L'islamisme avance dans l'Université. Structuré depuis de longues années, il occupe, désormais, le campus. Les autorités universitaires font ce qu'elles peuvent, c'est-à-dire rien. Elles regardent l'UGEL imposer sa loi et font ce que le pouvoir a toujours fait : composer. Les islamistes savent que désormais leur organisation progressivement tissée tient dans ses rets le réseau universitaire. Désormais, la paix des zones universitaires dépend d'eux. Ils savent aussi que les responsables, timorés et habitués à s'agripper mais sans prendre les risques qui s'y rattachent, ne feront rien qui ajouterait à leur agressivité : nos responsables respectent ceux qui font valoir leurs capacités de nuisance. L'assassinat de Rachid Saïdi à l'université de Tlemcen, la semaine dernière, participe de ce dialogue de la brutalité conquérante avec la “puissance” publique qui recule. Voyez l'appel de Rachid Harraoubia. N'a-t-elle pas quelque chose de pathétique, cette invitation au calme, alors qu'il y a déjà mort d'homme. Des blessés à El-Harrach, des étudiantes interdites de cité par les garçons à Sidi Bel-Abbès, des émeutes à Oran, des filles pourchassées par un “étudiant”, à Blida, arme blanche à la main, des incidents à Boumerdès… et le ministre de l'Enseignement supérieur n'a pas encore trouvé meilleure riposte qu'une lettre ouverte censée adoucir par la magie du verbe les mœurs déchaînées des campus ! Je ne sais pas si les responsables réagissent — ou, plus exactement, ne réagissent pas — dans ces cas d'hégémonie militante, parce qu'ils sont effrayés ou parce qu'ils se prêtent à une complicité délibérée. Car, on n'a pas idée de tenter d'apprivoiser un militant islamiste, avec des mots d'amour et des appels à la sagesse. La dérisoire riposte épistolaire du ministre me rappelle tristement l'épopée navrante, mais d'un certain point de vue émouvante, d'un Chadli recevant, et recevant encore, les dirigeants du FIS au palais présidentiel, d'un Hamrouche appelant au calme dans une capitale physiquement occupée, places et boulevards, par des troupes hirsutes et vociférantes, d'un Nezzar accueillant en ministre “encivilé” de la Défense un Ali Benhadj en treillis et qui avait auparavant pris soin de se dispenser du Service national ! Toutes ces reculades n'ont pas sauvé la République. Ni les 52 000 victimes des islamistes. Elles les ont rendues possibles, au contraire. Comme elles ont rendu possible l'occupation intégriste de l'espace universitaire, au point qu'aujourd'hui, les “talibans” de nos campus font la chasse à la différence résiduelle. Depuis quand, en effet, la désertion fait reculer l'adversaire ? Ce qui se passe dans les universités relève d'une offensive politique violente, parce qu'elle correspond aux méthodes de ses initiateurs. Devant l'apathie — ou peut-être la sympathie du pouvoir —, il y a de fortes chances qu'il s'agit de la réédition de la campagne de terreur qui a préparé la victoire de l'obscurantisme en 1991. Il semble que les mêmes attitudes veuillent nous mener, une fois encore, droit vers la tragédie. M. H.