L'Arabe et le Vaste Pays de Ô, publiée dans le recueil de nouvelles La Préface du nègre. Dans le vaste pays de Ô, l'Arabe se confronte déjà à la problématique de la liberté, de la dissidence envers le Livre "sacré". Il se pose la question de la relecture d'un Livre que, jusqu'à présent, souffre d'une récitation infinitésimale qui dure depuis au moins quatorze siècles. Comment lire et puis relire un Livre qui n'a jamais été lu ? Comment échapper à la tyrannie des habitants du vaste pays de Ô, si on ne récite pas "Ô !" selon les lois de l'orthodoxie ? Un seul sentier, un seul chemin : la révolte. Elle est périlleuse et son prix peut se payer d'une vie. Cependant, elle demeure nécessaire. Elle bat en brèche le Sens pour rendre possible la pluralité des sens. C'est le seul moyen qui permet de résister contre l'assignation à être "Une sorte de Hayy Ibn Yakdane, dont le but n'est ni le pain et les outils comme Robinson, ni l'illumination ou la démonstration comme Avicenne. Seulement la Liberté, celle de choisir". Dans une réécriture remarquable de l'épître d'Ibn Tufayl Hayy Ibn Yaqzan, Jean-Baptiste Brenet fait de Vivant fils d'Eveillé le Robinson de Guadix. Un Robinson ou un Hayy soucieux de la mer, du transfert, de l'hellénisme, c'est-à-dire de la Méditerranée en tant que géographie et aussi en tant qu'esprit. Pour Horace comme pour Jean-Baptiste Brenet, les mers et les océans sont des barrières que les humains doivent s'empresser de franchir. L'homme ne se découvre Homme qu'en franchissant telle ou telle barrière. Robinson de Guadix est le franchissement de la barrière par la réécriture : si une lecture dogmatique ou religieuse veut voir dans l'île de Hayy Ibn Yaqzan l'occasion du repli sur la terre ferme, Jean-Baptiste Brenet y voit l'occasion de hisser les voiles, prendre les bateaux, divaguer, perdre le Nord pour, enfin, communiquer, échanger, réécrire ce qu'on pense jusqu'à lors déjà écrit. Ce monumentale geste de réécriture est suivi par un autre geste, de la même ampleur, celui de la relecture. Dans sa préface à Robinson de Guadix, Kamel Daoud, de manière très originale, propose une relecture non théologique du chef-d'œuvre d'Ibn Tufayl. Quand les uns y voient la Loi, la Transcendance, l'Orthodoxie, lui, il y voit l'occasion de révolte, de dissidence. Il supplante l'Autre à la Transcendance, le Corps à la Loi, la Liberté à l'Orthodoxie. La dette envers l'Autre Kamel Daoud entame sa préface par l'une de ses thématiques les plus chères, l'Altérité. En mobilisant le couple Altérité/Insularité, il s'attèle à penser l'Altérité dans l'Insularité imaginaire que la religion, le dogme, l'orthodoxie, le nationalisme rendent possible. Il aborde le sujet, si complexe dans les géographies du Sud confessionnel, par le biais d'une métaphore fascinante. "L'Autre est d'abord et surtout un relief en soi, une empreinte vide qui provoque la peur, la fuite, le repli sur soi, ou bien la rencontre, le courage, la lente négociation par les langues, les gestes de traduction." Repli ou rencontre, seul le courage en est décisif. A l'"Au-delà" monothéiste, Kamel Daoud supplante son propre "Au-delà" : celui de l'Autre, de la rencontre, du toucher. Le Corps avec un grand "C". Cet "Au-delà" n'est que le fruit d'une relecture-réécriture (quasi éternelle) de la robinsonnade unissant et opposant, à la fois, Vendredi et Robinson. Ayant constaté que l'abstraction est un chemin qui ne mène vers nulle part, Kamel Daoud a pris le parti du corps, du toucher, de la sensualité. Unique façon de se sentir vivant, de vivre tout simplement. Il est porté à la connaissance de tous que les mythes sont d'une puissance incommensurable. Dans la fable de la robinsonnade, Kamel Daoud y voit une fable universelle qui schématise et représente la condition humaine. "Dans son histoire, on aime reconnaître les chapitres de notre condition : on est naufragé/nouveau-né, seul, démuni sauf de quelques outils, fort et désespéré, et nous devons peupler l'insulaire de condition, y reconstruire l'abri et y tisser le vêtement, y décider du calendrier, du temps et des lois. Nous sommes les dieux tombés qui lentement restaurent l'ordre naturel, la centralité, et nous devons ramener la création à notre mesure, proportionner le corps à l'échelle de ce défi." Dans ces lignes, l'auteur de Meursault, contre-enquête tente de restaurer la raison, la rationalité et le sens qui ont d'énormes difficultés de résister contre le Livre, l'Orthodoxie, les prédicateurs directeurs de conscience, l'arbitraire et la désertification culturelle. Et c'est par ce prisme qu'il propose de présenter, de relire la nouvelle interprétation-réécriture que Jean-Baptiste Brenet propose à propos du "roman" du philosophe andalou Ibn Tufayl Hayy Ibn Yaqzan. Comment faut-il relire "Vivant fils du Vigilant" ? Dans un univers où la religion est omniprésente, omnisciente, comme si elle s'est substituée à Dieu, la première lecture de l'épître d'Ibn Tufayl exaspéra Kamel Daoud. Le philosophe andalou n'a guère pu résister à la rhétorique mystique, teintée d'éléments néoplatoniciens, qui arguait inlassablement la tautologie suivante : "Un homme solitaire aboutit à la conclusion que seul Dieu existe et que nous ne sommes que les dégradations optiques de sa splendeur." Kamel Daoud qualifie cette attitude de "suicide mystique". Un suicide qui nie, qui anéantit l'homme. L'homme ne peut guère échapper à la Loi, au Livre, à l'Au-delà. En camusien, Kamel Daoud se "révolte" contre le culte du "renoncement" au corps, à la chair, à la vie, dira Nietzsche. Pour lui, le renoncement mystique est une trahison du corps, son enterrement. En vertu de quoi ? De l'accès à la "connaissance", à la "vérité". Nietzsche traduira ces propos en disant : en vertu de l'accès à l'illusion, aux arrière-mondes. Si on voudrait tordre la lecture, la méfiance de Kamel Daoud envers le mysticisme réside dans le fait que certains courants religieux, islamistes en l'occurrence, tendent à justifier un discours dogmatique et puritain, en se référant, non à des prédicateurs zélés, mais aux sources les plus intellectualistes de l'islam, telles que Ibn Arabi et d'autres. Le mysticisme annihile et conceptualise le corps. En résulte un Hayy Ibn Yaqzan qui n'a pas de vie sexuelle, pas de sexualité du tout. L'île déserte est la métaphore de la foi puritaine qui tue la germination de toute féminité possible. "Le charnel est le contraire de l'éternel, et la seule voie pour être immortel, c'est de n'être plus." Cette négation de la vie, estime Kamel Daoud, résume la vieille mystique et les contemporaines inquisitions qui, dans le Sud confessionnel et sous une apparence noble, continuent de perpétuer l'écrasement des femmes, leur voilement, mais aussi le puritanisme, les rites et les ablutions, la haine de l'amour et l'excommunication de l'orgasme. Bref, l'éternel retour de la dichotomie corps/esprit. L'Immaculé-esprit doit tuer le Maculé-corps. Le mystique que conteste Kamel Daoud est la version pacifique d'Abdallah, personnage fictionnel créé par ce dernier, pour servir d'antithèse à Pablo Picasso, au peintre et au sculpteur de manière générale, dans Le Peintre dévorant la femme. À quoi aspire Abdallah dans la vie ? À mener une conquête de conversion contre le corps libre, nu, en Occident comme en Orient. Les sculptures de la Renaissance, les Vénus et les Aphrodite, peintes dans toute leur splendeur et sensualité, le scandalisent. Pour lui, la nudité et la vitalité du corps n'ont aucunement de place et de légitimité dans son "Ici-bas". C'est dans son "Au-delà" que tout se joue ! "Certains imams préconisent aujourd'hui, pour plaire à Dieu, de ne coucher avec sa femme que dans l'obscurité totale, derrière un rideau ou une toile, dans le tâtonnement, consommant cette dépossession, cet art du contre-nu. Mon personnage Abdellah en rêvera mais dans un étrange renversement : le nu est promesse de la mort alors que la vie doit être dérobée au regard, à la lumière. Dans les livres sacrés, le corps n'est accepté que comme témoin de la résurrection. Il est corps durant le Jugement dernier." Comme Abdallah, Hayy Ibn Yaqzan a l'obsession de se rhabiller, de se cacher, de se préserver pour l'"Au-delà". Tous deux, Abdellah et Hayy, ordonnent le monde en l'inversant, en l'anéantissant : le corps incarné pour l'au-delà ; le corps désincarné et invisible pour l'ici-bas. Ménager le scientifique et le religieux, concilier foi et raison, est-il encore possible, aujourd'hui ? Une question qui ne cesse d'être d'actualité – surtout dans le Sud confessionnel –, et à laquelle Ibn Tufayl a répondu, de manière très subtile, par deux versions qui se veulent harmonieuses et conciliatrices du couple foi/raison, s'agissant de la naissance ou de l'arrivage de Hayy sur l'île déserte, située à l'Equateur dans son "roman". Rationaliste, homme de foi éclairé et courageux, Ibn Tufayl, selon Kamel Daoud, n'a pu guère aller "à l'encontre de l'orthodoxie coranique qui, comme celle biblique, a décidé de la création et de son mythe : un Dieu, un couple, une génération par généalogie". Le philosophe andalou souscrit absolument au schème monothéiste de la création qui postule qu'en aucun cas l'homme ne peut venir du vide et du néant, sauf par intervention divine. Ainsi, il offre au Croyant à la loi divine de la procréation une généalogie de naissance et d'adoption à la Remus et Romulus ; au "scientifique", il propose la thèse spectaculairement radicale de la naissance "tropicale immaculée", donnant ainsi à méditer un laboratoire insulaire aux conditions idéales où, de manière intuitive, on peut naître sans père ni mère, sans rattachement à la "généalogie" d'Adam et Ève. Cette naissance "tropicale immaculée", est-elle subversive ? Non. Elle ne l'est point. C'est un chemin qui mène ipso facto vers Dieu. Elle conforte le dogme et l'orthodoxie. Le rite et l'ablution. "L'île de Hayy est un champ de transgression, de liberté, de possibilité et d'expérience hors les lois." De la physique à la métaphysique" Souvent, on chemine de la métaphysique à la physique. Hayy, quant à ce cheminement, en décida autrement : il alla De la physique à la métaphysique. Un titre séduisant qu'aurait pu porter l'épître d'Ibn Tufayl. Le choix de cet acheminement vers la Transcendance, de la part de Hayy via Ibn Tufayl, suscite un vif questionnement : comment ce matérialiste, de naissance, a pu céder aux illusions de l'invisible et de l'irrationnel ? Une réponse freudienne pourrait éclairer la situation. Hayy est un insulaire. Un vivant, pas un survivant ; un constructeur, pas un reconstructeur, écrit Kamel Daoud. Aussi, il n'est pas "psalmodieur". Sa "mère" est la gazelle. C'est avec son corps, une fois inerte, qu'il découvrit l'outil et son usage, comme tout bon homo faber. Un geste très matérialiste ! Mais avant la découverte de l'outil, il y avait la découverte de la mort. Cette énorme nébuleuse que peu de gens, finalement, arrivent à supporter, à accepter avec une attitude tragique, à la manière des poèmes que Lucrèce consacra à la mort dans le De rerum natura. "Pour la première fois, avec la dissection de la gazelle, sont posées les frontières entre le visible et l'invisible, et celles entre le connu et l'inconnu s'y retrouvent sublimées, transfigurées par le mystère. C'est une auto-dissection imaginaire." Irrationalité ou rationalité de la mort ? Deux hypothèses sont possibles : 1- Hayy, en matérialiste de naissance, aurait dit : "Rien ne naît de rien, par miracle divin. Si la peur accable ainsi tous les mortels, c'est qu'ils observent sur la terre et dans le ciel mille phénomènes dont les causes leur sont cachées et qu'ils attribuent à la volonté divine." Il aurait pu ajouter que "la religion souvent enfanta crimes et sacrilèges". Une interprétation conforme à l'écosystème de la faune et de la flore qui l'a vu naître. 2- Quand Ibn Tufayl se glisse dans la peau de Hayy, sous sa langue aussi, la réponse devient spiritualiste. Le texte qui décrit l'impressionnante progression de soi, la découverte de l'existence du cœur du monde (Dieu) via la découverte du cœur de la gazelle, comporte un sous-texte. Celui de l'idéologie religieuse d'Ibn Toufayl. Le procédé logique et rhétorique est le suivant : l'irrationnel ne doit pas rester inconnu, sans explication. Donc, on explique l'irrationnel de manière rationnelle : cela donnera les dichotomies corps/esprit, mortalité/immortalité. Pourquoi une telle explication ? La peur de la blessure narcissique ? Oui, probablement. L'impuissance inhérente aux hommes de donner du sens à certains phénomènes constitue en elle-même et d'emblée une blessure narcissique. L'Idéal du Moi inflige au Moi cette blessure en lui disant : tu ne peux pas ne pas connaître, ne pas savoir, ne pas expliquer. Le Moi, en bon disciple, répond : la mort n'est pas la mort, c'est le commencement d'une autre vie. La "vraie" vie ne siège pas dans le corps, elle siège dans l'"immortalité de l'âme". Face à la découverte de la nudité et de la faiblesse du corps, Hayy, aidé par Ibn Tufayl, inventa l'Invisible afin de pallier son impuissance. Il découvrit par la suite que cet Invisible n'est que la "Suprême Transcendance de Dieu", vers laquelle tout être humain chemine, par intuition ou par tradition. Si on s'amuse à réécrire le poème de Lucrèce expliquant que Rien ne naît de rien, Hayy aurait écrit ou dit : "Toutes les choses, tous les êtres humains naissent par miracle divin." Si la peur accable les mortels, c'est qu'ils ignorent la Transcendance des mille phénomènes qu'ils observent sur la terre et dans le ciel. Ils attribuent les causes qui leur sont cachées à la volonté divine des idoles qu'ils adorent, vainement. Il aurait ajouté : "La religion souvent enfanta science et vérité." La blessure narcissique est une source de création féconde : religion, fable, mythe, dogme, idéologie, etc. Nietzsche parlera, pour sa part, d'illusion. Marx, quant à lui, parlera de fausse conscience. Le pouvoir du langage En cherchant partout et toujours la cause du Tout, le mystique finit par oublier la vie, le corps. Il se perd dans le labyrinthe logologique qu'il crée par l'effet performatif de ses incantations théologiques qui prennent la forme du psittacisme. Le Tout et la Transcendance, dans la langue du mystique, prennent le dessus sur le réel, sur le monde. Les premiers finissent par supplanter les seconds. C'est envers cet égarement, ce déni du réel, que Kamel Daoud dirige sa critique. Il pointe la dérive de la mystique en dogme, en nouvelle religion, sous couvert de "science". "Avec cette vision d'un Dieu possible, le monde insulaire se retrouve explosé dans ses frontières, étendu à l'infini de l'Auteur, retourné vers le ciel où il va se débonder. Hayy en est à la phase de la construction d'une langue qui va l'aider à méditer mais qui va piéger, vers l'ultime station, sa vision même." Ibn Tufayl, dans une logique narrative, prête une langue, inventée de toutes pièces, à Hayy afin qu'il puisse narrer son interprétation, philosophico-théologique, du monde. Cette narration du monde devient le Monde, par effet performatif du langage. Dans Quand dire, c'est vraiment faire, Barbara Cassin analyse pertinemment le processus de fabrication langagière d'une fiction et, par la suite, de sa fixation comme "fait", comme "fixions". Bref, comme "monde" : "Mais on peut (...), à rebrousse-chemin, partir des mots et faire apparaître non pas ‘en tant que' mais ‘comme' de l'être, non plus originel et premier mais second et fabriqué. Du dire vers l'être, c'est le sens de la logologie : l'être est un effet de dire." Suivant cette optique logologique, Hayy crée le Tout et la Transcendance par une performance discursive qui va du Cri à l'Alphabet. La langue de Hayy est comme le pharmakon des anciens Grecs : elle porte le poison et le remède au poison. Si Kamel Daoud dira "narrer et égarer", il faudrait ajouter : narrer l'histoire de celui qui a narré, pour ne pas s'égarer. Pour mieux "relire" Pourquoi bien relire ? Pour avoir le courage de dire sa révolte. Comment ? En ayant le courage de voir dans l'épître d'Ibn Tufayl la possibilité de s'insurger, de subvertir le dogme et l'orthodoxie, par le bon usage de l'intuition, donc de la raison. Au lieu de lire dans le geste de Hayy – découvrant le Tout et la Transcendance dans l'île déserte –, une nécessité du retour à la religion, osons y voir une nécessité du retour à la raison, à la liberté d'esprit. Aussi, osons y voir la nécessité de se débarrasser du joug de l'arbitraire théologico-politique qui, dans "le monde dit arabe", condamne, exile, apostasie ceux qui osent exprimer une once de dissidence, de liberté, de non-conformisme. Pour reprendre les faisceaux lumineux d'Emmanuel Kant, immortalisés dans le texte de 1784 : "Accéder aux Lumières consiste pour l'homme à sortir de la minorité où il se trouve par sa propre faute. Être mineur, c'est être incapable de se servir de son propre entendement sans la direction d'un autre." Plus loin, il ajoute : "Sapere aude ! (Ose savoir !) Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle la devise des Lumières." Sortir de la minorité, c'est apprendre à bien lire. Comment apprend-on à bien lire ? En osant savoir. En osant savoir qu'on ne sait pas. En faisant l'éloge de l'incertitude. À son tour et en concluant son texte, Kamel Daoud se pose l'éternelle question du pourquoi relire. Relire, en premier lieu, pour faire le bilan de faillite de la langue du mystique qui, in fine, représente et dit le monde avec un lexique atrophié : "Pauvre Robinson, où êtes-vous ? Cinq mots pour dire l'univers entier d'une île inconnue." Un lexique réduit dit une représentation et une compréhension du monde limitée, biaisée, transfigurée ; relire, en deuxième lieu, c'est inventer une nouvelle langue, estime Kamel Daoud, pour pallier les lacunes de la première. C'est, par exemple, la réécriture, de droite à gauche, de l'histoire de Moussa par Haroun, pour livrer sa contre-enquête. C'est aussi l'invention d'une langue par Zabor qui, du fin fond du village d'Aboukir, a pu sauver sa vie et celle des siens de la pesanteur de l'arbitraire et de la Loi religieuse. Relire, c'est acquérir un nouveau dictionnaire susceptible de changer le monde. C'est aussi un acte presque divin, consistant à donner un nouveau souffle, une âme, dans un monde asphyxié par la Loi, par la canicule qui plane au-dessus de la cité imaginaire des croyants. Jean-Baptiste Brenet a fait revivre Vivant fils du Vigilant dans la peau de Robinson de Guadix ; Kamel Daoud a su relire cette renaissance en donnant naissance à la possibilité d'Autres lectures.