Attendu qu'il soit contradictoire, le débat animé, hier, au centre de presse d'El Moudjahid à l'occasion de la Journée mondiale pour la paix a été à sens unique. Les invités à cette table ronde se sont contentés de faire l'éloge de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, initiée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Même s'il dénonce « combien est biaisé le débat actuel sur la réconciliation nationale », maître Miloud Brahimi, définissant la charte en deux parties (philosophique et modalités), a estimé qu'« il y a tout ce qu'attend un démocrate d'une démarche politique ». Ce qui le convainc de voter oui pour cette charte. « J'ai voté pour la concorde civile et je ne vois par pourquoi je ne voterai pas pour cette charte », a-t-il dit. Cela sans l'empêcher de regretter « l'impunité réservée dans cette charte aux crimes individuels ». Selon lui, « il n' y a pas l'ombre d'une amnistie générale dans la charte ». Pour sa part, maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (CNCPPDH), a souligné que « contrairement à ce qui se dit, ce n'est pas l'Etat qui se livre aux terroristes, mais c'est le contraire ». Pour lui, « les institutions qui ont su combattre pour la guerre depuis 1992 ont su faire la paix aujourd'hui ». Il considère plus loin que « la réconciliation nationale participe à un devoir de mémoire à l'égard de l'Algérie combattante, de toutes les victimes de la tragédie nationale, mais également l'hommage et la justice qu'on peut rendre au pays ». Le président de l'Association des anciens combattants pour la libération et les droits des peuples, maître Saïd Ben Abdellah, a soutenu que « c'est une consultation qui est basée sur la paix et le droit ». A ses yeux, la question se pose : « Comment il faut asseoir la paix puis le droit ? » Dans son intervention, Mme Benhabyles, présidente du Mouvement de solidarité de la femme rurale, a livré des témoignages sur le constat qu'elle a établi à l'intérieur du pays. « Je constate qu'il y a une cohabitation entre les familles des terroristes et les familles victimes de la tragédie. » Selon elle, « la notion de paix est inculquée dans les esprits de ces familles ». Mme Benhabyles soutient que « ce qui est important dans cette charte est le devoir de mémoire et la solidarité qui y sont consacrés ». Cela sans omettre de signaler que « c'est un projet algéro-algérien ». Reprenant la parole au sujet des disparus, maître Farouk Ksentini a dénié le droit aux organisations des victimes du terrorisme, qui sont opposées au projet de Bouteflika, de s'exprimer au nom de la majorité. Pour lui, « les organisations qui prétendent représenter les disparus et qui se réduisent à deux ou trois familles ont surculpabilisé l'Etat depuis des années ». « Je ne pense pas qu'elles (les organisations) aient le droit d'imposer leur poids sur la majorité des familles des disparus », a-t-il ajouté. Maître Ksentini reconnaît tout de même qu'il y a des « réticences » sur cette question cruciale. Mais selon lui, « il faut régler leur compte pour éviter le règlement de comptes pour stopper l'état de guerre dans lequel s'est livré le pays depuis plus d'une décennie ». Le président de la CNCPPDH a estimé, en outre, que « 77% des familles des disparus sont d'accord pour recevoir les indemnités et elles ont adopté l'attitude de réconciliation ». Répondant à une question relative à la responsabilité dans la tragédie nationale, maître Brahimi réplique qu'« il n'est pas question de faire assumer à l'Etat algérien la responsabilité des 150 000 morts. Sur le plan interne, l'Etat a mené une guerre juste et légitime et sur le plan international les choses commencent à se détendre ». Abondant dans le même sens, maître Ksentini a estimé que « l'Etat était la partie agressée et il est dans un état permanent de légitime défense ». Comment expliquer que des partis qui ont participé à la réunion de Sant'Egidio soutiennent aujourd'hui le projet du président de la République, Mme Benhabyles se défend que « la démarche de Sant'Egidio soit différente de la démarche actuelle (la charte, ndlr), car le contexte n'est pas le même et l'Etat est aujourd'hui en position de force ».