L'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) vient de décider de modifier les conditions d'importation de blé, élaborant des appels d'offres moins exigeants en ce qui concerne la limite des taux de grains punaisés pour le blé à haute teneur en protéines. Ce faisant, l'OAIC élargit le spectre de la concurrence des fournisseurs de blé, espérant obtenir des prix plus bas à l'importation. Nouad Mohamed-Amokrane, expert en agronomie, estime qu'il s'agit là "d'une bonne chose", expliquant qu'en révisant les règles d'éligibilité pour l'importation, définies dans les cahiers des charges, l'Office "ouvrira la voie à beaucoup plus de soumissionnaires" intéressés par le marché algérien du blé, notamment aux producteurs de la mer Noire. Dans un marché mondial hautement volatil, plus il y a des fournisseurs, mieux c'est. Nouad Mohamed-Amokrane ajoute : "Si on faisait jouer pleinement la concurrence entre différents exportateurs, cela pourrait faire baisser les prix." Cela pourrait, par ailleurs, faire des mécontents et susciter des inquiétudes dans le carré des fournisseurs de blé traditionnels de l'Algérie, notamment français. La France devrait exporter en 2020 environ six millions de tonnes de blé vers l'Algérie, son premier client à l'exportation, en dehors de l'Union européenne. Ses plans d'exportation ne risqueraient, cependant, pas d'être contrariés à très court terme. Elle devrait pouvoir y "conserver ses parts de marché aux alentours de 60%, y compris dans des conditions de concurrence induite par le blé de la mer Noire", ains que le fait observer le groupe d'exportateurs Synacomex. Donc, "pas grand-chose ne devrait changer cette saison", a estimé, de son côté, Nathan Cordier d'Agritel, un organisme spécialisé dans la gestion des risques des marchés agricoles, cité par Reuters. L'expert admet, toutefois, que "le blé français ne pourra pas s'en tirer avec un prix élevé avec la concurrence du blé originaire de la mer Noire", en période de mauvaise récolte. Nouad Mohamed-Amokrane souligne qu'au-delà des modalités du régime d'importation, "le plus important reste, cependant, le développement de la filière céréalière". Cette dernière devrait fonctionner selon des normes et des attentes. Elle devrait multiplier les efforts de production en amont dans le but d'assurer l'approvisionnement des minoteries nationales en blé tendre. Il s'agit d'un défi colossal, d'autant plus que la culture des céréales a toujours été exposée aux aléas du climat. Dans de nombreux pays africains, la production agricole est structurellement insuffisante et peu productive. Aussi, "le principal défi à relever d'ici à 2050 sera l'adoption de pratiques culturales plus productives, adaptées au climat qui régnera alors", recommande Agritel. Celui-ci explique que "l'Europe occidentale dispose de marges importantes pour s'adapter au réchauffement climatique et que les rendements de blé resteront élevés même s'ils pourraient baisser". Mais, ajoute-t-il, "dans trente ans, l'Europe occidentale fera face aux pays du Maghreb encore plus pénalisés qu'actuellement, par le climat en vigueur, pour produire des céréales et du blé en particulier". Or, poursuit-il, "cette région est actuellement la première région importatrice de blé de la planète (30 millions de tonnes en 2019-2020)". "L'Egypte et l'Algérie en achètent à eux deux 20 millions de tonnes", rapporte Agritel. Youcef Salami