À travers ses mémoires "Boussouf et le Malg : la face cachée de la Révolution" - Casbah édition- Dahou Ould Kablia retrace le parcours de la Révolution, l'indépendance confisquée jusqu'à la dérive du régime de Bouteflika. Il fait partie d'un des derniers survivants des "Malgaches". L'ancien ministre de l'Intérieur, Dahou Ould Kablia (87 ans), vient de publier ses mémoires chez Casbah Editions sous le titre Boussouf et le Malg/La face cachée de la Révolution. Le livre dont Liberté détient une copie en exclusivité, sortira en librairie le 25 octobre prochain. En retrait de la vie politique nationale depuis 2013 en raison de son "opposition" au quatrième mandat de Bouteflika, DOK nous replonge dans l'une des séquences les plus mystérieuses de la guerre de Libération nationale. Mystérieuse parce que l'histoire concerne l'origine des services secrets algériens nés en pleine guerre contre l'occupation coloniale. Jeune étudiant à Toulouse au déclenchement de la guerre, Ould Kablia rentre dans sa région d'origine (Mascara) — 1956 — pour rejoindre les rangs de l'ALN, pour finir dans la jeune garde des militants qui allait constituer la "garde rapprochée" d'Abdelhamid Boussouf au sein du ministère de l'Armement et des Liaisons générales (Malg), ancêtre de la redoutable Sécurité militaire. En première ligne, Dahou Ould Kablia était au cœur du "réacteur" malgache. De cette histoire, il garde en mémoire la création des réseaux de renseignement, de transmission et d'approvisionnement en armes. Il fait le récit d'"une véritable armée de l'ombre" qui va jouer un rôle important dans la lutte indépendantiste. Dans ses mémoires, l'ancien wali de Mascara (1963) raconte avec beaucoup de détails les opérations montées par les réseaux clandestins du Malg, mais aussi les itinéraires de ces hommes de l'ombre qui évoluent dans un climat de guerre cruelle. Des histoires qui donnent à voir combien la lutte armée menée par des jeunes était une véritable "épopée meurtrière". Ould Kablia ne se limite pas uniquement à la naissance et à l'évolution du Malg. Il place cette "histoire malgache" dans la grande histoire de la guerre de Libération nationale. Il revient essentiellement sur les conflits qu'a connus la Révolution, ses antagonismes et ses luttes de leadership. Il n'esquive pas non plus ses phases sombres qui ont conduit à des liquidations physiques dont la plus emblématique est celle d'Abane Ramdane. Dans le chapitre qu'il lui consacre sous le titre "Un homme, une vision, une stratégie", Ould Kablia dresse le portrait d'un personnage central dans la lutte du peuple algérien pour son indépendance. "La mort abjecte d'Abane Ramdane a ébranlé dangereusement l'édifice encore fragile du pouvoir à la tête de la Révolution. Sa forte personnalité et le poids de ses idées novatrices et courageuses ont certainement marqué dans l'appréhension et le règlement des dysfonctionnements et des crises qui ont secoué le FLN par la suite...", écrit-il. À propos de son assassinat au Maroc, l'auteur ne disculpe pas Boussouf, mais il assure qu'il n'était pas l'unique responsable du meurtre de l'architecte du Congrès de la Soummam. "Il ne fait pas de doute que la responsabilité matérielle de son assassinat est imputable au colonel Boussouf puisqu'il a eu lieu dans un territoire relevant de sa tutelle et a été exécuté par des hommes requis par ses soins. Boussouf n'a jamais nié les faits ni tenté de se dédouaner en évoquant des raisons qui auraient pu relativiser son rôle. Ceux qui le connaissent savent bien qu'il n'aurait jamais accompli un geste aussi grave contre un dirigeant de l'envergure d'Abane Ramdane, en la présence de deux membres du CCE, sans une décision collégiale qui s'est imposée à lui...", défend Ould Kablia. Ce dernier évoque également d'autres épisodes glorieux et peu glorieux de la Révolution. Le tout dans une démarche qui échappe à la logique des règlements de comptes et procès historiques. Ce qui est aussi intéressant dans les mémoires de Dahou Ould Kablia, c'est qu'il va jusqu'à aborder les faits récents liés à la gouvernance de Bouteflika. Il critique la décision de révision de la Constitution de 2008 "imprévue qui jette le trouble...". Il brocarde également le 3e mandat de Bouteflika en écrivant qu'après "son élection au troisième mandat, aucun changement n'est perceptible dans son mode de gouvernance. Le champ politique est toujours fermé, les libertés et les droits des citoyens étouffés, la représentation populaire et le syndicat officiel contraints à une servitude volontaire !" Ces mots sont du ministre de l'Intérieur que fut Ould Kablia sous le 3e mandat. Et pour achever Abdelaziz Bouteflika, l'auteur va jusqu'à affirmer que "son absence hors du pays et son handicap apparemment irréversible ne l'empêchent pas d'actionner ses soutiens, tout aussi intéressés, pour le proposer à un quatrième mandat en 2014, ce qui ne fait que confirmer son attrait morbide pour le pouvoir". Bouteflika appréciera ! Hassane O.
Dahou Ould Kablia Boussouf et le MALG La face cachée de la Révolution Casbah Editions 446 pages - 1300 DA