Le vent de l'intégrisme souffle à nouveau sur les campus universitaires. L'ouverture d'esprit et le respect de la différence semblent avoir encore quitté ces lieux, censés être des lieux de savoir par excellence, pour laisser place aux dépassements des « gardiens » autoproclamés du temple de la vertu. Comme durant la fin des années 1980 et au début des années 1990, le fanatisme religieux refait surface dans les cités universitaires et menace concrètement la sécurité des étudiants. Ce qui s'est passé avant-hier au niveau du centre universitaire Akli Mohand Oulhadj de Bouira suscite beaucoup d'inquiétudes. En effet, ce centre universitaire a connu une scène de violence très grave. Une véritable bataille a opposé des étudiants, affiliés à l'Union générale des étudiants libres (UGEL), à leurs autres camarades qui ne sont sous la coupe d'aucune organisation. A l'origine de cette bagarre, la mixité dans un nouveau restaurant universitaire. Les membres locaux de cette organisation estudiantine se sont opposés à la mixité dans ce resto et ont voulu imposer leur loi à d'autres étudiants. C'est ce que nous confirme, d'ailleurs, le responsable de l'UGEL, Smaïl Medjahed. « Il y a eu deux chaînes : l'une pour les garçons et l'autre pour les filles. Les autres étudiants (ceux qui ne sont pas affiliés à l'UGEL) ont voulu mélanger les deux chaînes. Nous ne sommes pas d'accord », déclare-t-il, en tentant de défendre les membres de son organisation. « Ce n'est pas l'UGEL qui est à l'origine des rixes. C'est la minorité qui a voulu imposer sa position à la majorité que nous représentons », estime-t-il. Cependant, les articles des correspondants des journaux ont affirmé le contraire. Pour justifier la position de son organisation, notre interlocuteur tente de puiser des arguments dans les us et coutumes de la société. « Nous sommes une société conservatrice », décrète-t-il. Une organisation estudiantine a-t-elle les prérogatives de gérer des centres et des cités universitaires ? Où est le rôle de l'administration dans tout cela ? La direction des œuvres universitaires (ONOU) considère la position de ladite organisation comme « une ingérence dans ses propres prérogatives ». « La gestion des espaces communs dans les universités et les cités universitaires relèvent des prérogatives de l'ONOU. Personne n'a le droit de le faire à sa place. Le règlement intérieur de chaque structure universitaire est clair », rappelle le responsable de la direction de l'amélioration du cadre de vie des étudiants au niveau de l'ONOU, Djamel Zellagui. Bouira, l'arbre qui cache la forêt Pourquoi donc ne pas prendre des mesures fermes pour mettre un terme à ce genre de dépassements ? Selon Djamel Zellagui, le règlement intérieur des universités et des résidences universitaires prévoit « des sanctions contre tout dépassement d'où qu'il vient ». « Les responsables des violences dans les centres et des cités universitaires sont traduits devant le conseil de discipline et ils sont sanctionnés. Pour le cas de Bouira, nous n'avons pas encore reçu le rapport du responsable du centre en question », explique-t-il. Mais ce qui s'est passé à Bouira est loin d'être un cas isolé. La situation est grave. Ce genre de comportement se généralise et les exemples sont légion à travers le pays. Les mis en cause sont toujours des responsables des organisations estudiantines très proches des partis islamistes et dont la majorité n'a aucun lien avec l'université. Leurs demandes dépassent le cadre universitaire et les droits des étudiants pour entrer dans le champ idéologique. Dans ce sens, Djamel Zellagui cite l'une des revendications les plus saugrenues parvenues à sa direction : « Des organisations estudiantines ont même exigé de ne plus affecter des employés femmes dans les résidences universitaires réservées aux garçons. » Un exemple qui renseigne, on ne peut plus clairement, sur la dangerosité de la situation. Le discours fanatique gagne à nouveau l'université et les autorités se montrent encore une fois complaisantes. Elles semblent avoir déjà oublié les conséquences désastreuses de cette complaisance avec les islamistes durant les années 1980.